Quelle lecture faites-vous de la réunion de l’Opep et ses alliés et de la décision qui en a découlé ?
La réunion du 4 juin de l’OPEP+ (23 pays) a été difficile car les pays de cette alliance ont voulu traiter plusieurs questions complexes : que faire en 2023 ? Que faire en 2024 ? Et comment réviser les bases à partir desquelles on calcule les réductions de production ? Ce troisième point a d’ailleurs failli faire échouer cette réunion ministérielle. Mais, finalement, les trois questions ont été traitées, ce qui n’allait pas de soi. Les décisions ont été assez prudentes avec une touche d’originalité. Et l’unité de la coalition a été maintenue. C’est un résultat significatif.
Pourquoi l’OPEP a maintenu sa production pour 2023 et a décidé de n’appliquer les coupes qu’à partir de 2024 ?
Le niveau de production actuel est maintenu en 2023 mais l’Arabie Saoudite réduira volontairement sa production de 1 million de barils par jour (Mb/j) en juillet et, peut-être, au-delà. Rappelons que les réductions de production OPEP+ décidées avant le 4 juin (y compris les baisses volontaires décidées par certains pays) totalisent 3,7 Mb/j environ et qu’elles s’appliquent jusqu’à la fin 2023 (il y a souvent une différence entre ce qui est annoncé et ce qui est réalisé). L’Agence Internationale de l’Energie (AIE) estime que la demande pétrolière mondiale devrait augmenter plus fortement que l’offre en 2023, ce qui pourrait provoquer des tensions sur le marché au second semestre de cette année. Il est donc raisonnable de ne pas réduire davantage l’offre en 2023. Par ailleurs, le fait que l’OPEP+ annonce déjà des réductions de production en 2024 est une façon de donner une visibilité plus grande aux marchés pétroliers. Cela montre également que l’OPEP+ a quelques inquiétudes sur la situation économique mondiale en 2024.
Peut-on dire que finalement c’est l’Arabie Saoudite qui a le plus influé sur cette réunion puisqu’il y a eu décision de réduction ?
L’Arabie Saoudite est actuellement le second producteur de pétrole dans le monde après les Etats-Unis et le premier producteur au sein de l’OPEP+ devant la Russie. Elle est aussi le premier exportateur mondial de brut. Son poids sur le marché pétrolier et, donc, au sein de l’OPEP et de l’OPEP+ est considérable même si chaque réunion est un exercice qui demande un grand sens du compromis car il faut arriver à l’unanimité. Le 4 juin, une fois de plus, le ministre saoudien de l’Energie a joué un rôle majeur.
L’Algérie a annoncé qu’elle maintient sa réduction de 48 000 b/j. Quel commentaire en faites-vous?
Pas de surprise. L’Algérie fait partie des huit pays OPEP+ qui ont annoncé en avril des réductions de production volontaires qui doivent s’appliquer entre mai 2023 et la fin 2023. Il n’y avait donc pas de changement à attendre sur ce point au cours de la réunion du 4 juin.
Comment les marchés vont-ils réagir par rapport à cette décision issue de cette réunion ?
Les résultats de la réunion ont poussé les prix à la hausse. En début de matinée à Londres aujourd’hui (hier,  ndlr), le prix du Brent (contrat d’août 2023) a progressé et a dépassé les 78 dollars par baril, en hausse de 2 dollars par rapport à vendredi dernier. L’OPEP+ a donc réussi sa mission à très court terme puisque son intention était clairement de faire monter les cours du pétrole. Il faudra bien sûr un peu plus de recul pour voir ce qui se passera dans les prochaines semaines et les prochains mois.

 

Propos recueillis par Lyes Mechti pour Horizons.