L’arrivée prévisible de François Hollande au pouvoir ne pourrait au contraire que lancer un nouveau cycle. L’entente entre Angela Merkel et Nicolas Sarkozy était plutôt factice et souvent circonstancielle.
On était dans la mise en scène permanente du couple franco-allemand, jusqu’à irriter outre-Rhin. La relation franco-allemande a souffert de cette absence de sobriété. Nicolas Sarkozy était considéré comme versatile. Pour les Allemands, le discours de Villepinte où il a remis en cause les dispositions de Schengen a été un choc. Tout comme son discours du 15 avril sur la BCE. En demandant à la Banque centrale européenne de se mettre au service de la croissance, Nicolas Sarkozy a brisé un pacte informel avec Angela Merkel. Or, si le débat mérite d’être ouvert, il ne faut pas oublier que, notamment du fait de l’histoire, la relation franco-allemande a besoin de stabilité et de confiance.
Il y a eu au départ un malentendu sur le terme de « renégociation ». Outre-Rhin, on pensait que François Hollande voulait mettre à bas le traité alors que son souhait est de ne pas enfermer l’Europe dans le carcan de l’austérité et donc de réorienter, rééquilibrer fortement ce texte par des dispositions en faveur de la croissance et de l’emploi. De même, certains ont cru qu’il ne voulait pas vraiment rétablir l’équilibre des finances publiques, ce qui est faux. François Hollande n’a cessé de dire qu’il faudrait atteindre l’équilibre en 2017. En vue de l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy, voulant éviter une crise avec Angela Merkel, a entériné un pacte inspire à 80% par l’Allemagne. Mais plusieurs pays de TUE n’en veulent pas sous cette forme. Même Angela Merkel, après Mario Draghi, le patron de la BCE, a affirmé la nécessité de prendre en compte la dimension de la croissance et envisagé un agenda sur ce sujet. Le chancelier autrichien a évoqué également la création d’un fonds pour la croissance. Les lignes bougent. Cette évolution est liée au débat lancé par François Hollande.
Le déséquilibre économique entre la France et l’Allemagne a engendré un déséquilibre politique. Sur les cinq dernières années, la croissance cumulée de l’Allemagne a atteint 8,6%, contre 5,6% pour la France. A partir de 2010, l’écart s’est même creusé. Ce décrochage n’est pas sans lien avec la désindustrialisation et la perte de parts de marché de la France en Europe et dans le monde. L’industrie pèse 25% du PIB allemand, contre 14% du PIB français. Forte de ces résultats, l’Allemagne a développé un modèle économique. Sa diplomatie a diffusé le concept de « culture de la stabilité » qui, appliqué à l’Europe, s’opposerait à une « union de transfert ». L’Allemagne a beaucoup œuvré pour réduire son déficit public et tend à vouloir transposer son modèle. Or les autres pays de l’Union européenne, notamment la France, n’ont pas la même tradition économique.
La relation franco-allemande demeure une priorité de la diplomatie allemande mais elle n’est pas exclusive. L’Allemagne a aussi le regard tourné vers la Chine, la Russie et les Etats-Unis. Une partie des élites françaises peine à saisir sa nouvelle identité: elle ne se pense plus seulement comme une puissance européenne mais comme une puissance mondiale. Les intérêts qu’elle défend ne sont plus seulement européens. D’ailleurs, la part des exportations allemandes dans I’UE décroît. Elle était de 64% en 2005 et elle n’est plus que de 59,4%.
L’élection de François Hollande serait l’occasion d’un rééquilibrage au sein de la relation franco-allemande, d’un nouveau souffle. La modernisation du traité de l’Elysée de 1963 peut en être un marqueur en relançant la coopération culturelle, universitaire et industrielle entre les deux pays. Il faut aussi innover: pourquoi le ministre de l’Economie français ne présenterait-il pas son budget au Bundestag et le ministre allemand le sien à l’Assemblée nationale ? Il est nécessaire de construire un partenariat équilibre reposant sur la confiance d’un duo dont l’Europe a besoin .