Quels sont les domaines de coopération franco-nigérians ?

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  • Le point de vue de Philippe Hugon, directeur de recherche à l’IRIS, en charge de l’Afrique

    Le point de vue de Philippe Hugon, directeur de recherche à l’IRIS, en charge de l’Afrique

François Hollande est le seul président occidental invité à la cérémonie du centenaire de la création du Nigeria. Pour quelles raisons le Nigeria a-t-il choisi d’inviter la France ? Quel est l’historique des relations entre la France et le Nigeria ?

Par le passé, les relations entre la France et le Nigeria ont été relativement faibles puisque la dernière visite d’un président français au Nigeria date de 1999. On note évidemment un rapprochement entre les deux pays, pour deux principales raisons. La première raison relève du domaine sécuritaire. Il existe des intérêts communs pour lutter contre les actions djihadistes ou terroristes, telles que Boko Haram au Nigeria ou les groupes djihadistes présents dans l’arc sahélo-saharien. D’autre part, le Nigeria est intervenu militairement aux côtés de la France lors de l’opération Serval et a collaboré à la libération des otages français par des groupes proches de Boko Haram, en liaison avec le Cameroun. La deuxième raison est que la France recherche un rapprochement économique avec le Nigeria. En effet, la politique française repose sur la volonté de diversifier son économie, processus dit de « diplomatie économique », qu’elle souhaite appliquer au Nigeria, alors qu’il est sur le point de devenir le premier pays d’Afrique en termes de produit intérieur brut. D’ailleurs Laurent Fabius, grand défenseur de la diplomatie économique, est présent sur place aux côtés de François Hollande. Enfin, le Nigeria est très riche en ressources naturelles dont la France a besoin, notamment pétrolières et gazières.

Une rencontre économique est organisée regroupant une cinquantaine de chefs d’entreprises nigérians et français. Quels en sont les principaux enjeux ?

L’enjeu majeur est évidemment le fait que le Nigeria est la plus grande puissance émergente d’Afrique de l’Ouest, qu’actuellement sa population est de 170 millions d’habitants et que son niveau de revenu est relativement élevé du fait de ses ressources naturelles. Il constitue donc un marché porteur. Il existe beaucoup de projets d’investissements au Nigeria ; la France peut se positionner notamment dans les domaines de l’agroalimentaire, de la distribution, des infrastructures, des nouvelles technologies de télécommunication, etc. D’ailleurs, les grands groupes français sont, en partie, déjà présents sur place. Comme le Nigéria souhaite diversifier ses partenaires, la France peut saisir cette opportunité. Et puis, évidemment, la France a des besoins énergétiques très élevés, et souhaite avoir la possibilité de bénéficier des exportations nigérianes. On pourrait ainsi voir apparaitre des accords de coopération ou des investissements tout à fait profitables pour les entreprises françaises.
La visite du président français est-elle l’occasion de renforcer la coopération, surtout en matière de sécurité, dans un pays déstabilisé par l’insurrection de Boko Haram ? Le Nigeria n’est-il pas dépassé par la situation ?
La France possède un très bon service de renseignement, qui complète celui des Etats-Unis, un allié fidèle du Nigeria. Elle peut donc apporter son appui dans ce domaine. D’autre part, la France intervient dans la lutte contre les groupes djihadistes, et l’on sait que Boko Haram a étendu aujourd’hui sa sphère d’influence hors du Nigeria, même s’il est essentiellement concentré dans une lutte interne. Boko Haram menace également les intérêts pétroliers qui existent dans la région du delta du Niger, zone dans laquelle la France possède un service de renseignement, des forces spéciales et un déploiement militaire qui peut favoriser l’émergence d’une coopération sécuritaire. Jusqu’à présent, le Nigeria avait été assez réticent à l’intervention d’une ancienne puissance coloniale en Afrique de l’Ouest, notamment en raison des tensions en rapport avec la zone franc, mais nous assistons aujourd’hui très nettement à un jeu coopératif.