Décembre 2016
L’énergie est-elle un driver important de la politique étrangère américaine ? / Par Sophie Meritet
Énergie : transitions et recompositionsRIS N°104 – Hiver 2016
Pendant plus d’un siècle, les États-Unis ont été les premiers consommateurs d’énergie, toutes sources confondues. L’« American way of life » a bénéficié durant des décennies de ressources naturelles domestiques abondantes et bon marché, qui ont permis le développement économique et la suprématie du pays. Considérés comme bénis énergiquement, les États-Unis disposent en effet de réserves disponibles des principaux combustibles fossiles, et utilisent par ailleurs de l’hydroélectricité et de l’électricité d’origine nucléaire. Conjuguées à de faibles taux d’imposition, ces dotations en ressources naturelles n’ont pas réellement encouragé l’efficacité énergétique. Au début des années 2000, les Américains consommaient environ 70 % d’énergie par habitant ou par dollar de produit intérieur brut (PIB) de plus que la plupart des autres pays développés.
Les États-Unis ont été autonomes énergétiquement jusqu’aux années 1950, avant que la hausse des importations de pétrole ne devienne préoccupante. De 5 % en 1960, le taux de dépendance énergétique a culminé à 30 % en 2006. Après une longue période d’autosuffisance, les Américains étaient devenus les premiers consommateurs et importateurs de gaz et de pétrole. En parallèle de cette croissance de la consommation d’hydrocarbures, ils ont dû faire face à l’épuisement de leurs ressources domestiques. Cette dépendance énergétique croissante depuis la Deuxième Guerre mondiale a soulevé la question de la sécurité des approvisionnements, allant jusqu’à orienter la politique étrangère américaine dans les régions pétrolières. Les politiques énergétiques successives ont été en priorité centrées sur l’offre, domestique et étrangère, avec pour objectif de diversifier les sources d’énergie et les fournisseurs. Alors que les réserves pétrolières et gazières se concentrent dans un nombre restreint de pays, le plus souvent géopolitiquement instables, les États-Unis se sont retrouvés de plus en plus directement en concurrence avec l’Asie et l’Europe pour leurs approvisionnements en hydrocarbures. L’accès aux ressources et la sécurité énergétique ont alors été considérés comme stratégiques pour la suprématie du pays.
À la fin des années 2000, la situation énergétique américaine a toutefois connu un tournant significatif, avec des bouleversements majeurs. L’exploitation des ressources non conventionnelles [1] de gaz et de pétrole a, en effet, permis une « renaissance énergétique » du pays. Les États-Unis sont désormais les premiers producteurs mondiaux de gaz, devant la Russie, et les premiers producteurs de pétrole, devant l’Arabie saoudite. Au lieu d’avoir à affronter une dépendance croissante en importation d’hydrocarbures, ils commencent à entrevoir, progressivement et à nouveau, une autonomie. Cette nouvelle hausse de la production nationale d’hydrocarbures améliore la sécurité d’approvisionnement et procure un avantage en termes de « compétitivité-prix » aux industries américaines. Le taux de dépendance s’est ainsi rétracté rapidement, pour n’atteindre que 13 % aujourd’hui.
Par le passé, cette préoccupante dépendance avait imposé l’énergie, et particulièrement le pétrole, comme variable-clé de la politique étrangère américaine. Néanmoins, l’abondance énergétique, qui avait contribué à propulser les États-Unis au rang de puissance mondiale, est de retour. Les effets de retournement sur la santé économique du pays et du reste du monde, ainsi que sur les évolutions des équilibres énergétiques et géopolitiques mondiaux, ne sont pas à sous-estimer. Le pétrole restera-t-il un driver de la politique étrangère américaine ?
« Contrôlez le pétrole et vous contrôlerez les nations » [2]
Le rôle du pétrole dans la politique étrangère américaine a été fondamental depuis la Deuxième Guerre mondiale, le paroxysme ayant été atteint lors des chocs pétroliers des années 1970. L’énergie est ainsi devenue une composante structurante de la sécurité nationale et de la politique étrangère américaines : l’accès à une énergie sûre et abordable est essentiel pour la croissance économique et le leadership américain dans le monde.
En 1945, les États-Unis disposaient de la plus grande partie des capitaux et des deux tiers des réserves mondiales d’or. Ils produisaient la moitié du charbon, les deux tiers du pétrole et plus de la moitié de l’électricité au niveau international. Déjà, la guerre avait mis en évidence le rôle stratégique du pétrole pour l’approvisionnement des armées en combustible, matériels, nourriture et hommes. Face à des importations d’hydrocarbures croissantes, les Américains ont alors cherché à sécuriser les flux pour maintenir leur puissance et nourrir leur croissance. La dépendance énergétique fut abordée sous l’angle de la prospérité économique et de la présence militaire au Moyen-Orient. Le pétrole est légitimement devenu le cœur de leurs relations avec l’Arabie saoudite, pays qui disposait dès cette époque des premières réserves mondiales. Le pacte conclu entre le président Roosevelt et le roi Ibn Saoud en 1945 donne l’accès aux ressources pétrolières pour les Américains et assure la sécurité pour le royaume d’Arabie saoudite. Devant l’incapacité du Royaume-Uni de poursuivre son rôle de grande puissance au Moyen-Orient, le président Truman décida ensuite d’apporter le soutien militaire de son pays afin d’assurer la stabilité politique indispensable au flux régulier du pétrole et de contenir l’influence soviétique.
Avec la fin du système de taux de change fixes annoncée en 1971 par le président Nixon, le pétrole fit office de ressource-clé pour tenter de conserver la suprématie américaine du dollar : le « petrodollar » comme nouvelle monnaie-étalon. En 1973, Henry Kissinger, secrétaire d’État américain, signa des accords secrets avec l’Arabie saoudite puis avec les différents pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) pour s’assurer que le pétrole serait vendu uniquement contre des dollars, permettant le maintien d’une demande permanente de dollars sur le marché international, liée à la dépendance croissante au pétrole.
L’administration Carter poursuivit ensuite l’établissement d’une présence militaire dans la région du Golfe. Les États-Unis souhaitaient maintenir un accès continu au pétrole, empêcher la présence d’une autre puissance dans la zone et assurer la survie d’Israël. La doctrine Carter fut alors énoncée : toute tentative de prise de contrôle sur la région du Golfe serait considérée comme une menace pour les intérêts américains et entraînerait une réponse militaire. La relation entre les États-Unis et l’Arabie saoudite explique, entre autres, l’intervention militaire de 1990, qui mit fin à l’invasion du Koweït par l’Irak, pour assurer notamment la stabilité politique indispensable au flux régulier du pétrole. Si les relations entre les deux pays ont par la suite semblé progressivement se détériorer, les États-Unis, premiers consommateurs de pétrole au monde, ne peuvent se détacher de l’Arabie saoudite, qui demeure encore aujourd’hui son deuxième fournisseur de pétrole.
Sans aller jusqu’au Moyen-Orient, les voisins des États-Unis sont naturellement et historiquement des fournisseurs-clés d’hydrocarbures. La politique étrangère américaine de proximité a toujours géré avec attention les relations avec les partenaires de l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena), dont l’un des enjeux a été, dès sa création en 1994, le secteur de l’énergie et, plus précisément, l’approvisionnement stable en la matière. Le schéma régional énergétique de l’Alena apparaissait entièrement conçu au service des besoins des États-Unis, seul membre déficitaire, entouré alors de grands exportateurs d’énergie. Le Canada était, et est toujours, le premier fournisseur américain de pétrole et de gaz. Les exportations mexicaines étaient à l’époque également élevées vers le voisin américain. L’Alena, souvent qualifiée d’« ogre énergétique » en raison de consommation principalement américaine, reste aussi très liée énergiquement à l’Amérique du Sud, et notamment au Venezuela. Bien que ce dernier soit depuis longtemps l’un des quatre principaux fournisseurs des États-Unis en pétrole brut, les relations entre les deux pays sont de plus en plus tendues depuis le coup d’État manqué – mais soutenu par les États-Unis – contre le président Chávez en 2002. Depuis quinze ans, l’administration américaine continue d’encourager un changement de régime, notamment par le biais de sanctions économiques. Néanmoins, les échanges commerciaux de pétrole sont maintenus car nécessaires encore aujourd’hui pour les deux pays.
La renaissance énergétique américaine
Lors de la campagne présidentielle de 2008, la sécurité des approvisionnements et la dépendance énergétique furent au cœur des débats dans un pays alors en pleine crise économique. Après une longue période d’autosuffisance jusqu’en 1947, la consommation d’énergie avait progressivement augmenté plus vite que la production domestique en particulier de gaz et de pétrole. Ainsi en 2006, les États-Unis étaient dépendants des importations d’hydrocarbures à hauteur de 60 % de leur consommation.
Barack Obama a été élu en 2008 sur un programme en partie centré sur la promotion d’énergies bas carbone, dans un contexte de croissance de la dépendance américaine aux importations d’hydrocarbures. Dans son rêve d’une « Amérique verte », il n’a cessé de présenter le changement climatique comme une opportunité de création de millions d’emplois au service de l’indépendance énergétique, de la croissance économique et de la protection de l’environnement. Le mix énergétique américain était alors dominé par le charbon (39 %), suivi du pétrole et du gaz, représentant chacun 23 %, puis de l’énergie nucléaire (8 %) et des énergies renouvelables (7 %, principalement hydroélectrique). À l’époque, le gaz naturel était souvent confiné à un rôle d’énergie d’appoint en raison de son prix élevé et du manque de réserves nationales – et du déclin de la production canadienne. Tout en cherchant à relancer leur production domestique et à diversifier leurs approvisionnements, les États-Unis étaient contraints d’annoncer devenir les premiers importateurs de gaz naturel, notamment de gaz naturel liquéfié (GNL) [3].
En 2012, le président Obama a entamé son second mandat avec un programme énergétique axé cette fois sur les énergies fossiles, via le recours aux ressources non conventionnelles, avec la reconquête progressive d’une autonomie comme perspective plausible. La production de gaz non conventionnel, en premier lieu de schiste, a en effet modifié la situation énergétique américaine. Sans revenir sur la combinaison originale de facteurs expliquant l’essor de la production de ressources non conventionnelles aux États-Unis [4], la situation s’est fondamentalement inversée. Négligeable en 2005, le gaz de schiste (« shale gas ») pourrait représenter plus de 50 % de la production gazière américaine en 2040 et 75 % avec le gaz compact (« tight gas »), de telle sorte que l’avenir s’annonce essentiellement non conventionnel [5]. Au-delà des incertitudes technico-économiques, l’analyse du renouveau de la production gazière est également soumise à des tensions relevant de l’impact environnemental. En outre, même si les États-Unis deviennent exportateurs de gaz, leurs importations diminueront mais ne disparaîtront pas, en raison des obligations de contrats de long terme, des arbitrages possibles de différence de prix entre zones et de la rentabilité de l’exploitation. L’exportation des ressources domestiques se situe également au cœur de vifs débats, allant jusqu’à la récente campagne présidentielle : les républicains ont tendance à vouloir « conserver les ressources pour le développement économique des États-Unis », quand les démocrates sont plutôt favorables à « des exportations pour avoir des revenus et accroître le pouvoir du pays ».
La renaissance énergétique américaine ne se limite pas au gaz. Depuis 2008, la production domestique a augmenté de plus de 50 % grâce aussi à celle de pétrole non conventionnel. Cette dernière atteint désormais plus du tiers de la production énergétique nationale. En 2015, les États-Unis sont devenus les premiers producteurs d’hydrocarbures liquides devant l’Arabie saoudite. Face à une contraction de la demande – notamment dans le secteur des transports – et à une hausse de l’offre, les importations ont logiquement diminué – même si les États-Unis demeurent le deuxième importateur mondial, derrière la Chine. L’impact réel n’est pas à négliger, avec une baisse de la dépendance pétrolière américaine d’environ 32 %. Depuis 2011, les États-Unis sont à nouveau exportateurs de produits pétroliers, principalement des distillats, alors qu’ils avaient cessé de l’être depuis 1945. En dépit de cette tendance, certains États de la côte Est restent importateurs de produits pétroliers. Enfin, les producteurs américains ont, depuis décembre 2015, le droit d’exporter du pétrole brut pour la première fois depuis l’embargo de 1973.
Aujourd’hui, la principale caractéristique du mix américain demeure la prédominance des combustibles fossiles, qui contribuent pour plus de 80 %, mais avec une dépendance énergétique de plus en plus faible. En 2015, le pétrole représentait plus de 36 % des consommations d’énergies primaires aux États-Unis, suivi par le gaz naturel (29 %), le charbon (16 %), les énergies renouvelables (10 %) et le nucléaire (9 %). Toutefois, le taux de dépendance extérieure a été divisé par deux entre 2008 et 2015. En 2015, le président Obama soulignait ainsi, dans son discours sur l’état de l’Union, que les États-Unis retrouvaient enfin le contrôle de leur avenir énergétique.
Des relations internationales renouvelées ?
Dans la chronique énergétique, 2007 restera une année de changement, marquée par la hausse des réserves avérées de gaz naturel à partir de données plus précises concernant les gaz non conventionnels. Cette année marque une rupture à partir de laquelle les productions de gaz, puis de pétrole non conventionnels connaissent un « boom » et modifient les perspectives énergétiques des États-Unis. Cette nouvelle donne induit des conséquences larges et multiples au niveau national, mais également international. Comme les hydrocarbures non conventionnels modifient la carte du monde énergétique, les rapports de forces entre États s’en trouvent également affectés. Par exemple, le gaz de schiste américain est apparu dans le cadre du conflit russo-ukrainien de 2014, ce qui n’avait pas été le cas lors des tensions précédentes. Les gouvernements ukrainien et polonais ont ainsi officiellement déclaré leur souhait d’importer du GNL des États-Unis, orientation également prônée par le président Obama.
La politique étrangère de proximité vers les partenaires de l’Alena a également été modifiée, même si les États-Unis demeurent et vont demeurer encore importateurs de pétrole. Les exportations mexicaines se sont fortement réduites en raison des besoins nationaux croissants du pays. Alors qu’il faisait pour sa part récemment face à une baisse de sa production nationale, le Canada peut espérer devenir une « seconde Arabie saoudite » avec les sables bitumineux, et donc un nouvel élément-clé de l’avenir énergétique des États-Unis. En parallèle, depuis 2016, une « Alena verte » [6] est à l’étude, se concentrant particulièrement sur l’énergie et l’environnement, et plus précisément sur le développement et l’intégration des énergies renouvelables (EnR). Ces nouvelles perspectives sont à nouveau bénéfiques aux États-Unis, dont l’objectif est depuis plusieurs années d’exporter leur production d’EnR en forte progression et de se rapprocher d’une intégration énergétique continentale – de sorte à limiter les ruptures d’approvisionnements. Avec l’Amérique du Sud, la relation demeure stable, même si le Venezuela menace régulièrement de remettre en question ses débouchés vers les États-Unis au bénéfice de la Chine. La relation énergétique avec le Venezuela constitue toutefois une interdépendance : le fournisseur pétrolier vénézuélien demeure structurellement significatif pour les États-Unis et les ventes de pétrole contribuent pour une grande part à la santé économique du Venezuela.
La renaissance énergétique américaine a des conséquences géopolitiques, en ce qu’elle modifie également les possibilités d’approvisionnements. Il convient de considérer non pas seulement la présence nouvelle des Américains sur certains marchés par le biais des exportations, mais aussi leur retrait, au moins partiel, d’autres marchés. L’autosuffisance énergétique annoncée ne peut nullement laisser inchangée la politique étrangère américaine. La fin de la dépendance pétrolière des États-Unis signifie-t-elle pour autant la fin des relations avec le Moyen-Orient, par exemple ? La réponse est négative et ce, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, si le pic de la production pétrolière américaine est annoncé vers 2030, des interrogations demeurent sur sa pérennité – avec déjà une production nationale en recul avec la baisse du prix du baril. Les Américains restent également importateurs de certains types de produits pétroliers et de pétroles destinés à des usages précis, auxquels leur production domestique ne répond malheureusement pas. En outre, même si les États-Unis sont de moins en moins importateurs de pétrole, ils restent concernés par les marchés pétroliers, notamment par le Moyen-Orient, première zone mondiale de réserves. Comme tout acteur pétrolier, Washington a intérêt à la stabilité des marchés globaux de l’énergie et à la sécurité régionale du Golfe. D’éventuelles ruptures d’approvisionnement en Arabie saoudite, en Iran ou en Irak auraient, en effet, un impact mondial. La baisse de la dépendance énergétique ne réduit pas non plus les risques sécuritaires issus de cette région. Pour la zone, la perte du client américain devrait être plus que compensée par les importations accrues de pays « émergents » comme la Chine – qui est le premier importateur pétrolier mondial et le premier client du Golfe – ou l’Inde, mais rien n’indique que ces nouvelles puissances pourraient se charger d’une fonction de stabilisation. Les États-Unis peuvent tolérer la Chine comme puissance économique, mais ne semblent pas prêts à l’accepter comme puissance globale. En outre, en restant présent dans la zone, ils exercent un pouvoir de nuisance envers une Chine de plus en plus dépendante des importations pétrolières. Enfin, l’ancrage américain au Moyen-Orient repose sur d’autres considérations que les seules questions énergétiques – notamment l’alliance avec Israël –, mais nul ne peut prédire comment cette nouvelle géopolitique des énergies fossiles pèsera sur les équilibres anciens, et notamment si la flotte américaine sera toujours basée à Bahreïn pour sécuriser la principale route du pétrole qui traverse le détroit d’Ormuz. La diplomatie américaine dispose néanmoins de nouvelles marges de manœuvre. La croissance de l’indépendance énergétique permet en effet aux États-Unis, ainsi qu’à l’Union européenne (UE), d’avoir un pouvoir de négociation plus important.
Avec la croissance de la consommation de pétrole sur laquelle a reposé le dynamisme du capitalisme américain pendant un siècle, la sécurisation des approvisionnements était devenue de plus en plus stratégique. Le rôle de l’énergie dans la politique étrangère américaine reste évident, notamment avec la priorité de la sécurité nationale liée à la grande dépendance pétrolière des États-Unis. Le pétrole est indissociable du pouvoir de l’État, et la nécessité d’en avoir la maîtrise a été à l’origine de confrontations politiques et militaires. L’administration américaine a toujours abordé le sujet de la dépendance énergétique sous la double dimension de la prospérité économique nationale et de la présence militaire au Moyen-Orient, principale zone de réserves. Le pétrole a toujours été et représente encore le cœur de la relation entre les États-Unis et l’Arabie saoudite, même si l’alliance perd de sa force – notamment avec la baisse des importations, le rapprochement américain avec l’Iran, etc.
Si B. Obama avait été élu en 2008 en partie sur les énergies vertes, dans un contexte de dépendance croissante aux importations d’hydrocarbures, il fut réélu en 2012 en partie grâce aux énergies fossiles, et en particulier aux ressources non conventionnelles permettant vraisemblablement de retrouver l’indépendance énergétique. L’essor de ressources d’hydrocarbures non conventionnels a ainsi clairement modifié l’équation énergétique des États-Unis, en ce qu’elles présentent deux atouts majeurs : d’une part, une énergie de substitution au charbon polluant et au nucléaire contesté, et d’autre part, une réduction de la dépendance énergétique et une source de la compétitivité pour l’économie américaine. La dépendance préoccupante, avec la croissance des importations de pétrole et de gaz naturel, a laissé place à une autosuffisance annoncée, voire à une perspective de retour historique à un statut d’exportateur. L’indépendance énergétique progressivement retrouvée devient alors un facteur de stabilité politique et de croissance économique, en plus d’une arme supplémentaire pour la politique étrangère de Washington. Que les États-Unis soient importateurs ou exportateurs, l’énergie est donc un driver de la politique étrangère américaine.
La principale conséquence stratégique de cette renaissance énergétique, indéniable et en cours, est d’affaiblir la thèse du déclin des États-Unis. Les Américains, avec leur pragmatisme et leurs capacités d’innovation et de réaction, apparaissent de mieux en mieux préparés aux chocs économiques à venir.
- [1] Le caractère « non conventionnel » n’est pas lié aux propriétés chimiques des ressources mais à leur mode d’exploration-production, notamment avec l’usage de la fracturation et des forages horizontaux.
- [2] Henry Kissinger.
- [3] Le GNL désigne le gaz naturel transformé sous forme liquide. Après traitement, la liquéfaction permet de condenser le gaz naturel en réduisant son volume d’un facteur de près de 600 pour un même pouvoir calorifique, ce qui facilite son transport par voie maritime.
- [4] Voir Patrice Geoffron et Sophie Meritet, « Effets internes et externes du développement des hydrocarbures non conventionnels aux États-Unis : bilan d’étape et perspectives », Revue d’économie industrielle, n° 148, De Boeck, 2014/4.
- [5] Le tight gas est piégé dans des réservoirs ultra-compacts, dont la porosité et la perméabilité sont très faibles – mais non pas dans le cœur de la roche comme les shale gas.
- [6] « Durant des années, le gouvernement américain tentait de discuter d’énergies vertes avec le Canada, mais tout ce qu’il obtenait comme réponse portait sur les pipelines. C’était comme un dialogue de sourds. » Clare Demerse, conseillère Clean Energy Canada.