Au lendemain de l’offensive du Hamas contre Israël, les prix des produits énergétiques, notamment ceux du gaz, ont connu un début de tendance haussière. Quelles en seraient les conséquences sur le marché gazier et pétrolier si elle venait à durer ?

La guerre entre Israël et le Hamas a déjà fait monter fortement les prix du gaz et ceux du pétrole. Vendredi dernier, en fin de journée, le prix du Brent de la mer du Nord a terminé la journée à près de 91 dollars le baril, alors que le West Texas Intermediate (WTI) clôturait à près de 88 dollars le baril.

Là encore, les marchés redoutent une extension du conflit, des sanctions économiques renforcées contre l’Iran, un grand pays pétrolier, ou des frappes contre l’Iran, ce qui ferait chuter les exportations de brut de ce pays. Le Moyen-Orient, c’est presque 50% des réserves prouvées mondiales de pétrole et les opérateurs sur les marchés (traders) sont donc logiquement nerveux. Plus que la durée du conflit, ce qui aura un impact fort sur les prix du pétrole et du gaz, c’est la concrétisation ou pas des scénarios sur l’extension de la guerre à d’autres acteurs et l’implication de l’Iran. Si aucun de ces scénarios ne devient une réalité, l’impact haussier de cette guerre sur les prix sera moins fort. Nous sommes donc face à beaucoup d’inconnues.

Ce sont beaucoup plus les prix du gaz, et non pas du pétrole, qui ont connu une augmentation significative. Quelles en sont les raisons ?

Les prix du gaz naturel ont effectivement fortement augmenté depuis une semaine. Si l’on prend l’exemple des prix de gros du gaz en Europe sur le marché TTF (Pays-Bas), on constate une hausse d’environ 19 euros par MWh entre le 5 et le 13 octobre, soit +53% environ. La guerre entre Israël et le Hamas est la principale explication de cette hausse, et ce, pour trois raisons : Israël est un pays producteur et exportateur de gaz ; le gouvernement israélien a ordonné la fermeture du champ gazier de Tamar, en Méditerranée orientale, dès le début du conflit ; et les marchés redoutent une extension de la guerre dans une région, le Moyen-Orient en l’occurrence, qui contrôle environ 40% des réserves prouvées mondiales de gaz. Autre élément important : un gazoduc reliant la Finlande et l’Estonie à travers la mer Baltique a été sérieusement endommagé et il est probable que ce ne soit pas un accident. On pense évidemment aux impacts du conflit en Ukraine et tout le monde a à l’esprit les attaques contre les gazoducs Nord Stream 1 et 2 à la fin septembre 2022.

L’Europe, qui subit les conséquences de ces perturbations du marché gazier, a décidé en 2022 de ne plus s’approvisionner en gaz russe. Qu’en est-il aujourd’hui ?

L’Union européenne (UE) a pris cette décision au printemps 2022, mais sa réalisation demande un peu de temps. Les 27 pays membres ont besoin de quelques années pour atteindre complètement cet objectif. Mais, dès 2022, les importations de gaz russe par l’UE ont fortement baissé, parce que l’UE a commencé à les réduire, parce que la Russie a serré le robinet du gaz et parce que les gazoducs Nord Stream 1 et 2 ont été sabotés. Les résultats ont été rapides et spectaculaires,  puisque la Norvège est devenue l’an dernier le premier fournisseur de gaz de l’UE, alors que la Russie l’était jusqu’en 2021. La part de la Russie dans les importations gazières de l’UE a été divisée par trois, entre 2021 et le premier semestre 2023. Et il n’y a pas de pénurie de gaz en Europe, parce que l’UE a trouvé du gaz ailleurs et parce que sa consommation gazière a baissé de 13% en 2022.

Dans quelle mesure l’Algérie pourrait-elle compenser la baisse de l’offre gazière et devenir une nouvelle source de cette énergie pour l’Europe ?

L’Algérie est un exportateur de gaz vers l’UE depuis des dizaines d’années. Dès le printemps 2022, l’Algérie et l’Italie ont signé un accord gazier en vue de plus de livraisons de gaz algérien via le gazoduc Transmed (Algérie-Tunisie-Méditerranée-Italie). Le gaz algérien contribue donc à la diversification des approvisionnements gaziers européens. Mais la capacité de ce pays à exporter plus de gaz vers l’Europe est limitée à court et moyen terme. Le facteur-clé pour de futures exportations est donc l’accroissement de la production, puisque Sonatrach doit évidemment satisfaire en priorité les besoins croissants du marché national. Il faut donc de nouvelles découvertes et de nouveaux développements. Sonatrach et ENI ont signé, faut-il rappeler, en mai 2022 un protocole d’accord pour accélérer le développement de champs gaziers découverts en Algérie.

L’UE, quant à elle, doit aller chercher également du gaz aux Etats-Unis, au Moyen-Orient, en Afrique, en Norvège, en Azerbaïdjan et même en Australie.

 L’Algérie accueillera le 7e Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du Forum des pays exportateurs de gaz (GECF) en mars 2024. Selon vous, quelle importance revêt cet évènement ?

Le Forum des pays exportateurs de gaz (GCEF en anglais) comprend actuellement 13 pays membres et 7 pays observateurs, dont plusieurs des plus grands producteurs et exportateurs de gaz. Le Forum estime qu’il contrôle environ 70% des réserves de gaz et 42% des volumes de gaz commercialisés dans le monde. C’est donc très important, mais il ne s’agit pas d’une Opep du gaz naturel. Le Forum ne prend pas de décisions sur la production et les exportations de ses membres, et n’a donc pas un impact sur le marché mondial du gaz et sur les prix de cette source d’énergie, comme c’est le cas pour l’Opep-Opep+.

Entretien réalisé par Lyes Mechti pour Horizons.