Tous les regards portent aujourd’hui sur les événements au Moyen-Orient. Cependant, dans une autre partie du monde, le conflit le plus meurtrier depuis la Seconde Guerre mondiale continue de ravager la République démocratique du Congo (RDC). Depuis plus de quinze ans, groupes rebelles et forces gouvernementales s’affrontent dans une guerre sans vainqueur, dont le grand perdant est sans nul doute la population congolaise. Les attaques violentes contre les civils et les viols sont devenus la norme. Des violations inqualifiables des droits de l’homme sont commises chaque jour en toute impunité.
La communauté internationale a dépensé une fortune pour essayer d’améliorer cette situation. Depuis 2006, les États donateurs ont alloué au pays plus de 14 milliards de dollars d’aide à travers de vastes programmes d’assistance. Les résultats sont toutefois très faibles. La RDC occupe en effet la dernière place au classement des Nations unies suivant l’indice de développement humain, et le peuple congolais continue de souffrir.
Pourquoi l’impact d’un tel investissement est-il si marginal? Principalement parce que le gouvernement congolais n’assure pas la sécurité de sa population. Les problèmes considérables auxquels font face les Congolais – des déplacements prolongés, tueries et viols de masse au commerce illégal de minerais et à une économie brisée – ne pourront être résolus tant que l’insécurité ne sera pas traitée. Les progrès réalisés dans des secteurs essentiels tels que l’éducation et la santé sont trop souvent anéantis par des massacres continus. Il est indispensable de s’engager sérieusement à protéger les civils contre toute forme de violence, et à en faire la priorité no 1.
L’armée, la police et le pouvoir judiciaire congolais ne sont pas en mesure de mener à bien cette tâche. En plus d’être désorganisés, de manquer de ressources et de compétences, ils sont directement responsables de certains des pires abus des droits humains. L’armée est l’auteur d’une grande partie des crimes commis à l’encontre des civils: il est urgent de restructurer solidement ce secteur. Le problème réside dans le manque d’intérêt du gouvernement congolais à entreprendre des réformes exhaustives. À l’inverse, sa politique n’a fait que soutenir les officiels responsables de violations des droits humains. Des individus accusés de crimes de guerre ou de graves exactions se sont vu protéger et promouvoir au sein de l’armée. Les membres corrompus de l’armée et du gouvernement, qui se servent sur le salaire des soldats et exploitent illégalement les ressources minières du pays, restent impunis.
Une solution existe néanmoins. Le gouvernement congolais, avec la volonté politique nécessaire et le soutien de la communauté internationale, peut réformer l’armée afin qu’elle bénéficie de ressources adéquates, qu’elle s’organise et rende des comptes et devienne ainsi capable de protéger les civils. Il est urgent de faire émerger cette volonté. Suite aux récentes élections entachées d’irrégularités en RDC, les États-Unis et d’autres bailleurs réévaluent leurs programmes d’aide. Le président Kabila cherche à renforcer sa légitimité internationale. L’assistance fournie par les donateurs étrangers équivaut presque à la moitié du budget annuel de la RDC. L’Union européenne et les États-Unis devraient conduire la communauté internationale à conclure un nouvel accord avec la RDC, qui impose des conditions et critères clairs pour mesurer les progrès réalisés dans la réforme de l’armée, en contrepartie d’une assistance et d’une reconnaissance durables. Ces conditions pourraient inclure le respect des droits humains par l’armée congolaise, la révocation des individus faisant obstruction aux réformes, et des progrès dans la mise en œuvre d’un plan de réforme militaire. Si les États donateurs agissent ensemble de manière cohérente, ils bénéficieront d’une influence considérable. Les bailleurs clés, notamment la Chine, l’Angola et l’Afrique du Sud, doivent soutenir cette initiative afin de former un front international uni concernant la situation en RDC.
Trop d’argent a été gaspillé, trop de sang a coulé pour ne pas saisir dès aujourd’hui cette opportunité.