• Analyse de Maxime Pinard, chercheur à l’IRIS

La crise économique et financière qui sévit depuis bientôt plus de quatre ans a mis l’Europe sur le devant de la scène médiatique, révélant aussi bien ses faiblesses connues de tous que ses forces, ô combien sous-estimées.

Accusée de tous les maux, l’Europe est jugée responsable par la vindicte populaire et politique de l’augmentation des prix, de la baisse de la compétitivité française, de la perte de rayonnement de la France aux niveaux européen et international.

Elle se révélerait en outre coupable d’inaction, ou de réactions trop tardives et souvent peu efficaces sur le moyen terme. Certes, il y a une part de vrai dans ces critiques, mais il ne faudrait pas tomber dans le piège qui consisterait à voir dans l’Europe le problème majeur, alors que cette entité unique en son genre pourrait bien être un élément clé d’une solution à la crise actuelle.

La première puissance économique au monde

Rappelons s’il en est besoin que l’Union européenne demeure la première puissance économique au monde, alors même qu’elle a plus été touchée que les autres puissances du Nord et du Sud. Sa monnaie, l’euro, décriée par beaucoup, a permis d’éviter à de nombreux Etats de ne pas dévaluer pour relancer de façon artificielle leur économie et de trop décrocher par rapport à leurs partenaires économiques.

Ses failles structurelles demeurent toutefois, le mécano institutionnel complexe visant à respecter la souveraineté des Etats tout en octroyant des pouvoirs décisionnels aux instances européennes brouillant les cartes et ralentissant les initiatives qui exigent pourtant de la réactivité.

Une Europe qui n’a pas été définie

Le problème est qu’en vérité, les dirigeants européens n’ont jamais clairement choisi à quelle Europe ils aspiraient. Les partisans d’une Europe des Etats s’affrontent avec les défenseurs du fédéralisme, chacun faisant de petites concessions à l’autre, tant et si bien qu’à la fin l’Europe s’assimile plutôt à un Janus aux deux visages. Il est en outre de "tradition" de la part des dirigeants de mettre l’échec de leurs politiques sur le dos de l’Europe, jouant habilement autour de l’équation caricaturale mais efficace : "Nous n’y pouvons rien. C’est Bruxelles qui décide !".

Il est vrai qu’une part conséquente de notre législation dépend de Bruxelles mais y voir un frein à plus de marge de manœuvre reviendrait à prendre le problème à l’envers. La crise actuelle n’est pas nationale, mais européenne principalement.

La résorber demande donc des solutions à un niveau transnational, avec une mutualisation des efforts de tous les pays concernés, aussi bien ceux qui subissent de plein fouet les conséquences de la crise (Grèce, Portugal…) que ceux qui pour l’instant semblent épargner, l’Allemagne en tête. C’est l’entraide et la solidarité qui doivent guider les Etats membres, les stratégies nationales devant se fondre dans un ensemble de synergies dans des secteurs

Or, il est assez surprenant de constater le manque de solutions transnationales proposées par les candidats à l’élection présidentielle, alors que ce sont justement celles-là qui seraient les plus efficaces. L’Europe, bien qu’imparfaite, a permis à des Etats de ne plus se faire la guerre, à des peuples de prospérer pendant plusieurs décennies, à circuler librement… Elle est observée par le monde entier mais dédaignée par ses représentants…

Un manque de solutions de la part des candidats

Cette schizophrénie se vérifie particulièrement dans les discours des candidats qui se disent européens voire européistes, alors qu’ils sont souvent les premiers à s’écarter de l’idéal européen. Ils s’affichent avec des leaders européens tout en prenant soin de ne pas paraître trop éloignés du peuple, ce qui évidemment n’a strictement rien à voir.

La pauvreté du débat de la campagne présidentielle, marqué avant tout par une absence effarante de "solutions neuves", devrait faire réfléchir davantage nos décideurs politiques. Sans doute devraient-ils penser davantage "Europe et International", le débat n’en serait que plus intéressant.

Au lieu de cela, il est question de la France, mais sous l’angle du protectionnisme et de ce qui nous différencie, alors qu’il eut été bien plus intelligent et constructif de voir ce qui nous rassemble. La place des idées d’extrême-droite, aussi dangereuses qu’inapplicables, n’est pas anodine… Au final, c’est l’idéal européen qui périclite, et avec lui le sort de plus de 450 millions de citoyens.