La mort du leader iranien, Ebrahim Raïssi et du ministre des Affaires étrangères Hossein Amir Abdollahian dans un crash d’hélicoptère le 19 mai aura-t-elle un impact sur la politique menée par Téhéran au Moyen-Orient ?
Non, ou du moins, très peu puisque dans le système politique iranien en place depuis la Révolution, les grandes orientations du pays sont d’abord décidées par le guide suprême Ali Khamenei et ses conseillers. Le président applique ses directives. Il pourrait y avoir éventuellement un changement dans la manière dont les directives seront appliquées, mais la politique régionale de l’Iran et le soutien à l’axe de résistance est au cœur de l’idéologie défendue par le guide et le courant qui le soutient.
Des changements pourraient également se produire concernant les relations entre Téhéran et l’Occident en lien avec le dossier du nucléaire iranien. Nous verrons en fonction de la personnalité qui sera élue lors des élections présidentielles à la fin du mois de juin. L’élection d’un profil « plus ouvert et pragmatique » que l’était par exemple Ebrahim Raïssi, faciliterait les futures négociations ou celles en cours sur ce dossier et donc avec l’Occident.
Les relations du système politique iranien avec une partie de la société seraient aussi différentes parce qu’il y a quand même un vrai problème de légitimité depuis le mouvement de protestation de 2022. Mais je pense que la politique de l’Iran au Moyen-Orient ne changera pas.
Pour vous, le régime iranien n’est donc pas fragilisé par la mort du leader et du ministre des Affaires étrangères ?
Oui. Il faut faire attention à certaines déclarations qu’on entend parce que dans le cas de l’Iran, il y a souvent une instrumentalisation du discours. Il faut absolument montrer que le régime est fragilisé ou renforcé. Mais, il est clair que dans n’importe quel pays, que ce soit en France ou aux États-Unis, la disparition du président de la République et du ministre des Affaires étrangères dans un accident est un choc politique. L’Iran ne fait donc pas exception.
Et encore une fois, les grandes orientations de la République islamique d’Iran sont basées sur les décisions du guide suprême et son administration. D’ailleurs, je remarque qu’il y a 80 candidats à l’élection présidentielle, soit deux plus que la dernière fois. Sa disparition est un choc, mais cela ne changera pas vraiment les orientations fondamentales de la République islamique d’Iran.
Des élections présidentielles anticipées vont se tenir le 28 juin. Qui a le plus de chances de succéder à Raïssi ?
Pour l’instant, nous n’en savons rien parce que 80 candidats se sont déclarés. Ensuite, vous avez dans le système politique iranien le Conseil des gardiens qui est une institution qui va jouer un rôle clé dans les élections présidentielles et législatives parce qu’il valide ou non les candidatures. Un examen des candidatures effectué selon des critères très flous puisqu’il y a des candidats qui sont refusés une fois et acceptés par la suite. Personne ne sait réellement ce qu’il va arriver.
Cependant, même si on ne connaît pas encore les décisions du Conseil des gardiens, un certain nombre de candidats se dégagent. On parle beaucoup de Saïd Jalili, dont le profil ressemble à celui de Raïssi. Il incarnerait une forme de continuité. Le nom de Mohammad Qalibaf circule également. Il vient d’être élu chef du parlement iranien et a récemment annoncé sa candidature à l’élection présidentielle.
Il y aussi Ali Larijani, qui est un conservateur un peu plus modéré que le courant qui soutient Raïssi. Enfin, l’ancien vice-président iranien Es’haq Jahangiri, au profil plutôt réformateur a aussi fait savoir qu’il sera candidat.
Nous sommes quasiment certains que les candidatures de Saïd Jalili et Mohammed Qalibaf vont être confirmés par le Conseil des gardiens. Reste à savoir ce que va décider le Conseil pour les candidats plus modérés comme Ali Larijani et Es’haq Jahangiri.
Pour le moment, aucun apaisement entre l’Iran et Israël n’est possible ?
C’est le moins que l’on puisse dire. Dans ses premiers discours politiques dans les années 1960, l’ayatollah Khomeini, qui était inconnu, reprochait déjà au Shah ses relations avec Israël. Ce n’est donc pas nouveau. L’opposition radicale à Israël est au cœur de l’idéologie au pouvoir en Iran et encore plus dans le courant qui défend la supériorité du religieux sur le politique qui a vraiment pris le pouvoir dans le pays depuis 2020 sous l’instigation d’Ali Khamenei.
Propos recueillis par Julian Herrero pour The Epoch Times.