• Interview de [Nicholas Dungan->http://www.iris-france.org/cv.php?fichier=cv/cv&nom=dungan], conseiller spécial à l’IRIS, par Antoine Mouteau

Aux Etats-Unis, six mois avant l’élection présidentielle, la course à la Maison Blanche passe à la vitesse supérieure. Alors que Mitt Romney est pratiquement assuré d’obtenir l’investiture républicaine, Barack Obama entame sa tournée de meetings. Les premières réunions publiques du président sortant se dérouleront ce samedi en Virginie et dans l’Ohio, deux Etats dans lesquels il s’était imposé lors de la présidentielle de 2008.

Antoine Mouteau, ARTE Journal : Les deux premiers meetings de ce 5 mai sonnent le véritable lancement de la campagne de Barack Obama. Sur quelles bases la campagne démocrate commence-t-elle ?

Nicholas Dungan, spécialiste de la politique américaine : La campagne démocrate débute dans une assez grande tranquillité parce qu’il n’y a pas eu les heurts et les divisions qui ont existé du côté républicain. Il est clair que malgré le poids de la politique étrangère chez Obama, la campagne va tourner autour de son score économique. Le président n’a pourtant que très peu d’emprise sur ce domaine.

L’équipe de campagne de Barack Obama s’en prenait mardi à Mitt Romney à qui elle reproche d’avoir détenu un compte en Suisse. Alors que Barack Obama a récemment remis la fiscalité au cœur du débat électoral, Mitt Romney, pratiquement assuré d’obtenir l’investiture républicaine, serait-il finalement l’adversaire rêvé pour le président sortant ?

L’adversaire rêvé pour Obama aurait été quelqu’un, comme Newt Greenwich, qui a tendance à dire des choses tout à fait inouïes. Mais Mitt Romney est une caricature de l’Américain peu préoccupé par le social, qui a réussi financièrement et qui ne se préoccupe guère des autres. Effectivement sur le plan idéologique, il y a le contraste qu’Obama a fait l’autre soir au dîner pendant lequel il faisait des plaisanteries devant la presse de la Maison blanche. Obama a dit que Mitt Romney était un snob. Il insiste sur le fait que c’est un riche, très éloigné des préoccupations de l’Américain moyen.

Barack Obama bénéficiait au lendemain de son élection d’une très importante côte de popularité. Où en est-on aujourd’hui ?

Il est tombé en dessous des 50 % et il y est resté depuis un certain temps. Mais la question tourne moins autour de la côte de popularité. Il y a des gens qui détestent viscéralement Barack Obama et qui considèrent que c’est un « socialiste européen », etc. Il faut savoir qu’il y a des Américains qui croient dur comme fer en un modèle économique, politique et international des Etats-Unis dont d’autres considèrent que le temps est révolu. Ces derniers sont d’avis qu’on ne peut pas être interventionniste, qu’on ne peut pas s’en tenir à un modèle social et qu’il faut vraiment redonner de l’emploi par des incitations gouvernementales. C’est là que la cote de popularité d’Obama est moins importante que sa capacité à faire contraste entre lui-même et Mitt Romney, par sa personnalité et son positionnement politique.

Vers quel type d’électorat Barack Obama s’oriente-t-il désormais ?

Il essaye de se tourner vers les jeunes, d’être cool, c’est pour cela qu’il a fait un peu de jazz, vendredi soir à la télévision. Mais fondamentalement, ses électeurs se trouvent vers les côtes, les électeurs de Romney, eux, sont à l’intérieur. Ce contraste est de plus en plus marqué aux Etats-Unis. Obama devra, par conséquent, cultiver son électorat habituel et le faire voter. C’est le grand problème aux Etats-Unis car il y a, par exemple, beaucoup moins de gens qui vont voter qu’en France. Il faut aussi comprendre le système électoral américain, Etat par Etat. Contrairement à la France où la voix de chaque électeur est égale à la voix de tout autre électeur, ici le système est celui du collège électoral où généralement une majorité de grands électeurs dans un Etat donnent toutes les voix de cet Etat. On est obligé de se concentrer sur l’électorat final dans la circonscription marginale, souvent sur un thème marginal. Il peut s’agir du droit de porter des armes dans un comté au fin fond de la Pennsylvanie, du mariage gay dans un comté de la Floride ou de l’avortement chez les chrétiens fondamentalistes dans l’Ohio comme dans le sud. Aux Etats-Unis, on a tendance à cultiver les électeurs par petites communautés et par communautés d’intérêt, plutôt que par grandes masses politiques comme c’est le cas en France où on voit, au cours de sa campagne, Nicolas Sarkozy cultiver les électeurs du Front National. S’il y a une population à laquelle Obama doit faire appel, c’est bel et bien les jeunes pour qu’ils se mobilisent et aillent voter, car les jeunes ne voteront pas pour Mitt Romney.