Le changement climatique en débat au Conseil de sécurité de l’ONU / Par Lucile Maertens

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  • Lucile Maertens

    Lucile Maertens

    Maîtresse d’enseignement et de recherche en relations internationales à l’Université de Lausanne (Suisse).

Le 10 janvier 2017, lors de sa première intervention au Conseil de sécurité, le nouveau secrétaire général des Nations unies, António Guterres affirmait que la plupart des conflits actuels étaient « alimentés par la compétition pour le pouvoir et les ressources » et « aggravés par le changement climatique » [1]. À l’occasion de la 21e conférence des parties (COP21) à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), tenue en 2015 à Paris, le président de la République française, François Hollande, avait également déclaré que « le réchauffement annonce des conflits comme la nuée porte l’orage », tandis que le président états-unien, Barack Obama, avait qualifié l’action en matière de changement climatique d’« impératif économique et sécuritaire ».

Le Conseil de sécurité, plus haute instance politique de l’Organisation des Nations unies (ONU), a débattu des conséquences sécuritaires du changement climatique pour la première fois le 17 avril 2007. Depuis, une autre séance officielle y a été intégralement consacrée, en 2011, ainsi que quatre rencontres informelles suivant la formule Arria [2]. La dernière en date s’est déroulée le 15 décembre 2017. Quels sont les arguments avancés par les différents protagonistes pour justifier la saisine du Conseil de sécurité en matière de climat ? Cette mise à l’agenda fait-elle consensus auprès des États membres de l’ONU ? Comment leurs positions ont-elles évolué en un peu plus de dix ans ? Cet article vise à répondre à ces questions en retraçant les différents débats au sein de cette instance internationale, en identifiant les contradictions et les oppositions parmi les États membres, et en décryptant les stratégies mises en œuvre pour maintenir l’attention sur les risques climatiques.

Débattre de l’environnement au Conseil de sécurité

Depuis la fin des années 1990, le Conseil de sécurité a questionné le lien entre environnement et conflits à différentes reprises. Il a adopté une série de sanctions visant certaines commodités, comme le bois et les diamants de la guerre, et mandaté les casques bleus pour traiter directement ou indirectement des ressources naturelles (supervision du moratoire sur le bois au Cambodge, soutien pour les politiques de prévention du commerce illicite de ressources naturelles en République démocratique du Congo, sécurisation des infrastructures pétrolières au Soudan et au Soudan du Sud, etc.) [3]. En 2005, il a également voté la résolution 1625 reconnaissant la potentielle contribution des secteurs des ressources naturelles à grande valeur « au déclenchement, à l’escalade ou à la poursuite des conflits » [4], puis adopté, en 2007, une déclaration du président concluant le premier débat sur ressources naturelles et conflits, organisé par la présidence belge [5].

Quelques mois avant cette réunion officielle, le Conseil avait, pour la première fois de son histoire, discuté des implications sécuritaires du changement climatique. Sous l’égide de la présidence britannique, trois aspects plus spécifiques avaient été choisis pour orienter le débat : les potentielles conséquences sur les causes de conflits touchant notamment à l’accès à l’énergie, à l’eau et à la nourriture et autres ressources rares, les mouvements de population et la gestion des frontières [6]. Aucun accord n’a cependant été conclu, notamment en raison d’une forte division entre les pays du Nord et du Sud, en particulier quant à la légitimité du Conseil à se saisir d’une problématique de développement. Le même clivage fut perceptible le 20 juillet 2011 lorsque, à la suite de la demande de l’Allemagne, le Conseil de sécurité a de nouveau examiné le changement climatique, en se focalisant cette fois sur la montée du niveau de la mer et la sécurité alimentaire. Pour la première fois, le directeur exécutif du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) a été invité à s’exprimer au sein du Conseil aux côtés du secrétaire général. En dépit de certaines oppositions, une déclaration du président a été actée : « Le Conseil craint que les effets préjudiciables éventuels des changements climatiques puissent, à long terme, aggraver les menaces existantes à la paix et la sécurité internationales. » [7]

Quatre rencontres informelles ont été organisées depuis : le 15 février 2013 sous l’égide du Pakistan et du Royaume-Uni [8], le 30 juin 2015 à la demande de l’Espagne et de la Malaisie avec pour objet le changement climatique comme multiplicateur de menaces [9], le 10 avril 2017 par l’Ukraine avec l’assistance de l’Allemagne sur le thème spécifique de l’élévation du niveau de la mer comme menace à la paix et la sécurité internationales [10], et le 15 décembre 2017 sous l’égide de dix États [11]. Le choix de cette formule illustre parfaitement les enjeux qui touchent les discussions en matière de climat au sein du Conseil de sécurité : la mise à l’agenda du changement climatique au Conseil est extrêmement controversée – d’où les rencontres informelles –, mais un nombre croissant d’États, au Nord comme au Sud, encouragent une meilleure prise en compte des menaces climatiques, dépassant certaines divisions inter- étatiques traditionnelles.

Des menaces climatiques démultipliées

Trois tendances principales se dessinent dans les arguments présentés lors de ces débats pour justifier la saisine du Conseil de sécurité, chaque délégué ayant exposé les menaces climatiques identifiées par son gouvernement. Premièrement, le changement climatique est présenté comme relevant des menaces à la sécurité des États membres de l’ONU, d’où l’investissement du Conseil de sécurité. La causalité est directe et indirecte. D’une part, les interventions ont indiqué que le changement climatique pouvait avoir des répercussions sur la disponibilité des ressources naturelles et sur les mouvements migratoires, créant les conditions d’instabilités politiques et de conflits intra et interétatiques [12]. D’autre part, en raison de la montée du niveau de la mer et de la potentielle disparition de terres, certains États considèrent le changement climatique comme une menace directe à leur intégrité territoriale et à leur souveraineté. En 2007, le représentant de la Papouasie-Nouvelle-Guinée s’est ainsi exprimé au nom des petits États insulaires en développement du Forum des îles du Pacifique : « Le présent débat au Conseil de sécurité donne à entendre qu’il y a d’autres lieux pour débattre de l’un des problèmes les plus épineux pour la survie de nos collectivités insulaires du Pacifique. […] Le Conseil de sécurité, qui a pour mission de protéger les droits de l’homme et l’intégrité et la sécurité des États, est l’enceinte internationale suprême dont nous disposons » [13]. En 2011, le délégué des îles Fidji a également décrit le changement climatique comme « la menace la plus grave qui pèse sur la survie et les moyens de subsistance de nombreux petits États insulaires et de basse altitude » [14].

Deuxièmement, les conséquences sécuritaires du changement climatique mises en avant touchent à la sécurité humaine. À diverses reprises, les délégués ont souligné les risques portés aux moyens de subsistance et à la sécurité alimentaire par le réchauffement planétaire, la variabilité climatique accrue et la multiplication des catastrophes naturelles.

Troisièmement, le changement climatique est présenté comme un « multiplicateur de menaces ». Cet argument a été particulièrement avancé par le secrétaire général Ban Ki-moon à la suite de son rapport publié en 2009 [15], et a été repris par son successeur, A. Guterres, lors d’une intervention à l’Université de New York (NYU) en mai 2017 [16]. La démultiplication des menaces climatiques présentées au Conseil de sécurité fait écho avec les objectifs multiples de leur mise à l’agenda.

Des objectifs multiples

En effet, l’étude des débats nous renseigne sur les objectifs implicites et explicites du traitement des questions climatiques au sein de cette arène. Tout d’abord, il s’agit d’attirer l’attention sur le changement climatique en montrant la gravité du problème et en créant un sentiment d’urgence. L’introduction du changement climatique au Conseil de sécurité confère ainsi aux pays les plus vulnérables un argument de poids pour faire pression sur les États les plus pollueurs – afin qu’ils réduisent leurs émissions – et les États les plus développés – afin qu’ils financent les politiques d’adaptation. Par exemple, en juillet 2015, lors d’un débat consacré aux problèmes sécuritaires des petits États insulaires en développement, nombre d’orateurs ont lancé, en raison des implications sécuritaires du changement climatique, un appel pour la signature d’un accord lors de la COP21 [17].

Ensuite, les débats les plus récents ont mis l’accent sur la volonté d’institutionnaliser la réponse internationale en matière de risques climatiques. Il s’agit d’un point central avancé dans le rapport « A Responsibility to Prepare », rédigé dans le cadre du Center for Climate and Security et présenté lors de la réunion informelle organisée en décembre 2017 [18]. Dans le document annonçant cette séance, les dix États à l’initiative de la rencontre indiquent : « La communauté internationale a la responsabilité croissante de préparer et de développer les capacités pour mieux prévoir, comprendre et répondre aux risques sécuritaires induits par le climat. […] Cependant, pour le moment, il n’y a pas d’institution-mère pour répondre aux risques sécuritaires induits par le climat dans le système onusien. » [19] La mise à l’agenda répond donc à des objectifs pragmatiques pour la mise en œuvre de mesures institutionnelles. Plusieurs délégués ont, par exemple, suggéré la nomination d’un envoyé spécial pour le climat et la sécurité, proposition également reprise dans la déclaration de La Haye, conseillant aussi « la mise en place d’une unité au sein du Cabinet du Secrétaire général ». [20]

Enfin, l’introduction des questions climatiques au Conseil de sécurité permet aux États membres de mettre en lumière une dimension de la situation pour mieux en dissimuler une autre. « S’agissant de la question dont nous sommes saisis, je voudrais dire que mon pays a souffert d’un conflit qui prend fin dans la région du Darfour. Je tiens à rappeler ce que nous n’avons cessé de répéter au Conseil, à savoir qu’une des causes fondamentales de ce conflit était la sécheresse et la désertification qu’a connues la région, qui sont le résultat du changement climatique. » [21] En soulignant le rôle du changement climatique dans le conflit au Darfour, le représentant soudanais tend à minimiser la responsabilité de son gouvernement dans les tensions politiques dans la région. L’introduction du changement climatique au Conseil de sécurité sert donc ici aussi à détourner l’attention. Différents objectifs motivent les États membres à introduire les questions climatiques au Conseil de sécurité, et non sans difficultés.

Une mise à l’agenda controversée

Si des doutes ont été émis au cours des premières années quant à la réalité de ces risques sécuritaires [22], c’est avant tout le choix de l’arène internationale qui a été reproché, menant à la reconfiguration de certaines divisions interétatiques. Les États du Sud, mais également de l’ancien bloc soviétique, s’opposent par exemple à la saisine du Conseil en matière de changement climatique par crainte d’interventionnisme détourné. En 2007, le Pakistan, au nom du groupe des 77 (G77) [23], a ainsi exprimé l’opposition des pays en développement : « L’empiètement croissant par le Conseil sur les rôles et responsabilités des autres principaux organes de l’ONU représente une déformation des buts et principes de la Charte des Nations unies, porte atteinte aux pouvoirs et compromet les droits de l’ensemble des Membres des Nations unies. » [24] Cette opposition a été réitérée en 2011 et en 2013, illustrant les inquiétudes de certains États comme la Chine, l’Arabie saoudite ou le Venezuela de voir leur souveraineté et leurs choix en matière de développement remis en cause [25], notamment par le biais de sanctions économiques ou de discours stigmatisants, bien que l’emploi éventuel du droit de veto et les rapports de forces constitueraient sans doute un obstacle à de telles mesures.

La position du G77 et de la Chine s’inscrit également dans le refus du traitement d’un enjeu universel – le changement climatique – dans une arène non universelle – le Conseil de sécurité. Par exemple, lors du débat de février 2013, le Guatemala a reproché au Conseil de sécurité de discuter des problématiques liées au changement climatique alors que les pays qui y sont les plus vulnérables n’ont pas de voix en son sein [26].

Cette posture d’opposition crée toutefois des divisions internes au sein du G77 + Chine. En effet, les pays les moins avancés et les petits États insulaires se sont exprimés favorablement à la mise à l’agenda du changement climatique au Conseil, voyant dans la démarche l’assurance d’un engagement plus sérieux de la part de la communauté internationale en matière de climat. De même, le Pakistan, la Malaisie, les Maldives, le Maroc et le Pérou, pourtant membres du G77, ont participé à l’organisation des réunions informelles consacrées aux implications sécuritaires du changement climatique. Les divisions internes conduisent ainsi à des situations absurdes pour certains États. Par exemple, comme noté précédemment, les îles Fidji sont intervenues en faveur de l’investissement du Conseil en 2011. Or, en 2013, alors à la tête de la présidence du groupe, le pays a assumé le rôle de porte-parole du G77 + Chine et a dû s’opposer à la saisine du Conseil : « Le Groupe des 77 et la Chine réitère sa position selon laquelle le Conseil de sécurité des Nations unies n’est pas le forum approprié pour cette discussion. Le Groupe répétera que la responsabilité première du Conseil de sécurité des Nations unies est le maintien de la paix et la sécurité internationales, comme indiqué dans la Charte des Nations unies. » [27] L’introduction des questions climatiques au Conseil de sécurité ne fait donc pas l’unanimité, exigeant différentes stratégies pour maintenir l’attention sur les risques climatiques.

Stratégies de contournement

En raison de ces différentes oppositions, les États moteurs de la mise à l’agenda du changement climatique au Conseil de sécurité ne sont pas parvenus à programmer une séance officielle depuis 2011. Ils ont toutefois mis en œuvre des stratégies de contournement permettant « d’assurer la continuité » [28] des débats sur les implications sécuritaires du changement climatique.

Premièrement, une série de rencontres informelles selon la formule Arria a permis de maintenir l’attention sur ces questions. Comme mentionné précédemment, depuis 2013, quatre rencontres ont été intégralement consacrées aux implications sécuritaires du changement climatique. Elles ont permis l’intervention de représentants des programmes et agences de l’ONU et d’acteurs non étatiques issus du monde académique, de la recherche-action et du plaidoyer (think tanks et organisations non gouvernementales).

Deuxièmement, le changement climatique a été abordé indirectement dans le cadre de débats portant sur des sujets connexes, d’autres points d’entrée ayant été identifiés. Le 23 novembre 2011, la présidence portugaise du Conseil a ainsi organisé une séance officielle sur les « nouveaux défis à la paix et à la sécurité internationales et prévention des conflits », parmi lesquels figurait le changement climatique [29]. La Nouvelle-Zélande a également employé cette stratégie, le 30 juillet 2015, en proposant un débat sur « les petits États insulaires en développement face aux menaces contre la paix et la sécurité », au cours duquel le changement climatique a de nouveau occupé une place significative dans les interventions des États [30]. Les implications sécuritaires du changement climatique ont aussi été mises en lumière par les délégués lors d’une séance officielle planifiée par la présidence sénégalaise le 22 novembre 2016 sur « eau, paix et sécurité », dans la continuité de la réunion selon la formule Arria que le Sénégal avait organisée sept mois plus tôt [31]. Enfin, les menaces climatiques ont été mentionnées à diverses reprises lors de séances consacrées au Sahel en 2016 et en 2017 [32], le secrétaire général ayant ainsi affirmé lors de son intervention le 30 octobre 2017 : « La situation dans le Sahel nous interpelle tous. La pauvreté, le sous-développement et les changements climatiques ont contribué aux crises humanitaires et sécuritaires » [33].

Troisièmement, si aucune résolution n’a été adoptée au Conseil, l’Assemblée générale a, pour sa part, voté une première résolution sur le sujet en mai 2009 [34]. Les débats menés au sein de l’Assemblée sur l’agenda 2030 et sur le développement durable ont aussi encouragé les discussions sur la pérennisation de la paix – sustaining peace –, au cœur de la résolution 2282 du Conseil de sécurité [35] et le développement de l’agenda préventif en matière de sécurité internationale promu par le secrétaire général A. Guterres depuis son arrivée au poste, en 2017. Ces différentes stratégies de contournement ont permis de maintenir l’attention sur les dimensions sécuritaires du changement climatique au Conseil de sécurité, traçant progressivement la voie d’un potentiel consensus international.

Vers un consensus international ?

En effet, bien que les questions climatiques aient suscité l’intérêt des acteurs de la défense aux États-Unis et au Royaume-Uni dès les années 1990, l’attention internationale ne s’est véritablement manifestée que ces dernières années. Différents événements-clés ont marqué cette évolution [36]. Depuis 2014, l’Union africaine (UA) reconnaît le changement climatique comme cause profonde des conflits et enjeu majeur pour le développement et la reconstruction post-conflit [37]. En juin 2015, en parallèle de la réunion informelle supervisée par l’Espagne et la Malaisie, une conférence a été organisée à l’ONU pour le lancement du rapport commandité par le G7 sur climat et fragilité, intitulé A climate for peace [38]. Enfin, dans la lignée de ce document et du rapport « A Responsibility to Prepare » mentionné précédemment, la troisième conférence pour la sécurité planétaire, tenue à La Haye en décembre 2017, a abouti à la Déclaration de La Haye sur la sécurité planétaire. Signé par plus de 40 hauts représentants d’agences de l’ONU, de gouvernements, du corps diplomatique, du monde académique et de la recherche-action (think tanks) [39], ce texte établit un programme d’action en six points, dont le premier est « la création d’une structure institutionnelle pour la sécurité climatique » [40].

Alors que les initiatives internationales en matière de risques climatiques se multiplient, le Conseil de sécurité a adopté, en mars 2017, une résolution sur la région du lac Tchad dans laquelle il reconnaît officiellement les impacts négatifs du changement climatique : « [Le Conseil] a conscience des effets néfastes des changements climatiques et écologiques, entre autres facteurs, sur la stabilité de la région, notamment de la rareté de l’eau, la sécheresse, la désertification, la dégradation des sols et l’insécurité alimentaire, et souligne que face à ces facteurs, il importe que les gouvernements et les organismes des Nations unies adoptent des stratégies appropriées d’évaluation et de gestion des risques. » [41] Si les États-Unis ont tout de même émis une réticence à l’égard de ce paragraphe [42] et que l’approche privilégiée reste le cas par cas, cette décision ainsi que les développements mentionnés précédemment signalent une ouverture progressive du Conseil de sécurité aux questions climatiques. Ces débats accroissent la probabilité de la nomination d’un représentant spécial, qui institutionnaliserait la coordination de l’action en matière de sécurité climatique, mais favorisent également l’intégration plus systématique des enjeux climatiques dans l’analyse des conflits au sein des arènes onusiennes.

*

Les implications sécuritaires du changement climatique ont fait l’objet de débats controversés au sein du Conseil de sécurité de l’ONU. Depuis les premières discussions en 2007, différents auteurs ont interrogé la légitimité du Conseil dans le domaine climatique et tenté d’identifier les potentielles mesures qu’il pourrait entreprendre : actions de prévention (diplomatie préventive, système d’alerte précoce), protection juridique en matière de déplacements forcés liés au climat, inclusion des risques climatiques dans les activités de maintien et de consolidation de la paix, etc. [43] Les dix années de discussions au sein du Conseil de sécurité illustrent les lenteurs de la diplomatie multilatérale et les difficultés rencontrées pour élaborer un cadre générique en matière de sécurité climatique qui dépasserait les cas individuels. Elles révèlent également les stratégies d’alliance entre États, dépassant les traditionnels clivages Nord / Sud. Néanmoins, la marge de manœuvre du Conseil de sécurité demeure réduite : le changement climatique met en relief les limites du fonctionnement actuel de cette instance mal équipée pour répondre aux menaces sécuritaires multidimensionnelles, transfrontalières et intersectorielles. Aux côtés d’autres enjeux de cette complexité et de cette échelle, les questions climatiques participent ainsi à encourager la transformation profonde du Conseil de sécurité pour s’adapter aux défis du XXIe siècle.


  • [1] Conseil de sécurité, S/PV.7857, 10 janvier 2017.
  • [2] Selon le site Internet du Conseil de sécurité de l’ONU : « Les réunions en formule Arria sont des rencontres confidentielles et très informelles qui permettent aux membres du Conseil d’avoir, à huis clos et selon une procédure offrant toute la souplesse voulue, de francs échanges de vues avec des personnes dont le ou les membres du Conseil qui les ont invitées et qui sont chargés d’organiser et d’animer la réunion considèrent que le Conseil aurait intérêt à les entendre ou à qui ils souhaitent faire passer un message. »
  • [3] Voir Philippe Le Billon, « Bankrupting peace spoilers : Can peacekeepers curtail belligerents’ access to resource revenues ? », in Päivi Lujala et Siri Aas Rustad (dir.), High-Value Natural Resources and Peacebuilding, Londres, Earthscan, 2012.
  • [4] Résolution du Conseil de sécurité, S/RES/1625, 14 septembre 2005.
  • [5] Déclaration du président du Conseil de sécurité, S/PRST/2007/22, 25 juin 2007.
  • [6] Conseil de sécurité, S/PV.5663, 17 avril 2007.
  • [7] Déclaration du président du Conseil de sécurité, S/PRST/2011/15, 20 juillet 2011.
  • [8] Voir Lucile Maertens, « Changement climatique au Conseil de sécurité : reconfigurations du débat Nord-Sud », Informations et commentaires. Le développement en questions, n° 172, 2015.
  • [9] Site de la mission permanente de l’Espagne aux Nations unies à New York.
  • [10] Neil Bathiya, « Ukraine, Germany, Sweden Urge UN Security Council to Address Climate Change Threat », The Center for Climate and Security, 2 mai 2017.
  • [11] Allemagne, France, Italie, Japon, Maldives, Maroc, Pays-Bas, Pérou, Royaume-Uni, Suède. Annonce officielle de l’ONU, « Arria Formula : “Preparing for security implications of rising temperatures” », 15 décembre 2017.
  • [12] Christian Webersik, « Securitizing Climate Change : The United Nations Security Council Debate », in Deborah Gallagher (dir.), Environmental Leadership : A Reference Handbook, Londres, SAGE Publications, 2012, p. 549.
  • [13] Conseil de sécurité, S/PV.5663, 17 avril 2007.
  • [14] Conseil de sécurité, S/PV.6587, 20 juillet 2011 (Resumption 1).
  • [15] Secrétaire général de l’ONU, « Les changements climatiques et leurs répercussions éventuelles sur la sécurité », A/64/350, 11 septembre 2009.
  • [16] « Le changement climatique est, en lui-même, une menace directe et un multiplicateur d’un grand nombre d’autres menaces – allant de la pauvreté aux déplacements de population et aux conflits. Les effets du changement climatique se font déjà sentir à travers le monde. Ils sont dangereux et s’accélèrent. » Cette citation a été utilisée pour illustrer la vidéo de la dernière rencontre selon la formule Arria du 15 décembre 2017, ainsi que dans le document d’annonce de la séance.
  • [17] « Le Conseil de sécurité examine les problèmes des petits États insulaires en développement qui affectent la paix et la sécurité internationales », Communiqué de presse officiel, CS/11991, 30 juillet 2015.
  • [18] Caitlin Werrell, Francesco Femia, Sherri Goodman et Shiloh Fetzek, « A Responsibility to Prepare : Governing in an Age of Unprecedented Risk and Unprecedented Foresight », Briefer, n° 38, The Center for Climate and Security, 7 août 2017.
  • [19] Allemagne, France, Italie, Japon, Maldives, Maroc, Pays-Bas, Pérou, Royaume-Uni, Suède. Annonce officielle de l’ONU, « Arria Formula : “Preparing for security implications of rising temperatures” », 15 décembre 2017.
  • [20] Déclaration de La Haye sur la sécurité planétaire, 2017, p. 1.
  • [21] Conseil de sécurité, S/PV.6587, 20 juillet 2011 (Resumption 1).
  • [22] Voir Lucile Maertens, op. cit.
  • [23] Le groupe des 77, ou G77, a été créé en 1964 par les 77 pays en développement signataires de la Déclaration jointe des 77 États lors de la première session de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), puis est devenu une structure institutionnelle permanente comptant, en 2017, 134 États membres, dont la Chine, qui bénéficie d’un statut à part.
  • [24] Conseil de sécurité, S/PV.5663, 17 avril 2007.
  • [25] Camilla Born, « A Resolution for a Peaceful Climate : Opportunities for the UN Security Council », SIPRI Policy Brief, janvier 2017, p. 6.
  • [26] Observation directe du débat sur la portée sécuritaire du changement climatique au Conseil de sécurité, formule Arria, New York, 15 février 2013.
  • [27] Groupe des 77, « Statement on Behalf of the Group of 77 and China by Ambassador Peter Thomson, Permanent Representative of Fiji to the United Nations and Chairman of the Group of 77, at the Arria-Formula Meeting on the security dimensions of climate change », New York, 15 février 2013.
  • [28] Expression utilisée par l’Espagne et la Malaisie dans la note conceptuelle précédant la rencontre Arria du 30 juin 2015.
  • [29] Conseil de sécurité, S/PV.6668, 23 novembre 2011.
  • [30] Conseil de sécurité, S/PV.7499, 30 juillet 2015.
  • [31] Conseil de sécurité, S/PV.7818, 22 novembre 2016.
  • [32] Camilla Born, op. cit., p. 5.
  • [33] Conseil de sécurité, S/PV.8080, 30 octobre 2017.
  • [34] Résolution de l’Assemblée générale, A/63/281, 18 mai 2009.
  • [35] Résolution du Conseil de sécurité, S/RES/2282, 27 avril 2016.
  • [36] Pour une chronologie détaillée de l’avancement des discussions internationales en matière de sécurité climatique, voir le site Climate Security 101.
  • [37] Camilla Born, op. cit., p. 7.
  • [38] Caitlin Werrell et Francesco Femia, « UN Security Council Meeting on Climate Change as a Threat Multiplier for Global Security », The Center for Climate and Security, 8 juillet 2015.
  • [39] Climate Diplomacy, « From analysis to action – high profile experts launch declaration on climate and security », 17 décembre 2017.
  • [40] Déclaration de La Haye sur la sécurité planétaire, 2017, p. 1.
  • [41] Résolution du Conseil de sécurité, S/RES/63/2349, 31 mars 2017.
  • [42] Security Council Report, « In Hindsight : The Security Council and Climate Change-An Ambivalent Relationship », 31 juillet 2017.
  • [43] Ken Conca, Joe Thwaites et Goueun Lee, « Climate Change and the UN Security Council : Bully Pulpit or Bull in a China Shop ? », Global Environmental Politics, vol. 17, n° 2, 2017.