Mars 2017
Intérêt national : l’ambivalence climatique / Par Bastien Alex
Intérêt nationalRIS N°105 – Printemps 2017
« Americans did not fight and win wars of the twentieth century to keep the world safe for green vegetables. »
Richard Darman, directeur du Federal Office of Management and Budget, 1989-1993
Le changement climatique est à double titre un enjeu global : sur le plan géographique d’une part, les émissions de gaz à effet de serre n’ayant pas de frontières ; au sens littéral d’autre part, puisqu’il s’agit d’un problème transversal, économique, environnemental, social et surtout politique en raison des questions et des difficultés qu’il soulève autour des mesures à mettre en œuvre pour lutter contre ses conséquences. Or par définition, l’intérêt national n’est pas global, les deux qualificatifs seraient presque même antagonistes : l’on parle d’égoïsmes nationaux et de biens publics globaux ou mondiaux. Si la pertinence de la notion d’intérêt national peut être débattue, elle reste néanmoins largement présente dans les discours des États, chacun s’attachant à définir, défendre et promouvoir son intérêt national. La convoquant, ils en font un enjeu de subsistance, de prospérité, voire d’expansion et de puissance. Nous savons aujourd’hui, grâce aux travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), que l’humanité est à l’origine du changement climatique [1] et, depuis le rapport Stern [2], que le coût de l’inaction en la matière sera plus élevé que celui de l’action. Pour autant, le changement climatique semble encore loin de peser parmi les déterminants de l’intérêt national. Face à un problème dont nous sommes ainsi responsables et dont les conséquences seront majoritairement néfastes, la timide réponse politique met en lumière une contradiction sous-jacente, qui prend la forme de plusieurs interrogations : le changement climatique, par ses causes et conséquences, modifie-t-il le périmètre de l’intérêt national ? la réponse qu’il nécessite ne plaide-t-elle pas en faveur d’un intérêt global, opposé à son pendant national ? les risques et menaces dont il est porteur nourrissent-ils cette dynamique ? En clair, le changement climatique n’appelle-t-il pas une délimitation nouvelle de l’intérêt national ?
Redéfinir le périmètre
Dans un premier temps, se pose la question d’une démarcation nouvelle du périmètre de l’intérêt national. Dans son acception réaliste [3], l’intérêt national désigne l’intérêt supérieur de la nation. Sa sauvegarde et sa promotion constituent les buts principaux des politiques régaliennes telles que la politique étrangère ou de défense, même si le terme lui-même apparaît moins dans les doctrines de défense des chancelleries occidentales, dont la France. On lui préfère ainsi les intérêts « de puissance », « de sécurité », « stratégiques », « vitaux », « globaux », « prioritaires », « économiques », « occidentaux » [4], voire les valeurs. Dans quelle mesure le changement climatique vient-il alors bousculer ces conceptions ?
L’intérêt national est déterminé par le pouvoir politique. Il peut comprendre différents « actifs » de l’État-nation : physiques et naturels (milieux, faune et flore, frontières), socio-économiques (emplois, industries, services, infrastructures), politiques (institutions, convictions et valeurs) et humains (populations). L’on remarque que toutes ces composantes sont impactées de près ou de loin par le dérèglement climatique : les évolutions climatiques lentes ont une influence sur les milieux naturels par la modification des températures, de l’ensoleillement, de la pluviométrie et sur la sélection des espèces ; certains emplois sont menacés par les impacts directs du changement climatique comme par ceux, indirects, des politiques qui seront menées pour en limiter l’ampleur [5] ; l’ensemble de ces transformations doivent être gérées par les institutions, qui voient aussi les sociétés se modifier sous leurs impacts – la sensibilisation environnementale est, par exemple, plus forte en Europe ; le changement climatique vient, enfin, soulever des enjeux de sécurité humaine, à travers les catastrophes naturelles, les épidémies, voire les tensions et conflits dont il risque de favoriser l’apparition.
Dans nos sociétés modernes, l’intérêt national est également défini comme la préservation des conditions de la croissance et du développement économiques. Des tentatives de régulation – normes et réglementations environnementales – ou de mise en œuvre d’une gouvernance mondiale – objectifs contraignants de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) – perçues comme allant à l’encontre des intérêts économiques peuvent, de ce fait, être interprétées comme des menaces à l’intérêt national. Si les emplois et la croissance relèvent de l’intérêt national, il faut en effet les préserver. Mais que faire lorsque ces emplois sont liés à des activités fortement émettrices de gaz à effet de serre ? Cette contradiction est au cœur des difficultés d’élaboration des politiques dites climatiques, et demeure l’argument traditionnel de certains lobbies, qui continuent d’user de techniques de marginalisation et de discrédit à l’égard de toute production scientifique remettant en cause ce postulat [6]. Cette tension entre la sauvegarde des intérêts économiques et / ou de la planète détermine également, dans les négociations climatiques, le positionnement de certains États, comme les pays du Golfe, dont l’économie repose essentiellement sur le secteur des hydrocarbures. La reconnaissance et l’affirmation d’un intérêt global apparaissent comme la réponse la plus appropriée pour répondre aux immenses défis posés par les changements climatiques. Encore faut-il cependant réunir les conditions de son émergence, ce qui semble loin d’être le cas puisque cela supposerait de repenser la délimitation du périmètre de l’intérêt national, voire d’accepter sa relégation derrière la recherche d’un intérêt supranational qui transcenderait la somme des intérêts nationaux.
Face à ce dilemme, l’économie tente de répondre à travers de profondes mutations, entre les propositions des partisans de la croissance verte ou du capital vert [7] et celles des « objecteurs de croissance » qui lui préfèrent la notion de décroissance récusant l’hypothèse d’un bien-être lié à la perpétuation infinie de la création de richesses [8]. Les deux écoles accordent une part importante à la refonte de notre modèle de développement, considérant que certains pans de l’économie autrefois perçus comme des actifs stratégiques devraient être repensés ou exclus du périmètre de l’intérêt national en raison de leur impact néfaste sur l’environnement. Ces critiques ne sont pas nouvelles et la dénonciation des externalités négatives de notre modèle économique a cours depuis des décennies [9], mais la résistance à l’inflexion qu’il est nécessaire de donner aux politiques qui le définissent démontre à elle seule la domination de la vision d’un intérêt national de court terme. Tant et si bien que le mode de consommation des sociétés modernes est aujourd’hui en situation de nuire à l’intérêt national alors qu’il en a été, dès l’origine, l’un des principaux moteurs de développement : au XXe siècle, l’essor des sociétés occidentales s’est réalisé parallèlement à l’installation durable d’une classe moyenne, consommatrice de biens et de services, créatrice d’emplois et de richesses, permettant aux États de récolter impôts et taxes et de mettre en place les services et infrastructures nécessaires au bien-être des populations. Le fait que la poursuite de ce modèle ne soit pas ou plus dans l’intérêt national appelle aujourd’hui un urgent travail de redéfinition.
Changer d’échelle
« Il n’existe pas de plan B, parce qu’il n’existe pas de planète B », avait déclaré Ban Ki-moon, alors secrétaire général des Nations unies. Derrière cette formule simple se cache une réalité somme toute tangible : il nous faut faire un effort pour que la planète sur laquelle nous vivons conserve une habitabilité optimale, même si certaines transformations en cours, comme le réchauffement de la température moyenne à la surface du globe, sont inéluctables. Cet effort, puisque les émissions ne connaissent pas de frontières, doit être collectif mais particularisé, selon le principe de responsabilités communes mais différenciées qui régit le régime de la gouvernance mondiale du climat depuis la signature de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) au Sommet de la Terre de Rio en 1992. L’intérêt national ne doit pas primer sur l’intérêt de l’humanité dans son ensemble, mais il n’est pas non plus occulté par ce principe, qui reconnaît à chacun le droit de participer à cet effort collectif en fonction de ses capacités respectives, et continue d’octroyer la primauté de leur droit au développement aux pays qui n’auraient pas encore atteint cet objectif. Sans exiger l’effacement de l’intérêt national au profit d’un intérêt global, ce principe-clé cherche en fait, dans l’idéal et grâce aux négociations internationales, un moyen de combiner les deux. Inévitablement, et ce dès la signature de la CCNUCC, « ces négociations sont devenues profondément politiques dès lors que les États soupesaient les risques portant sur leurs économies et ceux relatifs au changement climatique et cherchaient à répartir la responsabilité de la manière la plus favorable à leurs intérêts propres » [10].
La défense de l’intérêt national à travers cette posture dans les négociations pouvait toutefois, même à l’époque, avoir des fondamentaux justes et des conséquences bénéficiant à l’ensemble de la communauté internationale. La trajectoire française est, à ce titre, relativement éclairante. Dans les années 1990, voyant que le régime climatique international engageait les États sur la voie d’une réduction des émissions, la France a voulu mettre l’accent sur le concept d’émissions par habitant. Son mix électrique reposant à plus de 90 % sur des énergies non émettrices – nucléaire et hydraulique –, réduire les émissions de manière quantitative se révélait, en effet, bien plus complexe que dans des pays où l’économie connaissait une intensité carbone supérieure. Paris a donc défendu une conception qualitative reposant sur l’équité et la justice climatique, sans que ces dernières ne constituent un objectif car il s’agissait, en réalité, d’une conséquence de sa politique d’indépendance énergétique, et non de l’émanation d’une quelconque volonté altruiste matinée d’écologie. Néanmoins, l’adoption d’une telle norme, qui aurait contraint les États à massivement décarboner leur mix électrique, n’a bien sûr jamais été à l’agenda des négociations. La France a peu à peu abandonné cette revendication à mesure qu’elle prenait conscience de sa propre vulnérabilité et des dangers à long terme du changement climatique. Comme l’écrit Joseph Szarka : « La nouvelle compréhension de la vulnérabilité au changement climatique repositionne le débat sur les intérêts vitaux de la France : il souligne la nécessité de mesures d’atténuation plus fortes et de stratégies d’adaptation robustes et de long terme. » [11] Les intérêts économiques étant dès lors supplantés par les intérêts vitaux, la posture de négociations devenait plus favorable aux mesures d’atténuation effectives, et non plus seulement à celles épargnant sa croissance.
Ce changement de perception a constitué un phénomène global, qui s’est accompagné d’une révision de la gouvernance lors de la COP15 de Copenhague. Censé au départ aboutir à un nouvel accord global succédant au protocole de Kyoto, le sommet, tenu en pleine crise financière et économique mondiale, avait finalement débouché sur un échec, retentissant à l’époque. Il a en fait été le théâtre d’un changement de paradigme majeur. Soucieux de ne pas laisser une entité supranationale décider pour eux de leurs objectifs de réductions d’émissions, la Chine et les États-Unis se sont en effet mis d’accord pour redéfinir l’architecture du régime climatique et la méthode de détermination des efforts d’atténuation. Le système est alors passé d’une logique top-down, où l’arrêt de seuils de concentration de l’atmosphère en CO2 guidait la détermination des objectifs, à une logique bottom-up où les États définissent eux-mêmes leur contribution – Intended nationally determined contribution (INDC) – à l’effort de réduction, en comptant sur l’effet d’entraînement et la responsabilité de chacun vis-à-vis de ses partenaires [12]. Si les différents INDC soumis avant la COP21 ne permettent pas, pour l’heure, de limiter le réchauffement à 2 °C, voire à 1,5 °C, d’ici la fin du siècle, ils présentent néanmoins le mérite d’exister alors qu’ils étaient impossibles à déterminer sous l’ancien régime de négociations, les États n’étant pas prêts à se voir imposer des contraintes par le haut [13]. Rétrospectivement, l’échec de Copenhague était peut-être nécessaire pour venir à bout d’une logique qui ne fonctionnait que sur le papier.
Cela n’empêche évidemment pas les divergences de s’affirmer au sein des négociations. L’Arabie saoudite considère ainsi que la meilleure manière de préserver son intérêt national reste d’observer un comportement non plus d’obstruction totale à la négociation mais de vigilance extrême vis-à-vis de tout établissement d’un objectif contraignant en matière de réduction des émissions [14]. Les États-Unis [15] et la Chine [16] – 40% des émissions mondiales à eux seuls – ont adopté pendant des années ce comportement regrettable, mais compréhensible sur le plan de la défense de l’intérêt économique de court terme [17], au grand dam des pays les plus vulnérables et les plus exposés, tels ceux de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS).
Si l’incertitude caractérise de nouveau la politique américaine sur le sujet depuis la prise de fonction de Donald Trump, d’obédience climato-sceptique, la Chine a récemment opéré un revirement à 180 degrés, passant de puissance « obstruante » à pays-clé, voire moteur, ratifiant même l’Accord de Paris avant l’Union européenne (UE), acteur de premier plan en la matière. Ce changement de posture s’est en fait effectué à la faveur d’une redéfinition du périmètre de son intérêt national, dont la poursuite du tout-charbon a été exclue. La politique de développement et de soutien aux énergies renouvelables chinoise ne doit pas seulement être vue comme une politique climatique, mais aussi et surtout comme une politique de défense de l’intérêt national. Le pays est désormais le premier investisseur au monde – 102,9 milliards de dollars en 2015, contre 44 pour les États-Unis [18] – dans ce secteur au sein duquel seront insérés 360 milliards de dollars dans le cadre du plan quinquennal 2016-2020 [19]. À ce titre, la Chine est peut-être le premier pays à véritablement prendre la mesure de la transformation qu’elle se doit d’engager face à des défis à la mesure de sa démographie. Elle ne le fait pas pour préserver les Maldives ou Kiribati des impacts du changement climatique, ni parce que le régime international de négociations le lui impose, mais bel est bien parce qu’elle considère qu’il s’agit de la meilleure politique à adopter pour défendre ses intérêts au regard de ses objectifs et des contraintes avec lesquelles elle doit composer.
Maîtriser les risques, réduire les menaces
Lorsque l’on évoque l’intérêt national, l’un des premiers réflexes est de songer à sa défense contre des menaces de tout ordre : expansionnisme des puissances, prédation des ressources, terrorisme, troubles politiques internes ou externes, revendications indépendantistes ou irrédentistes, etc. Depuis une quinzaine d’années, le changement climatique a également fait irruption dans le champ de la réflexion stratégique, notamment en raison des risques et des menaces qu’il fait peser sur la sécurité et la stabilité des États. De nombreux rapports ont étudié les liens de corrélation, voire de causalité entre les manifestations physiques du changement climatique et la conflictualité, de manière directe ou indirecte [20]. Un tel mouvement s’accompagne-t-il d’une redéfinition de l’intérêt national ?
Plusieurs pays, dont les États-Unis, mais également des organisations internationales, comme les Nations unies via le Conseil de sécurité, définissent désormais le changement climatique comme une menace ou une cause de conflit avérée. Ban Ki-moon parlait en 2007 du Darfour comme d’un conflit aux racines climatiques [21], en même temps que le Center for Naval Analyses popularisait l’expression « threat multiplier » [22]. Washington prend désormais au sérieux ces risques découlant du changement climatique, qualifié de « menace urgente et grandissante à la sécurité nationale, contribuant à l’augmentation des catastrophes naturelles, aux flux de réfugiés et aux conflits portant sur les ressources naturelles comme l’eau et la nourriture » [23] dans sa stratégie de sécurité nationale. Cette dernière rappelle également les engagements américains en faveur de la réduction de l’empreinte carbone du pays. Le Department of Defense (DoD) a, entre autres, publié en octobre 2014 une Climate Change Adaptation Roadmap à la suite de la Quadrienal Defense Review (QDR) 2014, qui rappelait elle aussi les conséquences opérationnelles de la prise en compte des menaces liées au changement climatique [24]. Il est donc possible de supposer que la prise en considération de l’impact sécuritaire et en matière de défense du changement climatique ait pu contribuer à réorienter en partie la politique du DoD et – considérant l’influence de ce dernier – à soutenir l’effort de réductions des émissions aux États-Unis, modifiant ainsi le périmètre de l’intérêt national. Toutefois, l’interrogation porte désormais sur la politique que développera Donald Trump à cet égard. Le président nouvellement élu risque, en effet, de se retrouver à contre-courant de la direction que semblent prendre les forces armées depuis une décennie. Plus important encore, en relançant le projet d’oléoduc Keystone XL suspendu par son prédécesseur au titre qu’il ne relevait pas de l’intérêt national, il a démontré que cette notion était mouvante, dynamique et fonction des sensibilités des majorités politiques.
Ce mouvement est-il commun au sein des principales puissances mondiales ? La Russie n’aborde pas le changement climatique dans ses dernières productions stratégiques (Concept de politique étrangère, décembre 2016 ; Stratégie de sécurité nationale, décembre 2015). La France, dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013, ne le mentionne qu’à trois reprises, évoquant au conditionnel les risques et les impacts [25]. L’Inde ne l’évoque pour l’instant que très peu, malgré une position de principe forte en faveur de l’implication des pays développés dans l’effort de réduction des émissions au nom de la justice climatique. La Chine a, pour sa part, adopté de nombreux documents (China’s National Climate Change Program en 2007, National Climate Change Plan 2014-2020) qui prennent en compte les vulnérabilités du territoire, notamment autour des questions hydriques [26]. L’intégration des risques et menaces liés aux manifestations du changement climatique à la réflexion sur la défense de l’intérêt national est donc un processus en cours. Il connaît des rythmes toutefois trop différents pour statuer sur son caractère structurant, à l’inverse des dynamiques vigoureuses que peuvent connaître l’énergie et l’économie.
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Que cela soit ou non admis, le périmètre de l’intérêt national s’est déjà modifié sous l’influence du changement climatique et de sa prise en compte par les États. Cela se perçoit dans les choix économiques ou énergétiques qu’ils effectuent, dans les positions qu’ils défendent au sein des négociations internationales et dans le sérieux qu’ils commencent à consacrer à l’appréhension des risques et menaces qui découleront des manifestations physiques du phénomène autant que des politiques qui seront développées pour y faire face. Le grand défi réside dans la sortie des contradictions entre court et long termes, retardée par le travail des lobbies [27], l’ampleur des transformations à engager et une forme de croyance aveugle selon laquelle le progrès technique suffirait à nous sortir de l’impasse. L’absence d’une vision de l’intérêt supérieur de la nation, entre autres explications, conduit ainsi les dirigeants à se focaliser sur la prochaine élection, et non la prochaine génération. Si certains continuent d’en tirer profit, ce ne sera pas indéfiniment le cas de leurs héritiers. L’exemple de la trajectoire chinoise comme l’attitude des sociétés civiles autorisent toutefois une forme d’optimisme. Rendre ce dernier plus concret encore nécessite de désenclaver le changement climatique, en le sortant des cénacles de négociations onusiens pour qu’il devienne, en plus d’un phénomène dont les causes doivent être combattues, un élément de contexte général guidant la conduite des politiques publiques. Cela éviterait que ne soient prises perpétuellement hors des COP des décisions allant à l’encontre de leurs conclusions mais aussi, peut-être, de l’intérêt global.
[1] Nous sommes ainsi entrés dans une nouvelle ère géologique, l’anthropocène, marqué par la capacité de l’humanité à transformer globalement et durablement l’écosystème terrestre.
[2] Nicholas Stern, Stern Review on the Economics of Climate Change, Londres, HM Treasury, 2006.
[3] Notamment défendue par Hans Joachim Morgenthau.
[4] Ces qualifications proviennent toutes du Livre blanc pour la défense et la sécurité nationale de 2013, publié par le ministère français de la Défense.
[5] Si des emplois liés à des ressources locales peuvent disparaître avec elles – pêche, par exemple –, d’autres peuvent également se voir supprimés en raison de l’empreinte carbone de l’activité – production d’électricité à base de charbon.
[6] Voir Eric McConway et Noami Oreskes, Les marchands de doute, Paris, Le Pommier, 2012.
[7] Pierre-André Jouvet et Christian de Perthuis, Le capital vert. Une nouvelle perspective de croissance, Paris, Odile Jacob, 2013.
[8] Serge Latouche, L’Âge des limites, Paris, Fayard / Mille et une nuits, 2012.
[9] Dennis Meadows et al., The limits to growth, Universe Books, 1972.
[10] James MacKenzie, Climate Protection and the National Interest, Washington, World Resources Institute, 1997, p. 9.
[11] Joseph Szarka, « Climate policy in France : between national interest and global solidarity ? », Politique européenne, n° 33, 2011 / 1.
[12] Stefan C. Aykut et Amy Dahan, « Le régime climatique avant et après Copenhague : sciences, politiques et l’objectif des deux degrés », Natures Sciences Sociétés, vol. 19, n° 2, 2011.
[13] Christiana Figueres et Maria H. Ivanova, « Climate Change : National Interests or a Global Regime », in Daniel C. Esty et Maria H. Ivanova (dir.), Global Environmental Governance, New Haven, Yale School of Forestry and Environmental Studies, Yale Center for Environmental Law and Policy, 2002.
[14] L’Arabie saoudite insiste sur la responsabilité commune mais différenciée en demandant aux pays développés de prendre en charge les efforts d’atténuation bien qu’elle compte parmi les pays à l’empreinte carbone par habitant la plus élevé au monde (17,9 tonnes de CO2 par an par habitant contre 5,1 pour la France, mais 40,5 pour le Qatar, selon les chiffres de la Banque mondiale de 2013). Voir également Norman K. Swazo, « Negotiating the climate change regime : the case of Saudi Arabia », MERIA Journal, vol. 14, n° 4, 2010.
[15] « Le mode de vie américain n’est pas négociable », disait George H. Bush en marge du Sommet de Rio en 1992.
[16] Bien des habitants de l’empire du Milieu partagent en effet la croyance en un complot occidental visant à freiner la croissance chinoise et à ralentir son inévitable hégémonie. Voir Jiao Hu, « La question du changement climatique en Chine. Courants apparents et courants sous-jacents », in Edwin Zaccai et al., Controverses climatiques, sciences et politique, Paris, Presses de Sciences Po, 2012.
[17] Voir Bastien Alex, « Changements climatiques, économie et croissance. Des relations politiques », Diplomatie, n° 84, janvier 2017.
[18] Frankfurt School – UNEP Collaborating Centre for Climate & Sustainable Energy Finance, Global Trends in Renewables Energy Investment 2016, Francfort-sur-le-Main, pp. 22-23.
[19] Selon la National Energy Administration chinoise, citée par de nombreux articles. Michael Forsythe, « China Aims to Spend at Least $360 Billion on Renewable Energy by 2020 », The New York Times, 5 janvier 2017.
[20] Voir par exemple Malin Mobjörk et al., Climate-Related Security Risks : Towards an Integrated Approach, Stockholm, SIPRI, octobre 2016.
[21] Ban Ki-moon, « A Climate Culprit In Darfur », The Washington Post, 16 juin 2007.
[22] Center for naval Analyses, National Security and the Threat of Climate Change, Washington, 2007.
[23] National Security Strategy 2015, Washington, février 2015, p. 12.
[24] « The impacts of climate change may increase the frequency, scale, and complexity of future missions, including Defense Support to Civil Authorities (DSCA), while at the same time undermining the capacity of our domestic installations to support training activities. »
[25] Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale 2013, Paris, 2013, p. 46. Le sujet fait toutefois l’objet d’un intérêt grandissant avec l’organisation d’une conférence internationale « Changement climatique et défense » en marge de la COP21 et le lancement d’un Observatoire géopolitique des impacts des changements climatiques en termes de sécurité et de défense fin 2016.
[26] Scott More, « Climate Change, Water and China’s National Interest », China Security, vol. 5, n° 3, 2009.
[27] Federica Genovese, « Climate Change Negotiations, National Interests, and the Political Economy of Bargaining Positions », janvier 2014.