Marine Le Pen veut incarner une version moderne du Front national, loin des clichés fascisants dont son père, Jean-Marie Le Pen, était porteur. Fini les provocations verbales et les dérapages antisémites dont son père était coutumier. Marine Le Pen veut incarner une extrême droite respectable, «soft»
Ses déclarations comparant les prières des musulmans dans les rues de certaines villes françaises à l’Occupation pendant la Seconde Guerre mondiale ont provoqué la surprise, un tollé. Aurait-elle tombé le masque par inadvertance ? Devant le flot de critiques contre ses déclarations, Marine Le Pen se défend en disant qu’elle dit tout haut ce que les citoyens pensent tout bas.
Elle peut à bon droit jouer la surprise. Ses déclarations anti-musulmans sont en fait dans la logique de son projet de modernisation du Front national. Dans la représentation d’un corps étranger qui ne serait pas intégrale en France, les musulmans ont tout simplement remplacé les juifs. Jean-Marie Le Pen était antisémite, Marine Le Pen est islamophobe : il n’y a pas rupture mais continuum. C’est le changement dans la continuité
On entend et on cite aujourd’hui, sur les musulmans, le même type d’arguments que l’on réservait aux juifs dans les années 1930. Ils ne sont pas comme nous, ils font peser un danger sur la République. Ils ont un plan secret pour imposer leur loi. Leur religion est incompatible avec notre société. Ils ne seront jamais français et resteront étrangers, et ce quelle que soit la mention figurant sur leur passeport.
Dans les années 1930, même s’il en avait la nationalité, un juif n’était pas considéré comme tout à fait français. Aujourd’hui, cet argument est servi pour les musulmans. Le racisme et le discours haineux d’exclusion persistent, seule la cible a changé.
Les déclarations de Marine Le Pen sont, par ailleurs, moins isolées qu’il n’y paraît. Elle est loin d’être la seule à tenir un discours d’exclusion ou de suspicion à l’égard des musulmans. D’autres, sous couvert de défense de la laïcité, tiennent des discours qui, pour être moins violents que celui de Marine Le Pen, ne créent pas moins un sentiment général de méfiance à l’égard des musulmans. Des leaders politiques et des intellectuels qui se disent de gauche, des médias se présentant comme progressistes, volontairement ou involontairement, tiennent des discours de stigmatisation des musulmans. Mais pour masquer leur racisme, ils se cachent derrière la défense de la laïcité.
L’image de l’islam est souvent associée au terrorisme à l’extérieur et à la délinquance à l’intérieur. Le musulman modéré, trop souvent, doit être modérément musulman Trop souvent, il devient radical aux yeux de certains s’il veut pratiquer son culte, un musulman modéré doit manger du porc, boire de l’alcool et ne pas croire en Dieu sinon il est associé à l’islamisme radical et est donc un terroriste potentiel. On peut être contre le port du voile islamique dans les espaces publics, mais est-il raisonnable de décrire la femme qui le porte comme faisant partie d’un complot consistant à tester les capacités de résistance de la République et de la laïcité française ? Si elles étaient mises en danger par quelques cas isolés, elles seraient bien fragiles. Après Le Protocole des sages de Sian qui présentait les juifs comme complotant pour imposer leur pouvoir, n’est-on pas en train de faire «le protocole des sages de Médine» ?
Les télégrammes diplomatiques de l’ambassade américaine révélés par WikiLeaks dénotent une fine analyse politique sur les difficultés de la France a intégrer sa minorité musulmane. II s’agit d’un défi majeur pour l’équilibre de notre société. Enjeu fondamental également pour lui permettre de continuer d’exercer un rayonnement qui dépasse son seul poids démographique et économique.
La diversité peut et doit être un atout, tant sur le plan interne qu’international, et non un handicap.