Alors que le bilan humain s’alourdit, la question d’une intervention militaire en Libye est clairement posée. Didier Billion, chercheur à l’Iris, estime que la communauté internationale n’est pas prête.
Tout est possible, mais je pense qu’elle ne se produira pas. Il faudrait pour cela que les membres du Conseil de sécurité de l’Onu vote à l’unanimité une résolution dans ce sens et aujourd’hui on en est très loin. La France a réaffirmé par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, qu’elle y était opposée. La Russie et la Chine, qui sont des membres permanents du Conseil de sécurité, n’ont pas non plus pour habitude d’être en faveur de ce type de réaction.
S’il y a une intervention, à mon avis elle sera unilatérale et ne pourra pas se faire dans le cadre du Conseil de sécurité. Les Etats-Unis pourrait très bien invoquer le droit d’ingérence au nom de la "responsabilité de protéger", notion qui existe depuis 2005 dans la charte de l’Onu. Reste qu’il s’agira d’une action hors cadre du Conseil de sécurité. Mais je vois mal les Etats-Unis reproduire l’erreur de l’invasion de l’Irak. À l’époque, Barack Obama, alors élu de l’Etat de l’Illinois, s’était prononcé contre le déclenchement d’une guerre contre Saddam Hussein. Je ne vois pas pour quelles raisons il s’y risquerait aujourd’hui.
Les Américains font un peu de posture. Ils manoeuvrent sur le canal de Suez pour intimider et montrer qu’ils sont présents dans la région. D’un point de vue psychologique, c’est aussi un signe d’aide donné aux insurgés libyens. Cette présence navale au large, même immobile, peut contribuer à rassurer les populations en butte à la répression du régime.
Les Américains ont d’ailleurs clairement invité à la prudence.
Si l’on met en œuvre une zone d’exclusion aérienne, on entre de facto dans une situation de guerre ce qui n’est, encore une fois, pas souhaité par la communauté internationale.
Et surtout, à ce stade, je ne crois pas que les Libyens réclament une aide extérieure. De ce que je sais, il n’y a pas eu de demande formelle de leur part, d’autant plus qu’il n’y a pas encore d’autorité reconnue à l’Est. Politiquement on en n’est pas là.
Et puis il ne faut pas oublier, que les différentes guerres dans le monde arabo-musulman ont laissé des séquelles et que le sentiment anti-américain reste présent. Les Etats-Unis sont toutefois pour l’instant épargnés par les critiques des peuples qui se soulèvent.
En revanche, s’il doit y avoir une opération humanitaire sous une protection militaire, elle se fera aux frontières avec la coordination de l’Egypte et de la Tunisie, voire avec la Libye. Là ce n’est qu’une question de logistique.