Les deux années qui changèrent la Caspienne / Par Samuel Carcanague

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  • Samuel Carcanague

    Samuel Carcanague

    Spécialiste de l’espace post-soviétique et les questions énergétiques

À partir de l’été 2014, la chute des prix des hydrocarbures a mis en lumière, un peu partout dans le monde, les lacunes de différents États producteurs en matière de développement économique, de diversification et de redistribution. La dépendance aux exportations de matières premières énergétiques constitue ainsi une caractéristique commune d’un certain nombre de ces pays, de même que l’importance de la corruption et un faible niveau de libertés politiques. Si, en période d’abondance – soit de prix hauts des hydrocarbures –, les revenus tirés des exportations masquent ces insuffisances structurelles de l’économie et méfaits de l’élite politique, la période actuelle de prix bas révèle avec acuité les faiblesses de l’ensemble du système et alimente les frustrations économiques, politiques et sociales qui pourraient, à terme, se traduire par de l’instabilité.

La région de la mer Caspienne n’échappe pas à ce phénomène, auquel s’ajoute une série d’événements qui vont sans aucun doute contribuer à déterminer son avenir. En l’espace d’un peu plus de deux années, du printemps 2014 à l’automne 2016, le contexte économique et politique des pays riverains s’est, en effet, profondément modifié. De nouveaux projets d’infrastructures énergétiques ont été lancés et pourraient, s’ils se réalisent, peser sur les équilibres régionaux. De même, se dessine en arrière-fond une nouvelle donne internationale, avec deux grands acteurs de la Caspienne, la Russie et l’Iran, dont la place et le rôle évoluent sur la scène régionale et mondiale.

Nous nous concentrerons davantage sur les trois pays producteurs de la Caspienne : le Kazakhstan, le Turkménistan et l’Azerbaïdjan. Bien que leurs dynamiques internes soient sensiblement différentes, ces États partagent des problématiques communes, notamment des modèles économiques et régimes politiques similaires. Ils sont également confrontés à la nécessité d’exporter leurs matières premières énergétiques, en tentant de réduire le risque de politisation du transit, que ce soit au Nord (Russie), à l’Ouest (Union européenne [UE], Turquie), au Sud (Iran) et à l’Est (Chine). L’ensemble de ces facteurs modifie le paysage géopolitique régional.

Trois pays autoritaires dans la tourmente économique

La chute des cours des hydrocarbures intervenue à l’été 2014, associée au ralentissement économique des deux grands partenaires de la région, la Chine et la Russie, a eu de sévères conséquences sur les économies des pays riverains de la Caspienne, pour lesquels le gaz et le pétrole représentent une part essentielle des exportations [1]. Comme d’autres (Algérie, Venezuela), ces trois pays se heurtent ainsi, à des degrés divers, aux limites structurelles de leur modèle de développement, fondé principalement sur la rente énergétique.

L’Azerbaïdjan a enregistré une croissance de 1,1 % en 2015, contre 5,8 % en 2013. Celle-ci devrait encore se contracter de 1,9 % en 2016, et la Banque mondiale ne prévoit pas de reprise franche à moyen terme (1,3 % en 2018). Le gouvernement a procédé à deux dévaluations du manat en l’espace d’un an – 30 % en février et 50 % en décembre 2015 –, préférant désormais un régime de change flottant. Les réserves en devises étrangères sont passées de 15 milliards de dollars en juillet 2014 à 4,2 milliards en septembre 2016. Le solde de la balance commerciale reste légèrement positif (3 % en 2015), alors qu’il l’était à hauteur de 32 % du PIB en 2011 [2]. Les recettes fiscales déclinantes de l’État – baisse de près d’un tiers en août 2016 par rapport à l’année précédente – remettent en cause les grands investissements dans les infrastructures, ce qui a fait se contracter le secteur de la construction, pourtant particulièrement dynamique ces dernières années, de 35,5 % [3] entre 2015 et 2016. En conséquence, les dépenses sociales ont été réduites et la pauvreté, en baisse depuis le début des années 2000, devrait connaître un nouveau rebond, d’autant que l’inflation, de 1,5 % fin 2014, devrait atteindre les 12 % en 2016 [4]. La chute des cours du pétrole a ainsi mis en lumière les problèmes structurels de l’économie azerbaïdjanaise, et notamment sa trop forte dépendance à la rente énergétique, que les maigres efforts de diversification depuis 2010 n’ont pas permis de résoudre. Le président Ilham Aliyev l’a lui-même reconnu début septembre 2016, en évitant toutefois d’assumer la part de responsabilité des autorités dans cet échec [5].

De l’autre côté de la Caspienne, le Kazakhstan connaît une situation similaire, renforcée par le ralentissement de l’économie russe, à laquelle l’économie kazakhstanaise est très liée. Les autorités ont procédé à deux dévaluations (février 2014 et août 2015) pour laisser ensuite flotter le tengue face au dollar, avec pour résultats une baisse de la consommation domestique et une inflation importante – plus de 13 % prévus pour 2016. La croissance devrait s’élever à 0,1 % en 2016, contre 5,8 % il y a trois ans. Cette conjoncture économique n’est pas sans conséquences politiques et sociales. Des manifestations d’une ampleur inédite ont eu lieu au printemps, prenant prétexte d’une loi foncière permettant aux étrangers – notamment Chinois – de louer des terres kazakhstanaises. Les régions pétrolières de l’Ouest sont particulièrement exposées à ces troubles sociaux, puisque les inégalités et la corruption se font sentir avec plus d’acuité que sur le reste du territoire. C’est d’ailleurs dans cette partie du pays, à Janaozen, que la répression d’une longue grève des ouvriers de l’industrie pétrolière avait officiellement fait 16 victimes en 2011. Les élections législatives de mars 2016, supposées redonner un nouveau souffle à la présidence de Noursoultan Nazarbaiev, dont on ignore encore quel pourrait être le successeur, n’ont eu que peu d’effet sur le mécontentement de la population envers la dégradation des conditions de vie de ces deux dernières années. L’inconnue successorale ajoute à l’incertitude ambiante, tant pour la société que pour les investisseurs étrangers.

Enfin, le Turkménistan, pays le plus fermé de la zone, fait également face à des difficultés nouvelles. Sa croissance, évaluée à plus de 14 % en 2011, devrait atteindre 5 % en 2016 [6]. Les revenus tirés des hydrocarbures ont pratiquement diminué de moitié en 2015 [7] et, comme chez ses partenaires régionaux, la monnaie a été dévaluée (-18,6 %) en janvier 2015. L’arrêt des exportations de gaz vers la Russie, à la suite d’un désaccord avec Gazprom, a également participé au ralentissement du secteur énergétique.

Ce brusque retour à la réalité pousse ces régimes autoritaires à redéfinir, en l’espace de quelques mois, leur projet politique et à trouver d’autres sources de légitimité que la seule croissance économique. Un patriotisme exacerbé et la répression de toute forme d’opposition politique font souvent partie des réponses apportées à la crise, avec le double risque d’aggraver davantage la frustration des populations et, notamment pour l’Azerbaïdjan, les tensions avec les pays voisins. Un certain nombre de grands projets d’infrastructures énergétiques lancés ces deux dernières années pourraient toutefois contribuer à atténuer les effets de la crise, en développant leur accès à de nouveaux marchés. Les résultats ne seront, en revanche, visibles qu’à moyen ou long terme.

De nouveaux projets d’infrastructures énergétiques déterminants

La crise russo-ukrainienne a participé au réagencement des priorités en matière d’infrastructures de transport d’hydrocarbures. Moscou souhaite réduire au maximum le transit de ses exportations par le territoire ukrainien, tandis que les autres producteurs régionaux, inquiets de l’attitude du Kremlin et irrités de sa politisation systématique des questions de transit, tentent de favoriser les projets évitant la Russie. Ces deux dynamiques pourraient conduire, à terme, à une nouvelle géographie des projets de gazoducs et de pipelines, transformant les liens entre la Caspienne et son environnement régional.

Annoncé en grande pompe en décembre 2014 avant d’être mis en suspens après la destruction par l’armée turque d’un avion de chasse russe le 25 novembre 2015, le gazoduc TurkStream semble se concrétiser après la visite réconciliatoire de Vladimir Poutine en Turquie en octobre 2016. Long de près de 1 000 kilomètres, doté de deux conduites d’une capacité de 15,75 m3 chacune [8] – au lieu de quatre prévues initialement –, il vient remplacer le projet South Stream, qui reliait le territoire russe à la Bulgarie, mais qui avait été refusé par la Commission européenne fin 2014. Au-delà du contournement du territoire ukrainien, il témoigne également d’une nouvelle stratégie de la part de Gazprom [9] : livrer le gaz aux frontières européennes – en l’occurrence à la frontière gréco-turque –, laissant à la charge des Européens le soin de l’acheminer aux divers États membres. L’idée d’investir dans des infrastructures de transports sur le territoire européen, qui aurait forcé un partenariat de long terme avec l’UE, n’est plus à l’ordre du jour.

La Turquie devrait doubler sa consommation de gaz dans les quinze prochaines années et constituer un marché suffisant pour rentabiliser les 10 milliards de dollars de construction. L’objectif à long terme est également d’atteindre le marché européen à travers un potentiel raccordement du TurkStream aux infrastructures existantes – Trans-Balkan Pipeline, en inversant le flux – et aux projets d’infrastructures en cours : les gazoducs transanatolien (Tanap) et transadriatiques (TAP).

Ces deux derniers projets, annoncés en 2013, résultent d’une initiative azerbaïdjanaise face à l’enlisement du projet Nabucco, qui devait relier l’Autriche à la Caspienne en passant par le territoire turc. Ils font partie d’un ambitieux raccordement de trois pipelines, dont l’un, le South Caucasus Pipeline (Bakou-Tbilissi-Erzurum), est déjà achevé depuis 2007. Le Tanap, qui devrait entrer en activité en 2019, débute à Erzurum, extrémité occidentale du South Caucasus Pipeline, et traverse tout le territoire turc, jusqu’à la frontière grecque. Puis le TAP, dont la construction a déjà commencé, prendra le relais pour acheminer le gaz jusqu’aux côtes italiennes, en passant par l’Albanie.

Cette combinaison d’infrastructures, qui devrait être finalisée d’ici 2020, concrétise ce fameux corridor gazier Sud, après les échecs de Nabucco et de South Stream. Il représente un accès direct au marché européen pour les pays producteurs de la Caspienne, et augure une dépendance réduite à l’égard de la Russie pour l’UE. D’ici à la finalisation de ces projets, l’Azerbaïdjan va toutefois devoir affronter une situation difficile sur le plan économique et social.

Côté Ouest de la Caspienne, le Turkménistan a, pour sa part, terminé la construction de la troisième ligne du gazoduc Central-Asia-China, même si la quatrième (ligne D), qui devrait porter la capacité à 85 milliards de m3, prend du retard [10]. La Chine est devenue en l’espace de quelques années le premier client du Turkménistan, et représente désormais 81 % de ses exportations de gaz [11]. Parallèlement, les relations d’Achgabat avec Gazprom, auparavant houleuses, semblent définitivement rompues, puisque l’énergéticien russe a annoncé qu’il n’importerait plus de gaz en provenance du Turkménistan. Les autorités turkmènes souhaitent toutefois réduire cette surdépendance à l’égard de la Chine, mais les projets d’infrastructures censés favoriser une diversification des clients sont au point mort : vers l’Ouest, le projet de gazoduc transcaspien (TCP) rencontre de fortes oppositions de la Russie et de l’Iran, sans évoquer les conflits juridiques autour du statut de la mer Caspienne ; vers le Sud-Est, la réalisation du projet TAPI (Turkménistan-Afghanistan-Pakistan-Inde), dont la construction a débuté fin 2015 après près de vingt ans de négociations, est encore incertaine. Au Sud, la piste d’un transit du gaz turkmène par le territoire iranien à destination soit de la Turquie, soit de la façade maritime sur le golfe Arabo-Persique est explorée par les autorités des deux pays. Déjà, une ligne ferroviaire de fret reliant le Kazakhstan à l’Iran en passant par le territoire turkmène a été inaugurée en grande pompe fin 2013, en présence des trois dirigeants respectifs, signe de l’importance que pourrait revêtir cet axe Nord-Sud. Un tel corridor ferait de l’Iran un pays incontournable du paysage énergétique de la Caspienne, tant sur le plan de la production que du transit.

Une recomposition géopolitique autour de la Caspienne ?

Si ces grands projets participent à remodeler le paysage géopolitique de la Caspienne, ils ne sont évidemment pas les seuls facteurs à prendre en compte. Deux dynamiques géopolitiques concomitantes sont, en effet, venues s’insérer dans les problématiques économiques et énergétiques régionales. Durant cette même période, les deux autres pays riverains de la Caspienne, la Russie et l’Iran, ont vu leur place sur la scène internationale – et la perception de celle-ci par les autres acteurs – se modifier radicalement.

La Russie est entrée dans une séquence nouvelle avec la crise ukrainienne et l’annexion de la Crimée en mars 2014. Sur le plan économique, elle subit une récession marquée, due à la fois aux sanctions occidentales, mais également à la chute des prix des hydrocarbures ainsi qu’à des problèmes monétaires. Ce ralentissement pèse sur ses relations avec ses partenaires commerciaux traditionnels, notamment les membres de l’Union économique eurasiatique (UEE) – Kazakhstan, Biélorussie, Arménie et Kirghizstan –, et altère ses capacités d’influence dans la région. Sur le plan politique, ses relations avec les États-Unis et les pays européens se sont dégradées à mesure que Moscou s’engageait progressivement dans le conflit syrien. La Russie est désormais dans une position ambivalente : en froid avec les pays occidentaux, mais incontournable sur le plan diplomatique, en particulier concernant le Moyen-Orient.

L’Iran, riverain méridional de la Caspienne, connaît pour sa part une dynamique quasi-inverse. Au terme de négociations longues et tendues, Téhéran et le P5+1 (membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies et l’Allemagne) ont signé un accord le 14 juillet 2015 portant sur l’encadrement du programme nucléaire iranien et menant à la levée progressive de la plupart des sanctions internationales pesant sur le pays. Cette levée, intervenue en janvier 2016, a permis un redémarrage de l’économie iranienne, bien que les investisseurs demeurent encore prudents. Elle s’accompagne d’un changement de perception de l’Iran de la part des pays occidentaux, qui offre à Téhéran davantage de marges de manœuvre pour s’affirmer régionalement. Les productions de pétrole et de gaz iraniens repartent à la hausse – respectivement +4,5 % et +5,7 % en 2015 [12] –, représentant une concurrence supplémentaire pour l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan et le Turkménistan.

Tous ces facteurs, en plus de ceux évoqués précédemment, mènent-ils à une modification des rapports de forces autour de la Caspienne ? Si les équilibres régionaux n’ont pas fondamentalement changé en deux ans, on assiste incontestablement à un nivellement de la puissance respective des différents acteurs. Alors que la Russie dominait largement ses partenaires, tant politiquement qu’économiquement au début des années 2010, elle connaît un reflux d’influence dû à plusieurs facteurs. La crise économique qui la frappe réduit sensiblement ses capacités d’investissements à l’étranger et son attractivité en tant que marché de consommation. Son positionnement politique et ses postures internationales menant à une confrontation avec le monde occidental tendent à rendre les pays producteurs de la Caspienne plus distants, malgré des liens encore très forts. L’annexion de la Crimée, puis les tirs de missiles vers la Syrie à partir de la flotte russe de la Caspienne en octobre 2015 ont alarmé les pays riverains, qui tâchent désormais d’éviter d’entreprendre d’importants projets d’infrastructures dont la Russie pourrait user pour exercer une pression politique. Ce recul de l’influence russe favorise d’autres partenaires, qui prennent de plus en plus d’importance dans la région.

En premier lieu la Chine qui, côté Est de la Caspienne, est désormais le principal client des différents pays producteurs d’hydrocarbures. La région devient ainsi de plus en plus stratégique pour l’approvisionnement énergétique chinois, dont près de la moitié du gaz provient du Turkménistan (46,3 % en 2015 [13]). Elle constitue en réalité le pays importateur le plus dépendant des ressources de la Caspienne, comparé notamment à l’UE, même si ce déséquilibre actuel pourrait se réduire avec la construction du Tanap-TAP. Les enjeux dépassent la question énergétique puisque Beijing a lancé, depuis 2013, son initiative « One Belt, One Road », soit un réseau d’infrastructures de transport de marchandises et d’énergies reliant la Chine au marché européen, en passant notamment par l’Asie centrale et le Caucase. Les autorités chinoises ont prévu d’y investir près de 35 milliards de dollars sur les cinq prochaines années [14]. Reste à savoir comment Beijing gérera, dans les années à venir et du point de vue politique et sécuritaire, la protection de ses intérêts dans la région, sans se confronter aux intérêts des autres acteurs en présence, notamment russes et européens.

En second lieu, l’Iran devrait également jouer un rôle plus important. Les futures perspectives économiques lui permettront d’envisager des ambitions régionales renouvelées. Le pays entretient de bonnes relations avec le Turkménistan voisin et le Kazakhstan, pour lesquels il représente une opportunité de désenclavement. Producteur et exportateur de gaz et de pétrole, il constitue néanmoins un concurrent de poids pour les autres pays de la Caspienne. Enfin, sur le plan énergétique, la Turquie sort gagnante de cette séquence, puisqu’elle devrait s’affirmer, grâce aux projets Tanap et TurkStream, comme un « hub » énergétique majeur de l’Eurasie.

Grâce à la multiplication et à la diversification des liens énergétiques avec le reste du monde, la région de la mer Caspienne devrait acquérir une importance nouvelle sur la scène internationale. Les soubresauts politiques et sociaux de chacun des pays, et leurs éventuelles conséquences sur la production et les stratégies d’exportation d’énergie ne manqueront pas d’avoir une incidence sur les marchés de consommation comme la Chine et l’UE. Le réchauffement brutal du conflit du Haut-Karabagh en avril 2016 n’est pas de bon augure ; si les difficultés économiques perdurent, les risques de tensions augmenteront entre les gouvernements arméniens et azerbaïdjanais, en quête de légitimité et de soutien populaire. Sur le plan politique, le nivellement de l’influence russe, notamment au profit d’autres acteurs comme la Chine et l’Iran, ajoute en revanche une part d’incertitude.

En seulement deux ans, le paysage géopolitique de la Caspienne s’est ainsi sensiblement modifié. Les dynamiques énergétiques, à la fois négativement – conséquences de la chute des prix des hydrocarbures – et positivement – lancement de nouveaux projets –, n’y ont pas été étrangères. À moyen terme, les perspectives économiques sont plutôt bonnes, surtout si l’on table sur une remontée du cours du baril. Les deux années qui viennent de s’écouler ont toutefois démontré, s’il le fallait, que les modèles économiques de ces pays n’étaient pas suffisamment diversifiés et qu’ils pouvaient souffrir, à divers degrés, du « syndrome hollandais » (« Dutch disease »). L’intérêt croissant de la Chine et de l’UE pour les ressources énergétiques de la Caspienne représente, de ce point de vue, un obstacle à de potentielles volontés de diversification des autorités. Une demande soutenue, voire croissante, tendra en effet à maintenir les économies dans leur spécialisation.

Le changement de cap de l’économie chinoise (rééquilibrage du PIB en faveur de la consommation, extension du secteur des services, etc.) pourrait, en revanche, offrir de nouvelles possibilités aux pays d’Asie centrale et du Caucase, notamment en matière d’exportations, vers la Chine, de produits non énergétiques [15]. Des stratégies de réindustrialisation ambitieuses de la part des gouvernements, soutenues par un usage éclairé des réserves financières accumulées, seraient alors nécessaires afin de réduire durablement la dépendance aux exportations de gaz et au pétrole, et sortir définitivement de l’économie rentière.


  • [1] Selon l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les hydrocarbures et produits miniers représentent 94,2 % des exportations de l’Azerbaïdjan et 86,6 % de celles du Kazakhstan. Les données pour le Turkménistan ne sont pas disponibles, mais l’ordre de grandeur est très probablement similaire.
  • [2] The State Statistical Committee of the Republic of Azerbaïdjan.
  • [3] Simon Pirani, « Azerbaidjan’s gas supply squeeze and the consequences for the Southern Corridor », OIES Paper, n° 110, The Oxford Institute for Energy Studies, juillet 2016.
  • [4] « Azerbaidjan : Economy Riding in the Breakdown Lane », Eurasianet, 7 septembre 2016.
  • [5] « Azerbaijan : Scapegoating Adam Smith », Eurasianet, 23 septembre 2016.
  • [6] Selon la Banque mondiale.
  • [7] Banque mondiale, « The Impact of China on Europe and Central Asia », Europe and Central Asia Economic Update, avril 2016.
  • [8] Voir la présentation du projet Turkstream sur le site officiel de Gazprom.
  • [9] Jonathan Stern, Simon Pirani et Katja Yamifava, « Does the cancellation of South Stream signal a fundamental reorientation of Russian gas export policy ? », Oxford Energy Comment, The Oxford Institute for Energy Studies, janvier 2015
  • [10] Michel Casey, « Line D of the Central Asia-China Gas Pipeline Delayed », The Diplomat, 31 mai 2016.
  • [11] George Voloshin, « Gas-Rich Turkmenistan Looks to Export Diversification », Eurasia Daly Monitor, vol. 13, n° 69, The Jamestown Foundation, 8 avril 2016.
  • [12] BP, BP Statistical Review, Londres, juin 2016.
  • [13] BP Statistical Review, calcul de l’auteur.
  • [14] Fonds monétaire international, « Perspectives économiques régionales – Moyen-Orient, Afrique du Nord, Afghanistan et Pakistan », Base de données des Perspectives économiques régionales, octobre 2016.
  • [15] Ibid.