Malgré les sanctions internationales, le régime syrien, soutenu par ses alliés, est toujours debout. Dans le même temps, les négociations avec la Ligue arabe tentent de permettre une sortie de crise. Le point avec Didier Billion, chercheur et spécialiste du Proche-Orient.
Depuis huit mois, le régime syrien poursuit la répression contre les manifestants qui a fait 4000 tués selon l’ONU. Face à ce constat, les régimes occidentaux et arabes ont pris des sanctions afin d’étouffer économiquement le régime. Sous pression, Bachar el-Assad prétend vouloir sortir de cette crise en négociant avec la Ligue arabe. Les explications de Didier Billion, chercheur à l’Iris, rédacteur en chef de La Revue internationale et stratégique et spécialiste du Proche-Orient.
Le régime syrien a l’habitude d’être plutôt dilatoire, et donc on ne peut se faire trop d’illusions. Dans le même temps, il ne faut pas sous-estimer l’accord signé par Damas.
La situation en Syrie est la suivante: en interne, il n’y a pas d’affaiblissement de la mobilisation, mais le régime d’Assad continue de posséder une base sociale. Il y a en fait une sorte de statu quo. Or, cet accord est un signe d’avancée.
Il y a en fait un processus d’évolution en Syrie: les avancées de la Ligue arabe peuvent être utiles pour mettre fin au massacre. Pour l’heure, même si les ultimatums sont repoussés, les décisions de la Ligue des Etats arabes peuvent être utilisées comme un levier pour aller plus loin. C’est pourquoi les pays occidentaux suivent de près les décisions de la Ligue arabe qui peuvent les aider dans la mise en oeuvre de nouvelles initiatives.
Les sanctions internationales sont rarement suivies d’effets. Regardez Saddam Hussein. Il n’a pas mis genou à terre dans les années 90 alors que l’ONU exerçait des sanctions contre son pays -après l’invasion du Koweït-. Le régime syrien a encore de la réserve.
50 % des exportations syriennes se font en direction des pays arabes ou de la Turquie. Ceci étant, malgré ces sanctions, il y a toujours le soutien de la Russie, de la Chine, de l’Iran et de quelques pays arabes (le Liban, l’Irak, le Yémen et dans une autre mesure l’Algérie). Ces pays peuvent très bien contrebalancer les effets des sanctions, en aidant davantage la Syrie. La semaine dernière, la Russie a livré des armes à la Syrie.
Le pire pour l’élite économique, c’est le chaos. Et c’est ce qui se passera si Bachar el-Assad tombe. Mais si la crise se poursuit et que les sanctions touchent durement l’économie syrienne, on peut arriver à un désordre similaire. La situation actuelle fait que l’élite est dans un entre-deux: on est dans la période qui peut précéder le basculement.
Par ailleurs, il n’y a pas de guerre civile dans le pays hormis à Homs. Le régime surveille de près sa classe aisée comme son armée et Damas sait que si l’un des deux piliers tombe, le régime s’écroulera.
Ce message s’adresse d’abord à la population syrienne. Il y a eu des défections dans l’armée qui sont réelles ainsi que des attaques de locaux des services de renseignements ou du parti Baas. Il s’agit donc de montrer que l’armée est unie et qu’elle défend les intérêts du peuple. Ensuite, bien sûr, il y a un message vers la communauté internationale. Même si Damas a conscience qu’une intervention internationale n’est pas à l’ordre du jour.