• Tribune de [Pascal Boniface->http://www.iris-france.org/cv.php?fichier=cv/cv&nom=boniface], directeur de l'IRIS

Le moins que l’on puisse écrire est que l’on n’a pas été envahi par les débats sur la politique étrangère au cours de cette campagne électorale. Les sujets stratégiques en dehors des périodes de crises internationales et/ou de guerre ne sont pas au centre des débats. Ils sont néanmoins présents.

Il s’agit après tout d’élire celui qui sera le chef de notre diplomatie et de nos armées qui incarnera le pays à l’étranger. Cette année, à l’instar de ce que l’on a déjà vu en 2007, ils ont été ignorés. Le débat de mercredi soir – si le sujet est abordé- ne suffira pas à rattraper ce déficit.

Nicolas Sarkozy et François Hollande ont-ils une conception différente des relations internationales et de la place de la France dans le monde ? Leurs conceptions ne sont pas aux antipodes l’une de l’autre mais des différences existent.

Nicolas Sarkozy en 2007 avait fait campagne sur le thème de la rupture qui concernait également la politique étrangère de la France. Celle-ci n’a finalement pas eu lieu. Il n’y a pas eu de rupture fondamentale avec le gaullo-mitterrandisme, mais des inflexions. Nicolas Sarkozy n’a cessé de proclamer l’appartenance de la France au monde occidental et la priorité de l’alliance avec les Etats-Unis. Sous la Ve République, aucun autre président ne l’avait fait avec autant de vigueur et de constance. Il est peu probable que François Hollande en fasse de même, car il estime que c’est trop réducteur.

Le premier grand rendez-vous sera le sommet de l’OTAN, le 20 et 21 mai, il y sera question d’Afghanistan et de bouclier antimissile. Sur l’Afghanistan, il y a un accord entre les deux candidats sur la nécessité du retrait des troupes françaises. La différence est dans le calendrier, beaucoup plus rapide chez Hollande, adaptée au rythme des États-Unis chez Sarkozy. Si François Hollande a dit ne pas remettre en cause la réintégration de la France dans l’OTAN, il hésitera moins à faire valoir la différence de la France. Il devrait marquer son opposition sur l’idée d’un bouclier antimissile. Obama s’y est rallié sur la pression du complexe militaro-industriel, alors qu’il doutait de son utilité, de son efficacité et de son financement. Ce bouclier est contraire à l’idée de dissuasion et relancerait la course aux armements. Hollande pourrait à cette occasion retrouver la posture de Mitterrand face à la guerre des étoiles de Reagan.

Sur le Proche-Orient les deux candidats ont les mêmes principes : garantir la sécurité d’Israël, reconnaître un État palestinien peu ou prou dans les frontières de 1967, et le partage de Jérusalem. Considéré comme plus pro-israélien que son concurrent (il a obtenu 83 % des suffrages des Français établis en Israël au premier tour de l’élection présidentielle), Nicolas Sarkozy a pourtant déclaré faire de la création d’un État palestinien une priorité pour un éventuel second mandat. Mais comment y parvenir ? La France a décidé d’avoir de bonnes relations bilatérales avec Israël, quel que soit l’état du processus de paix. Ceci ne date pas de l’élection de Nicolas Sarkozy, mais d’un tournant pris peu après la guerre d’Irak par Chirac et Villepin.

On peut ajouter que les relations sont également indépendantes de la nature politique du gouvernement israélien. Il y a des débats internes très vifs dans l’équipe de François Hollande pour savoir s’il faut ou non maintenir cette position. Sur l’Europe, François Hollande a insisté sur la priorité donnée à la relance de la croissance. Les différences de style comportent également des différences de fond, Nicolas Sarkozy est plus un homme de "coups", François Hollande est plus un homme de synthèse. Nicolas Sarkozy agit comme un avocat qui traite les dossiers les uns après les autres, avec énergie mais sans nécessairement faire un lien entre eux. François Hollande agit plus comme un architecte qui prend plus de temps pour bâtir une conception d’ensemble.

Le combat électoral, où l’islam et l’immigration ont beaucoup été mis en avant, n’a pas contribué à grandir l’image de la France, non seulement dans les pays musulmans ou africains, mais également chez nos partenaires occidentaux. S’il est réélu président, Nicolas Sarkozy devra faire face aux conséquences des déclarations qu’il a faites comme candidat. Si François Hollande est élu, l’une de ses priorités devra être de tourner cette page. Dans un monde globalisé où l’image est devenue l’un des facteurs principaux de puissance, comment la France veut-elle apparaître au reste du monde ?