Alors que le journal Charlie Hebdo publie un numéro spécial « Charia Hebdo », la quasi totalité de ses locaux a été incendiée. Pour Pascal Boniface, directeur de l’IRIS, Charlie stigmatise avant tout une minorité, alors que les Guignols se moquent de tout le monde.
Le propos de Charlie Hebdo réside actuellement dans la dénonciation d’une menace islamiste, et se justifie soit disant par une ligne éditoriale, supposée s’en prendre à tous les extrémistes, y compris catholiques. Or ce discours est biaisé, puisqu’il est impossible de mettre sur le même plan des gens qui sont effectivement des extrémistes, et l’ensemble de ceux qui ont voté pour le parti Ennahdha en Tunisie. Il y a un amalgame entre les salafistes, et un parti légal qui a participé aux élections constituantes tunisiennes.
Charlie Hebdo poursuit sa ligne traditionnelle : penser que l’Islam en tant que tel est une plus grande menace pour la défense des libertés que les autres religions, et qu’il y a une frontière plus mince entre intégrisme et religion musulmane.
Certes, c’est son droit le plus stricte de défendre pareille opinion, et ceci ne justifie en rien qu’on s’en prenne physiquement à leurs locaux. Reste que Charlie Hebdo doit accepter en contrepartie les désaccords politiques qui s’élèvent contre son point de vue.
Enfin, il y a dans Charlie Hebdo, une ligne éditoriale qui n’est plus celle d’antan, beaucoup moins libertaire. La ligne actuelle est plus occidentaliste, avec la croyance mainte fois répétée par Philippe Val que le monde occidental a des valeurs supérieures aux autres civilisations.
Charlie Hebdo, au nom d’une critique de la religion qui se présente comme courageuse, concentre ses attaques sur les musulmans, qui ne sont – institutionnellement – pas en mesure de se défendre. C’est une religion qui est régulièrement stigmatisée, davantage que les autres.
Je ne conteste pas le droit aux critiques portées par Charlie Hebdo, mais je lui reproche le discours justificatif tenu à cet égard. Celui qui assure que sa ligne éditoriale consiste à s’en prendre de la même manière à toutes les religions. Lorsque Philippe Val était à la tête du journal, il s’est illustré par un soutien sans faille à Israël, et l’on peut penser que cette ligne n’a pas été modifiée… Je note que lorsque Siné a été renvoyé de Charlie Hebdo, le principe de liberté d’expression n’a pas prévalu.
Les Guignols de l’Info « tapent » eux sur tout le monde, et équitablement de surcroît. Tout le monde en prend pour son grade. Il n’y a pas ce côté « double standard » qui peut être reproché à Charlie Hebdo, et auquel l’opinion publique semble si sensible. Les Guignols de l’Info axent davantage leur critique sur les puissants, et semblent épargner les plus faibles. Ils ne sont d’ailleurs pas accusés d’orientation particulière dans leur critique des religions et de l’extrémisme.
Les guignols critiquent également les musulmans, et en lisant la Presse, je n’ai pas l’impression que la représentation de l’Islam jouisse d’une quelconque mansuétude. Claude Imbert a pu affirmer qu’il se sentait légèrement islamophobe sans qu’il n’en subisse aucune conséquence. Il y a un réflexe de peur à l’égard de l’Islam, et même si le climat est plus détendu que dans la période 2001-2010, il reste vécu comme étant extérieur à la société occidentale. Ce qui n’est pas le cas des religions chrétiennes et juives.
Oui, tout un chacun est en droit de le faire, et je pense que la critique de la religion musulmane est possible, mais ce que je reproche à Charlie Hebdo, c’est de vouloir se présenter comme un média à la critique universaliste. Alors qu’en réalité, il s’agit de concentrer les critiques sur l’Islam, notamment parce que c’est vendeur. Quant à son approche critique du catholicisme, elle est plus réduite, contenue à la hiérarchie et aux intégristes.
Charlie Hebdo en a le droit, mais qu’il l’assume et ne donne pas le sentiment d’opérer dans le cadre d’une ligne universaliste.