Quelles seraient donc les conséquences d’une rupture des relations franco-turques? Chercheur à l’institut de relations internationales et stratégiques (’IRIS), Alican TAYLA est spécialiste de la Turquie et de son environnement géopolitique, il a accepté de répondre à nos questions.
Ankara a vivement réagi à l’adoption en première lecture jeudi 22 décembre d’une proposition de loi pénalisant la négation du génocide arménien. Cette dernière a déja annoncé le gel de sa coopération politique et militaire avec la France et annoncé que d’autres mesures seraient prises, notamment économiques.
Déjà il faut rappeler que les tensions Franco-turques ne datent pas d’aujourd’hui. Déjà en 2005, la demande d’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne (UE) avait suscité un débat houleux dans la société française entre les partisans et les opposants à la candidature. En 2007, Nicolas Sarkozy s’était clairement exprimé contre l’adhésion de la Turquie à l’UE ce qui a jeté un froid entre Paris et Ankara une fois qu’il est devenu Président de la République.
Par ailleurs les seules sanctions qui viennent d’être adoptées sont le rappel de l’ambassadeur de Turquie en France et la suspension d’accords militaires. Il n’y a pas lieu donc d’amplifier la crise qui ne s’installera pas de manière durable. Les deux pays ont trop d’intérêts en commun : la Turquie poursuit son adhésion à l’UE, les deux pays sont des alliés stratégiques et surtout les aspects économiques ne permettent pas au deux États de suspendre leurs liaisons. L’organisation patronale turque le TUSIAD a déjà fait savoir qu’elle ne participera pas à un boycott des produits français. Les intérêts stratégiques militaires et économiques sont trop importants entre les deux pays pour que la Turquie mette réellement ses menaces à exécution.
Les conséquences seraient désastreuses pour les deux camps. Même si la Turquie a beaucoup plus à perdre que la France. Les deux pays ont énormément d’intérêts communs: ils sont tout les deux membres de l’OTAN, ils ont un partenariat militaire qui bénéficie aux deux Etats et la France est un investisseur important en Turquie. De plus si la Turquie est une puissance montante au Moyen-Orient elle n’a pas renoncé à l’adhésion à l’UE.
Il y a deux raisons qui quelques part sont liées aux enjeux politiques de la prochaine élection: la première s’inscrit dans une logique de continuité pour Nicolas Sarkozy dont la loi était une proposition qui date de sa campagne en 2007. Le président s’était alors engagé à légiférer sur ce sujet et il le fait à quelques mois de la prochaine élection. Ce n’est donc pas du tout un hasard de calendrier si cette proposition de loi arrive aujourd’hui. L’élection présidentielle est indéniablement la première motivation de la majorité pour faire adopter ce projet par l’Assemblée. La seconde raison profondément liée à la première c’est l’ancrage de la communauté arménienne admirablement ancrée dans la société Française et au sein des deux partis majoritaires. Les Arméniens constituent en France un lobby assez puissant.