Juin 2017
Du « modèle turc » au système Erdogan : vers une nouvelle Turquie ? / Par Johanna Ollier
Contestations démocratiques, désordre international ?RIS N°106 - Été 2017
À propos de : Ahmet Insel, La nouvelle Turquie d’Erdogan. Du rêve démocratique à la dérive autoritaire, Paris, La Découverte, 2015, 208 p. Nicolas Cheviron et Jean-François Pérouse, Erdogan. Nouveau père de la Turquie ? Paris, François Bourin, 2016, 440 p. Jana J. Jabbour, La Turquie. L’invention d’une diplomatie émergente, Paris, CNRS Éditions, 2017, 300 p.
Alors que le Parti de la justice et du développement (AKP) est au pouvoir depuis 2002, la Turquie fait récemment l’objet d’analyses se concentrant essentiellement sur la « nouvelle Turquie » de son leader, Recep Tayyip Erdogan. Loin d’être un modèle de démocratie, celle-ci apparaît plutôt en proie aux dérives liberticides de son dirigeant, lesquelles se sont effectivement fortement accentuées, notamment après le coup d’État manqué du 15 juillet 2016. Il semble alors de plus en plus difficile d’évoquer la Turquie sans que la figure du président autoritaire n’apparaisse immédiatement, sur fond de dictature patente. Avec le recul nécessaire et sans faire de raccourcis simplistes ni d’analyses hâtives, les ouvrages d’Ahmet Insel, de Nicolas Cheviron et Jean-François Pérouse, et de Jana J. Jabbour sont particulièrement utiles, en ce qu’ils permettent de replacer dans leur contexte les transformations que connaît actuellement la Turquie.
Avant d’être principalement perçue à travers le prisme de ses dérives autoritaires actuelles, la Turquie a en effet été considérée par de nombreux observateurs comme un « modèle » capable de concilier islam, démocratie, capitalisme et modernité. L’arrivée au pouvoir de l’AKP avait été suivie de nombreuses réformes de l’appareil politique tendant vers une plus grande démocratisation du système politique. Le pays s’est considérablement développé, accédant peu à peu à une reconnaissance internationale, notamment grâce à une insertion fructueuse dans l’économie mondiale. Si les dérives autoritaires de son président ne permettent guère de la présenter désormais comme un modèle de démocratie, quel est le visage de cette nouvelle Turquie ? L’autoritarisme de R. T. Erdogan remet-il en cause les transformations qui ont conduit à l’émergence du pays ?
Un « émergent » modèle ?
L’arrivée au pouvoir de l’AKP fut tout d’abord synonyme d’un remodelage de la vie politique turque. Sur le plan intérieur, l’une des transformations majeures réside dans le changement des rapports civilo-militaires. Alors qu’entre 1925 et 1928, sous l’impulsion de Mustafa Kemal Atatürk, la Turquie se transforme peu à peu en un État laïque (nouveau code civil, abolition de la polygamie, suppression des ordres religieux, adoption du calendrier grégorien et de l’alphabet latin, etc.), les élites civiles et militaires fusionnent autour de la doctrine kémaliste (nationalisme, républicanisme, laïcisme, populisme, progressisme, étatisme) et du parti unique : le Parti républicain du peuple (CHP). L’armée − à la suite de plusieurs coups d’État, en 1961 [1], 1971 et 1980 – s’est peu à peu autonomisée, jusqu’à devenir un acteur politique à part entière : le coup d’État du 12 septembre 1980 accouche ainsi, en 1982, d’une nouvelle constitution rédigée par les militaires, et toujours en vigueur lorsque l’AKP arrive au pouvoir en 2002. L’establishment kémaliste, incarné principalement par la haute magistrature, la hiérarchie universitaire et l’armée, voit alors d’un mauvais œil la percée politique de l’AKP, tandis que celui-ci souhaite rapidement réviser l’ordre constitutionnel afin de mettre fin à la tutelle de l’armée sur la vie politique. Le projet d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne (UE) devient un levier politique à disposition du gouvernement pour faire passer différents amendements constitutionnels et autres paquets d’harmonisation. Grâce à un certain nombre de mesures, telles que la démilitarisation progressive de la justice, la réduction des pouvoirs du Conseil de sécurité nationale, la levée de l’interdiction du port du voile à l’université (2011), l’interdiction de la peine de mort (2004) ou la plus grande reconnaissance des droits et particularismes des minorités, le Parti de la justice et du développement contribue à libéraliser le système politique turc et s’affirme donc, dans un premier temps, comme un modèle de démocratie – ou du moins de démocratisation.
Sur le plan économique, la Turquie peut se targuer d’afficher un taux de croissance annuel moyen proche de 8 % entre 2002 et 2007 (Ahmet Insel, chap. 5, p. 106 et s.), permettant au gouvernement de financer des politiques sociales de redistribution et de grands travaux. Les « dix glorieuses » (2002-2012) de l’AKP sont en réalité le résultat de réformes économiques amorcées dès les années 1980 sous le gouvernement de Türgüt Özal [2], d’un contexte mondial d’ouverture issu de la fin de la guerre froide et d’abondance de liquidités sur le marché international. Le paysage entrepreneurial de la Turquie se transforme également, avec la montée en puissance d’une nouvelle bourgeoisie islamique, favorisée par les aides gouvernementales aux petites et moyennes entreprises. Jana J. Jabbour décrit ainsi les « tigres anatoliens » [3], désignant ces nouvelles entreprises d’Anatolie centrale « qui ont su conjuguer capitalisme libéral et valeurs traditionnelles » (p. 88).
Jana J. Jabbour s’attache surtout à dépeindre la nouvelle « diplomatie émergente » du pays qui, inspirée du concept de « profondeur stratégique » d’Ahmet Davutoglu [4], se met en place à partir de 2009. Dès l’introduction, l’auteur réfute les analyses décrivant la politique étrangère de la Turquie par les termes de logique néo-ottomane ou panislamiste : le pays opère une diplomatie de la main tendue envers son environnement régional, souvent résumée par la politique du « zéro problème avec ses voisins ». La politique arabe d’Ankara est ainsi motivée par l’idée qu’il faut d’abord être une puissance régionale pour ensuite s’imposer au niveau international. La Turquie parvient, par exemple, à développer ses relations économiques avec les pays du Maghreb et du Golfe, à entretenir une coopération pragmatique avec l’Égypte et, entre 2002 et 2010, à façonner une « lune de miel turco-syrienne » (p. 126). Dégagé de la tutelle des militaires, le pays noue également des contacts avec le gouvernement de la région autonome kurde irakienne. Le président Abdullah Gül se rend même en Arménie en 2008, à l’occasion d’un match de football.
Dans un processus spontané allant de pair avec son émergence économique, la Turquie devient donc progressivement une puissance régionale. Ainsi, durant la première décennie des années 2000, le nouveau visage du pays rassure, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de ses frontières. L’arrivée au pouvoir d’un parti issu de l’islam politique turc contribue alors à libéraliser la Turquie. Islam, capitalisme et démocratie semblent se concilier, et le pays gagne en reconnaissance internationale.
Recep Tayyip Erdogan, défenseur des « opprimés », oppresseur des autres
Si la Turquie devient un acteur de poids dans l’économie globale et acquiert une plus grande place sur la scène internationale (J. J. Jabbour, p. 83), on peut se demander dans quelle mesure l’actuel président de la République y a contribué. Nicolas Cheviron et Jean-François Pérouse questionnent, dès l’introduction de leur livre, une potentielle comparaison entre R. T. Erdogan et Mustafa Kemal Atatürk. À l’inverse d’un discours pro-occidental, d’un dirigisme étatique et d’une attache à une « laïcité militante », voire « laïciste » (A. Insel, p. 25), R. T. Erdogan multiplie les références à l’Empire ottoman et promeut un libéralisme économique et une identité musulmane assumés. Toutefois, afin d’élargir son électorat et de désamorcer les incriminations prévisibles de l’establishment kémaliste, il propose une nouvelle version de l’islam politique turc, prenant en cela le contre-pied de son hoca [maître] Necmettin Erbakan [5]. Il est ainsi porteur d’un nouveau modèle au sein de son propre parti, puis à l’échelle nationale, d’une modernité hybride, à la fois néolibérale sur le plan économique et conservatrice sur les plans politique et culturel.
L’aspect « conservateur » de l’AKP doit donc être évoqué avec précautions pour deux raisons. Premièrement, il n’efface pas la logique économique néolibérale que promeut le parti, lequel se rapproche en ce sens du Parti républicain américain selon A. Insel (p. 91). Deuxièmement, d’après J. J. Jabbour, l’AKP peut difficilement être qualifié de « conservateur » dans la mesure où, loin d’être attaché à l’ancien système, le parti entend plutôt « transformer l’ordre ancien et inaugurer un nouvel ordre », et utiliser l’islam comme un outil au service de ces transformations (p. 80).
N. Cheviron et J.–F. Pérouse reviennent, pour leur part, sur les détails du parcours politique de R. T. Erdogan : excellent orateur, impliqué dans la vie politique locale depuis l’âge de quinze ans, il gravit un à un les échelons et s’affirme comme un leader charismatique. Il peut également instrumentaliser le fait d’avoir grandi dans le quartier populaire de Kasımpaşa de la vieille Istanbul pour apparaître proche du peuple. « Le chef de l’AKP fournit en quelque sorte la quintessence du “nous”, qui permet une fusion relativement forte entre le chef et son peuple » (A. Insel, p. 171). Face à l’ancien establishment qu’il assimile aux « Turcs blancs » [6], le nouveau Premier ministre se fait le porte-parole des « Turcs noirs » et permet l’accès à la modernité à une nouvelle frange de la population, ce qui constitue aujourd’hui un facteur explicatif de la fidélité de son électorat.
Promoteur d’un système plus juste – par la défense des figures de l’opprimé religieux et de l’opprimé économique −, R. T. Erdogan veut rendre sa fierté au peuple turc en se réappropriant le passé national. La logique reste la même en matière de politique étrangère : être le défenseur des opprimés victimes d’un ordre international injuste. Il assume ainsi l’utilisation d’un franc-parler, parfois virulent, pour s’indigner contre les « oppresseurs » internationaux, à l’instar du célèbre « one minute » contre la politique du gouvernement israélien à l’égard de la Palestine [7]. « “Opprimé” et “victime” sont des termes clés de la rhétorique internationale d’Erdogan, qui l’instituent en garant et défenseur des faibles, en Turquie comme désormais dans le monde entier », selon N. Cheviron et J.-F. Pérouse (p. 289).
Sa stratégie hégémonique le pousse néanmoins à une personnalisation de plus en plus forte du pouvoir. Or, celle-ci semble concomitante de la méfiance grandissante à l’égard du régime, en interne comme à l’étranger. Souhaitant impulser une réforme du système par le bas, il finit par imposer sa propre vision par le haut. A. Insel décrit « l’autoritarisme patent » présent dans le nouveau système Erdogan, de plus en plus visible à la suite de la répression des manifestations de Gezi en 2013. Avant cela, les procès « Ergenekon » et « Balyoz » [8] avaient déjà éveillé des soupçons quant à l’utilisation des affaires par le Premier ministre comme prétextes pour finalement évincer ses opposants politiques en opérant de larges purges. Par ailleurs, après les « printemps arabes », le soft power turc s’est peu à peu érodé à l’échelle régionale et internationale. Les limites effectives de la pénétration de la Turquie au Moyen-Orient mettent en lumière son statut d’« overachiever » (J. J. Jabbour, chap. 10, pp. 273-290) : au-delà de sa rhétorique, le pays n’a pas les moyens d’être l’« étoile polaire » du Moyen-Orient. Les difficultés internes rencontrées par le système Erdogan ternissent son image et compliquent en effet sa tâche à l’international.
Quel futur « modèle turc » ?
Si R. T. Erdogan est comparé à Mustafa Kemal Atatürk, c’est parce que, au-delà de proposer un « nouveau modèle turc », il procède à une concentration progressive des pouvoirs autour de sa personne. Alors que l’orientation de la politique du pays fut pendant longtemps la prérogative du Premier ministre, le « Nouveau père des Turcs » (N. Cheviron et J.-F. Pérouse), élu président de la République au suffrage universel direct en 2014 [9], n’entend pas être un « président potiche ». Le référendum du 16 avril 2017 sur la réforme de la Constitution légalise cette « hyperprésidentialisation » du régime [10], qui existait déjà dans les faits et qui constitue le fruit d’un travail de purges autoritaires de longue haleine. Avant cela, le putsch manqué du 15 juillet 2016 a permis au président d’éliminer tout opposant – ou potentiel opposant –, à commencer par les membres de la confrérie Gülen [11]. Sous la couverture du terrorisme, il a pu brandir haut et fort la logique de « l’ordre ou le chaos » − autrement dit « R. T. Erdogan ou le chaos » − afin de légitimer ses dérives autoritaires et profiter ironiquement du « titre de sauveur de la démocratie » (A. Insel, p. 191). En outre, la faiblesse des forces d’opposition, largement muselées par le régime, renforce l’idée selon laquelle seul le « reis » [12] peut maintenir la stabilité.
Toutefois, loin d’avoir créé un consensus autour d’un « modèle turc », R. T. Erdogan a contribué à diviser la société, entraînant de facto une hyperpolarisation entre ceux qui le soutiennent et ceux qui le défient. En revanche, il paraît précipité de qualifier le régime de dictature : quand bien même ses dérives sont contestées, y compris désormais par une partie de sa base électorale, une large part de la population continue de le soutenir. R. T. Erdogan incarne également toujours l’homme qui a rendu sa fierté au pays à l’international, ainsi qu’aux « Turcs noirs » à l’intérieur de ses frontières. Il semble ainsi plus approprié, pour l’instant, de parler de « démocratie illibérale » ou de « démocrature ».
Affirmer que R. T. Erdogan propose un nouveau « modèle turc » présente, en outre, plusieurs inconvénients. Tout d’abord, si le visage de la Turquie s’est largement transformé sous ses mandats successifs, il serait erroné de croire que toutes ces transformations sont du ressort d’un seul homme et ne relèvent pas de tendances plus structurelles. Par ailleurs, l’idée d’une « nouvelle Turquie » cache les continuités du régime turc. Or, A. Insel relève que l’autoritarisme est une constante du système politique du pays, qu’il soit aux mains de l’élite kémaliste, de l’armée ou de l’AKP. Enfin, la notion même de « modèle turc » est critiquable en ce qu’elle induit une vision normative, un point de vue extérieur sur ce que doit être la Turquie.
Néanmoins, il ne faudrait pas non plus sous-estimer la part de l’actuel président dans la dérive autoritaire de la « nouvelle Turquie ». Nicolas Cheviron, Jean-François Pérouse et Ahmet Insel s’accordent pour mettre en lumière l’hubris propre au personnage de R. T. Erdogan, élément moteur de la construction du nouveau système. Pour J. J. Jabbour, cet hubris du président peut aussi se lire à travers la grille de lecture du phénomène de l’« émergence » : « Erdogan est l’homme de la “nouvelle Turquie”. Audacieux, fier, voire arrogant, déterminé et volontariste, il est l’incarnation de cette Turquie émergente en quête de reconnaissance. » (p. 59). Plus le président serait confronté aux rebuffades de ses alliés traditionnels occidentaux, plus il ferait preuve d’arrogance, dans une logique d’affirmation identitaire, elle-même poussée par une quête de reconnaissance internationale. C’est donc peut-être la traduction « erdoganaise » de l’émergence qui constitue la réelle nouveauté de la Turquie d’aujourd’hui.
- [1] La Constitution de 1961 met en place un Conseil de sécurité nationale (MGK), qui verra ses pouvoirs s’accroître après les coups d’État de 1971 et, surtout, de 1980. Composé des hauts-commandants de l’armée et de membres du gouvernement, son instauration marque le début de l’autonomisation de l’armée turque et de son emprise politique sur la sphère civile.
- [2] Türgüt Özal fut Premier ministre de 1983 à 1989, puis président de la République de Turquie de 1989 à 1993.
- [3] En référence aux « tigres asiatiques » (Thaïlande, Malaisie, Indonésie, Viêtnam, Philippines).
- [4] Premier ministre et président de l’AKP de 2014 à mai 2016, Ahmet Davutoglu est d’abord conseiller politique de R. T. Erdogan de 2003 à 2009, puis ministre des Affaires étrangères de 2009 à 2014. Son essai, La profondeur stratégique, publié en 2001, pose les bases de la nouvelle politique étrangère turque.
- [5] Président du Parti de la prospérité (RP), Necmettin Erbakan devient Premier ministre en 1996. Il se voit cependant contraint de démissionner en 1997 sous la pression des militaires, qui le jugent dangereux pour la nation, en raison notamment de son anti-laïcisme.
- [6] Le terme de « Turcs blancs » fait ici référence à ce que Jana J. Jabbour appelle « l’homo kemalus », laïc, occidentalisé et républicain. À l’inverse, les « Turcs noirs », principalement originaires d’Anatolie centrale, correspondraient à une frange plus pieuse de la société, plus traditionnaliste, plus conservatrice (pp. 66-67).
- [7] En 2009, à Davos, à l’occasion d’un débat public sur les conséquences de l’offensive israélienne contre la bande de Gaza, R. T. Erdogan fait éclater sa colère face au modérateur qui cherche à clore la discussion, en demandant à plusieurs reprises une minute pour répondre à Shimon Peres. Au-delà des faits, le Premier ministre turc redore son blason et s’impose comme un leader faisant front à Israël.
- [8] À partir de 2008, des enquêtes menées par la police et relayées par la presse révèlent l’existence d’un réseau infiltré dans l’État, « Ergenekon », accusé de fomenter des actions criminelles pour déstabiliser le pouvoir et créer les conditions d’un nouveau coup d’État militaire. Ce réseau serait constitué de magistrats, universitaires, journalistes, hommes politiques et officiers militaires à la retraite. Le gouvernement AKP procède à des vagues d’arrestations de grande ampleur et les procès s’étendent sur plusieurs années. De même, en 2010, l’affaire « Balyoz » met en cause l’institution militaire pour tentative de déstabilisation du régime.
- [9] R. T. Erdogan est élu avec 51,79 % des voix, devant Ekmeleddin Ihsanoglu avec 38,44 % et Selahattin Demirtaş avec 9,76 %.
- [10] La réforme de la Constitution, appuyée par le vote majoritaire de la population, implique la suppression du poste de Premier ministre ; le président nommera désormais directement les ministres et pourra, entre autres, dissoudre le Parlement et être membre d’un parti politique.
- [11] Pendant de nombreuses années, les gülenistes étaient associés au pouvoir, avant de devenir ses ennemis à partir de 2013.
- [12] Le « reis » (chef) est le nouveau surnom attribué à R. T. Erdogan par ses partisans.