Entretiens
7 février 2014
Sotchi : quels enjeux pour la Russie ?
Retour sur la situation géopolitique de Sotchi
D’un point de vue géopolitique, le choix de Sotchi peut sembler un choix étrange, car Sotchi n’est qu’à quelques dizaines de kilomètres de l’Abkhazie, la province sécessionniste de Géorgie, qui a déclaré son indépendance et a fait l’objet de plusieurs conflits entre Abkhazes, soutenus par les Russes et Géorgiens.
D’autre part, Sotchi est situé en Ciscaucasie, le Caucase du Nord, région extrêmement troublée dans sa partie Est depuis le conflit tchétchène commencé en 1991. C’est une zone agitée par la guérilla puis par le terrorisme, sans oublier les deux guerres russo-tchétchènes de 1994 à 1996 et de 1999 à 2009. La rébellion tchétchène a été matée par l’armée russe mais le terrorisme radical musulman reste ancré dans la région, avec des mouvements inféodés à Al-Qaïda. Organiser des Jeux olympiques à Sotchi, à 400km de Grozny, c’est donc un véritable défi.
Sur l’Abkhazie, il faut savoir cependant que la tension a grandement décru depuis la guerre russo-géorgienne de 2008. Très clairement, l’Abkhazie a pris son indépendance et ne retournera probablement jamais dans le giron géorgien. Donc la question abkhaze n’est pas vraiment une source de tension vis-à-vis des Jeux.
En ce qui concerne le terrorisme fondamentaliste musulman, il y a une vraie menace. Pour autant, un puissant dispositif de sécurité a été mis en place à Sotchi, et il sera extrêmement difficile pour ces mouvements terroristes de franchir le dispositif de sécurité et de frapper à Sotchi même.
Quels moyens ont été mis en œuvre à Sotchi ?
Si les risques d’attentats à Sotchi sont relativement faibles ils ne sont pas totalement éliminés. Quand quelqu’un est prêt à mourir en faisant exploser sa ceinture d’explosifs, il est extrêmement difficile de l’en empêcher et les chances de l’arrêter sont très faibles. Si quelqu’un se présente sur la première barrière de sécurité, et qu’il se fait sauter devant un poste de police, l’opinion publique retiendra qu’il y a eu un attentat à Sotchi, peu importe la distance séparant l’attentat du cœur de la ville et du village olympique. Si un attentat dans Sotchi semble extrêmement peu probable, une action aux limites du dispositif n’est pas du tout à exclure.
De plus, quand on concentre des dizaines de milliers de policiers et de soldats dans une seule zone, on en dégarnit d’autres. Or tout mouvement terroriste frappe là où il peut frapper facilement. On peut donc considérer que les unités qui ne sont pas à Volgograd, à Krasnodar, dans les grandes villes du Sud de la Russie sont des unités qui manqueront dans ces villes, si jamais les terroristes décidaient de les frapper.
En ce qui concerne les mesures de sécurité prises, elles sont exceptionnelles, mais comme pour tout évènement de cette ampleur, sportif ou politique. Rappelons-nous de l’organisation du G8 en 2011 à Deauville, où des batteries de missiles sol-air qui surveillaient Deauville et on ne pouvait pas approcher Deauville sans montrer patte blanche.
Idem pour les JO de Londres, tout comme Pékin. Sotchi s’inscrit donc dans cette continuité. On n’organise pas une coupe du monde de football, un championnat du monde d’athlétisme ou des JO sans prendre des mesures de cet ordre-là car ce sont par définition des cibles privilégiées pour des terroristes.
A Sotchi, on retrouve donc des forces du Ministère de l’Intérieur, du FSB, des forces spéciales du Ministère de l’Intérieur et de la Défense et évidemment les forces de police. Cela fait plusieurs dizaines de milliers d’hommes avec en plus, un certain nombre de moyen d’écoute électroniques, de surveillance, d’intelligence, vis-à-vis de ce qui circule sur la toile, sur les ondes. Ce dispositif sera un gros obstacle pour les terroristes dans leur mode de communication à moins d’en revenir à des méthodes traditionnelles en la matière.
Comment Sotchi s’inscrit-il dans la politique de Poutine ?
L’organisation des JO à Sotchi couronne le retour de la Russie au premier plan sur la scène internationale. La Russie est redevenue une puissance majeure, comme on a pu le voir avec la crise syrienne, une puissance économique qui compte en étant le 6ème pays le plus attractif du monde pour les investissements étrangers directs. D’autre part la Russie a vu l’émergence d’une classe moyenne assez importante de 30 à 40 millions d’habitants, qui vit selon des standards de richesse identiques à ceux des européens, voire supérieurs.
Le pays se réforme en profondeur et c’est cette image d’une Russie puissante et plus prospère que Sotchi vient symboliser.