Les milieux sportifs européens sont aujourd’hui confrontés à ce fléau qui fait déjà des ravages en Asie.
Des scandales de corruption dans le milieu sportif se multiplient à nos frontières, des masses phénoménales d’argent circulent, des professionnels tirent la sonnette d’alarme… A l’heure où les paris sportifs se banalisent sur Internet, faut-il en avoir peur? Depuis leur libéralisation en France en mai 2010, l’Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel), chargée de détecter toute anomalie, est confrontée à sa deuxième alerte sérieuse.
Après un match de Ligue 2 en avril dernier, qui fait toujours l’objet d’une enquête de police (lire l’encadré), l’Arjel vient de confirmer qu’elle s’intéresse de très près à Bastia – Sochaux (4-1), un match de Coupe de France du 7 janvier .
Et ces deux cas pourraient n’être que l’arbre qui cache la forêt. « Ce n’est pas parce que nous n’avons pas à ce jour de cas de corruption avéré qu’il faut en déduire qu’il ne se passe rien », confirme Jean-François Vilotte, le président de l’Arjel, qui appelle de ses vœux la création d’un outil de surveillance internationale et une harmonisation des différentes législations.
Car la France, qui vient de créer le délit de corruption sportive et dont la réglementation stricte est érigée en exemple, est loin de pouvoir tout contrôler. La compétence de l’Arjel s’arrête aux frontières hexagonales. Or, comme le souligne le récent livre blanc* publié par l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques), en matière de corruption sportive, le défi est immense et mondialisé.
Grâce à leur avènement sur Internet, les paris sportifs, légaux ou non, ont explosé (près de 200 Mds€ de mises par an). Les mafias du monde entier y ont vu le moyen idéal de blanchir leur argent et de le faire fructifier en manipulant des matchs et en pariant dessus. Après l’Asie et les Balkans, où la corruption est telle que les stades sont désormais vides, l’Europe est la nouvelle cible de ces mafias. Le procès qui se tient en ce moment à Bochum, en Allemagne, sur « la plus grande affaire de corruption dans l’histoire du sport européen », comme le qualifie le rapport de l’Iris, en est l’illustration : les 320 matchs truqués (dont 33 internationaux, y compris en Ligue des champions et lors de qualifications pour le Mondial 2010) l’ont été dans une dizaine de pays européens, avec à la manœuvre un gang des Balkans qui pariait à travers un site asiatique…
« Il n’y a quasiment aucun contrôle en Asie. Il faudrait être idiot pour manipuler un match et parier dessus en France », insiste un fin connaisseur du milieu, pour qui des doutes subsistent sur le match Zagreb – Lyon (1-7) de décembre dernier. L’Arjel avait pourtant enquêté. « Tout ce que nous avons dit, c’est qu’il n’y a pas eu d’anomalie… sur le marché français », poursuit Jean-François Vilotte.
Et le football n’est pas seul en cause. Conscient du problème, le Comité international olympique (CIO) a pris des recommandations début février et envisage la création d’une agence mondiale. « A terme, la mort du sport est programmée si les autorités sportives et publiques ne se mobilisent pas », prévient le rapport de l’Iris.