Pourquoi Emmanuel Macron a-t-il attendu dix-sept jours après l’offensive du Hamas pour se déplacer en Israël ?
Au départ, il a certainement voulu voir l’évolution de la situation. Ensuite, il était difficile pour lui de se déplacer en Israël en même temps que le président américain puisqu’il y a une sorte de priorité, les Etats-Unis étant un acteur majeur dans la région.
Pour autant, il était difficile pour Emmanuel Macron de ne pas y aller. Notamment en raison des liens avec Israël et parce qu’il y a des Français parmi les otages du Hamas. Bien que la France n’a aucune relation ou de contact direct avec le Hamas, donc la libération des otages ne dépend pas directement d’elle. Et je ne suis pas sûr que les éventuelles pressions sur Israël puissent être efficaces pour obtenir un comportement plus mesuré de leur part, qui soit dans le respect du droit international.
En résumé, c’est un voyage qu’Emmanuel Macron est obligé de faire pour éviter qu’on se dise que la France est absente d’un conflit majeur, alors qu’elle est membre du Conseil de Sécurité de l’ONU. Même si le pays est moins actif sur le dossier israélo-palestinien depuis longtemps, et son poids dans la région n’est pas aussi fort qu’avant. C’est indispensable d’y aller pour exister, mais il faut rester modeste sur ce qu’il peut obtenir.
Emmanuel Macron a répété vouloir faire ce déplacement seulement si cela permettait d’« obtenir des éléments utiles » pour la région. Que peuvent-ils être ?
Dans le meilleur des cas, il peut avoir une influence sur l’attitude du gouvernement israélien par rapport à la suite du conflit et obtenir la libération d’otages français.
Mais on sait très bien qu’Israël écoute très peu la France. Si ce sont des questions de sécurité qui sont en jeu, Israël agit en fonction de ses impératifs. Ils peuvent éventuellement faire attention à ce que disent les Etats-Unis, mais ni la France, ni les Européens n’ont réellement d’influence sur le comportement d’Israël quand il s’agit de paix et de guerre. Le président peut au moins tenter d’éviter une opération massive israélienne dans Gaza qui mettrait en danger la vie des otages.
Concernant ces prisonniers détenus par le Hamas, leur libération ne pourra passer que par des intermédiaires qui parlent au groupe islamiste palestinien, donc l’Egypte ou le Qatar. Peut-être qu’Emmanuel Macron a obtenu des garanties de la part de ces pays pour que sa visite coïncide avec la libération d’otages.
Concernant l’aide humanitaire, le président peut-il obtenir davantage que le passage de l’aide internationale vers la bande de Gaza par l’Egypte ?
Israël peut être de plus en plus en difficulté s’il ne laisse pas rentrer l’aide humanitaire, qui est demandée par toutes les agences onusiennes, même si Israël ne se préoccupe pas fortement des préconisations de l’ONU.
En effet, cela pourrait occasionner un problème d’image pour Israël, et surtout pour les pays occidentaux alliés d’Israël, si la catastrophe humanitaire annoncée se déroulait parce que l’aide humanitaire n’a pas été envoyée. Les Occidentaux craignent que leur image dans le monde arabe et musulman soit endommagée s’ils apparaissent comme étant les complices d’une crise humanitaire.
Est-il envisageable qu’Emmanuel Macron se déplace dans un autre pays qu’Israël, en Egypte ou au Liban par exemple ?
Si Emmanuel Macron ne se rend qu’en Israël, ce voyage paraîtrait comme déséquilibré. Il faut au moins qu’il aille dans un pays arabe, pour respecter l’attitude traditionnelle diplomatique de la France sur le conflit israélo-palestinien. C’est une sorte d’obligation diplomatique pour que ce voyage soit considéré comme pouvant amener une accalmie et une aide humanitaire, et ne soit pas seulement un voyage de soutien à Israël.
La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, s’est rendue samedi en Israël, suscitant de nombreuses critiques…
En tout cas, son déplacement a été présenté comme étant déséquilibré. Peut-être qu’Emmanuel Macron aura à cœur de rétablir un certain équilibre et d’apparaître comme étant le partenaire non seulement des Israéliens, mais aussi des Palestiniens.
Propos recueillis par Richard Godin pour L’Obs.