• Interview de [Pascal Boniface->http://www.iris-france.org/cv.php?fichier=cv/cv&nom=boniface], directeur de l’IRIS, par Colombe Dabas

Le procureur ne s’est pas laissé émouvoir. La peine capitale a été requise hier contre l’ex-président égyptien Hosni Moubarak, qui a une nouvelle fois comparu hier allongé sur une civière en raison de son état de santé. L’ancien raïs, âgé de 83 ans, est accusé de meurtres lors de la répression du printemps arabe, et de détournements de fonds. La date du verdict n’est pas encore connue. Pascal Boniface, directeur de l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris), décrypte pour Metro les enjeux de ce procès.

Que penser de cette réquisition de la peine capitale à l’encontre de Moubarak ?

Pour un Européen, cette condamnation est forcément choquante. Dans notre culture, peine de mort ne rime pas avec démocratie. Ce sentiment est alimenté par les images du procès qui sont véhiculées. Hosni Moubarak s’affiche faible, accablé sur un lit d’hôpital. Cette vision laisse à penser qu’il n’est pas en mesure de se défendre. Et que, donc, le procès n’est pas juste. En ce sens, la pei-ne semble excessive. Elle suscite un certain malaise. On a l’impression d’avoir affaire à une vengean-ce plutôt qu’à une véritable justice.

Pourtant Moubarak est le seul dictateur déchu du printemps arabe à comparaître en personne devant les tribunaux…

Les Egyptiens ont en effet engagé une procédure démocratique. La chute de Moubarak est une avancée pour le pays et sa place est, sans conteste, devant les tribunaux. Mais il ne faut pas qu’il soit condamné à mort. Cela laisserait le sentiment que le gouvernement offre la tête du raïs au peuple égyptien pour masquer d’autres problèmes. Car, depuis la chute de la dictature, même si la liberté d’expression a été instaurée, les manifestations, les contestations et la répression continuent. Les autorités actuellement en place ont, en quelque sorte, trouvé une façon rapide de se laver les mains.

La reconnaissance par la justice des crimes commis durant la révolte traduit-elle la victoire du printemps arabe ?

La condamnation ne confine pas à la victoire. Pour que cette révolution porte réellement ses fruits, il faudrait que tous ceux qui ont collaboré à la dictature soient jugés.