A l’étranger, il bénéficie d’un soutien populaire qui rendrait jaloux les plus appréciés des présidents en exercice. Où qu’il se rende, ses tournées sont de véritables évènements, et les foules se pressent pour venir le voir et l’écouter. En Europe occidentale, il est présenté comme le dernier espoir d’une relation transatlantique qui a tant souffert des divisions de ces dernières années. Et en Asie, il est connu de tous, et ses discours sont systématiquement traduits et s’arrachent dans les librairies. Jamais sans doute un président américain en exercice n’a été autant plébiscité dans le monde que Barack Obama. Et l’Obamania ne s’arrête pas aux populations. Ses homologues s’inspirent de son style, cherchent à apparaître à ses côtés, ou encore saluent son sens de la mesure. Le Comité Nobel lui décerne le Prix Nobel de la Paix moins d’un an après son entrée en fonction, séduit par ses discours en faveur d’un monde exempt d’armes nucléaires… La liste est longue des honneurs auxquels Barack Obama a eu droit, et qui contrastent cruellement avec le rejet presque systématique dont faisait l’objet George W. Bush avant lui.
La popularité internationale d’Obama est à biens des égards irrationnelle, et repose sur son exceptionnel charisme, mais elle se justifie également par ses actions. Son bilan plaide ainsi plutôt en sa faveur. En moins de deux ans, il est parvenu à faire accepter par le Congrès son plan de relance, sa loi sur la régulation financière, la réforme du système de santé. Sur la scène internationale, il a décidé la fermeture de Guantánamo et relancé les négociations directes entre Israël et les Palestiniens du Fatah. Enfin, il a effectué, dans les délais annoncés lors de sa campagne victorieuse, le retrait des troupes en Irak, tout en annonçant un départ échelonné en Afghanistan.
Et pourtant, les élections mi-mandat vont très certainement être un échec pour le président américain, les Démocrates étant mis en difficulté dans de multiples scrutins locaux, au point qu’il est possible que le parti de l’âne perde sa majorité dans l’une des deux chambres (même si de tels pronostics sont très hasardeux). Aux Etats-Unis, sa côte de popularité est médiocre, et n’a cessé de baisser en près de deux ans à la Maison-Blanche. On pourrait dès lors se demander pourquoi les Américains n’aiment pas leur président, pourtant si populaire dans le reste du monde.
Les difficultés à sortir de la crise économique semblent bien évidemment apporter des réponses à l’essoufflement de la côte de popularité d’Obama. Pour de nombreux américains, les attentes étaient sans doute trop grandes, et ils réalisent aujourd’hui qu’entre promesses de campagne et réalités politiques, il y a parfois un décalage. Mais les électeurs savent que deux ans est une période trop courte pour juger les résultats de la politique de relance de leur président, et ils savent également que si la reprise tarde à se concrétiser par le relance de l’emploi, la crise a malgré tout été stoppée, ce qui est en soi une prouesse déjà remarquable. Il y a bien entendu des déçus d’Obama, qui attendaient des miracles, mais dans l’ensemble, les Américains savent que les responsables de la crise sont plus à trouver du côté des dérégulateurs républicains, tandis que leur administration a engagé des réformes aussi nécessaires qu’attendues.
On reproche également parfois à Obama son côté trop « cérébral », qui en fait un président modéré, qui ne privilégie pas une rhétorique aux accents populistes, et s’entoure des meilleurs experts avant de prendre la moindre décision, au risque de donner l’impression de se montrer hésitant dans ses jugements. Une attitude qui contraste très nettement avec son prédécesseur et qui, si elle suscite l’admiration du reste du monde, agace parfois aux Etats-Unis.
Il y aurait donc un paradoxe Obama, entre un bilan plus que respectable et une popularité en berne. Ce paradoxe est effectivement bien réel, mais il convient cependant de le mesurer. A bien des titres, les élections mi-mandat ne sont pas le grand test tant de fois annoncé de la popularité du président américain, mais un scrutin un peu à part, qui a ses propres logiques. Des logiques d’abord locales, bien entendu, sur lesquels je ne reviendrai pas ici, mais des logiques également électorales. Il en effet important de tenir compte de certains facteurs qui, s’ils n’expliquent pas la faible popularité d’Obama, peuvent permettre de comprendre le caractère particulier des élections mi-mandat aux Etats-Unis. En voici une liste, non exhaustive :
– De manière quasi systématique, les élections mi-mandat se traduisent par une sorte de vote sanction à l’encontre de l’Administration. Bush avait vu sa majorité se renforcer en 2002, mais c’était dans un contexte très particulier (l’obsession sécuritaire avait occulté toute forme de critique de l’Administration), et les deux partis étaient quasiment à égalité avant cette élection, le scrutin de 2000 n’ayant pas permis de départager, c’est le moins qu’on puisse dire, Démocrates et Républicains. Mais dans l’ensemble, et à de rarissimes exceptions près, le parti au pouvoir subit un revers qui se traduit par une baisse de sa majorité, quand cette dernière n’est tout simplement pas renversée.
– Cette année, les Démocrates sont dans une situation qui rend quasi impossible un renforcement de leur majorité dans les deux chambres. Leur avance à la Chambre des représentants et au Sénat est telle depuis 2008 qu’il était d’avance prévisible que les Républicains gagneraient du terrain, même sans avoir à faire campagne. On peut même considérer qu’avec une telle majorité, un renforcement du camp démocrate relèverait d’un exploit historique.
– Au Sénat, où un tiers des sièges sont en jeu, si l’élection de 2008 était d’avance perdue pour les Républicains, en raison du nombre important e sièges qu’ils mettaient en jeu, c’est cette fois au tour des Démocrates d’être plus facilement exposés. Il est hautement probable que la majorité démocrate sorte effritée de ce scrutin. En revanche, la Chambre des représentants renouvelle, comme c’est le cas tous les deux ans, l’ensemble de ses sièges, et les incertitudes sont donc nettement plus grandes.
– Comme ce fut le cas en 2008, et dans la plupart des élections précédentes, les électeurs indépendants vont jouer un rôle primordial dans le résultat de ce scrutin. Reste à savoir de quel côté ils pencheront cette fois.
– Même interrogation en ce qui concerne la mobilisation des électeurs. L’une des grandes victoires d’Obama en 2008 fut sa capacité à mobiliser l’ensemble des électeurs démocrates, et plus de convaincre la majorité des indépendants. En participant à la campagne, avec notamment un discours dans l’Ohio (Etat qui est toujours déterminant), le président américain a cherché à mobiliser les électeurs, comme il l’a fait il y a deux ans. Ce scrutin aura valeur de test en la matière.
– Enfin, et je reviendrai sur ce point dans un prochain article, il n’existe pas à l’heure actuelle de véritable alternative à Obama dans le camp républicain. Dans ces conditions, il ne faut pas tirer de leçons hasardeuses d’une éventuelle « victoire » des Républicains pour prédire la déroute d’Obama à l’élection présidentielle qui se déroulera dans deux ans. Avant lui, Bill Clinton avait essuyé un revers très violent en 1994 (et en rien comparable à ce qui attend les Démocrates dans quelques jours), et était sorti balayé par la vague conservatrice qui avait pris le contrôle des deux chambres du Congrès. Mais cela ne l’avait pas empêché d’être réélu deux ans plus tard.
Les Républicains vont, à coup sûr, renforcer leur position au Congrès à l’issue de cette élection. Vont-ils prendre le contrôle d’une des deux chambres, c’est une possibilité, mais rien n’est acquis. En revanche, pour les raisons évoquées ici il serait erroné de voir dans ce scrutin un rejet de Barack Obama et une déclaration de désamour entre une population et son président. Obama est moins plébiscité qu’il y a deux ans, c’est une certitude, mais il n’est pas pour autant rejeté par les Américains