En annonçant deux ans et demi avant le scrutin sa candidature pour 2022, Marine Le Pen balaie les doutes sur d’éventuelles rivalités au sein de son parti. Mais son empressement paraît presque suspect…

S’il s’agissait de balayer l’hypothèse d’une rivalité d’investiture avec Marion Le Pen, l’affaire était déjà entendue: l’heure de Marion viendra après 2022, si elle vient. Pour l’instant, face à Emmanuel Macron, dans un climat social qui voit le libéralisme économique contesté et où la droite n’est pas encore explosée, Marine Le Pen a l’avantage. Ce d’autant plus qu’elle n’aura aucun mal à faire avaliser sa candidature par le congrès du RN en 2021.

Un empressement suspect? Pas nécessairement. Il y a une franchise, dans cette annonce, qui peut lui profiter: si elle est la candidate naturelle du parti, et elle est considérée comme telle par les Français, inutile de faire un faux suspense. D’autre part, il me semble intelligent de sa part de se déclarer avant que LR, très probablement, se refasse une santé aux municipales en conservant ses bastions locaux. Quoi qu’il arrive, le RN, même s’il gagne des villes ne sera pas en situation de gérer autant de grandes et moyennes communes que la droite conservatrice ou libérale. Enfin Marine Le Pen sait qu’elle part de plus loin que ses principaux rivaux en termes de crédibilité présidentielle, qui reste son talon d’Achille. Elle sait qu’elle a un déficit programmatique à combler, en particulier sur l’économie. Cela nécessite un travail, en interne, qu’il n’est pas trop tôt d’entamer tout de suite.

S’agit-il également d’une manœuvre destinée à réveiller son parti, souvent décrit dans la presse comme moins actif qu’à ses grandes heures ?

C’est aussi cela. En outre, les municipales mobilisent moins ses militants que la «mère des batailles». On l’a vu dimanche dernier: à l’applaudimètre de la convention sur les municipales, son discours, pourtant novateur, sur le localisme, la dé-métropolisation et l’aménagement du territoire ne suscite pas l’enthousiasme. La salle commence à réagir lorsqu’elle aborde les questions de sécurité et d’immigration. Dire que le RN est probablement moins actif qu’à son moment le plus favorable des années 1990-2000 est probablement exact. Ceci étant son nombre d’électeurs rapporté à celui des militants donne un ratio plus favorable que jamais et meilleur que celui de tous les autres partis excepté LREM.

L’ancienne candidate malheureuse aux deux scrutins présidentiels précédents veut-elle également montrer à ses adversaires qu’elle sera cette fois mieux préparée que jamais ?

Certainement. La limite de l’exercice est qu’elle n’aura probablement jamais la même maîtrise technique des dossiers que le président Macron et qu’en 2017, son attitude lors du débat l’a au moins autant desservie que le contenu de ce qu’elle disait. Ceci étant, si elle est toujours improbable, sa victoire n’est plus impensable. L’exacerbation des tensions sociales, la fracture entre la France des élites et le peuple, l’impression de beaucoup de citoyens que la maîtrise technocratique des enjeux n’est que le paravent de l’impuissance à changer de paradigme, c’est-à-dire en fait à «renverser la table», peuvent lui donner sa chance.

A-t-elle tourné définitivement la page du fiasco de l’entre-deux tours en 2017 ?

Si c’est elle et elle seule qui a payé comptant ce fiasco, qu’il faut relativiser au vu de son score record, elle n’en était pas seule responsable. Le meilleur des candidats ne peut faire qu’avec ce que son appareil de campagne lui apporte: des groupes de travail thématiques, un maillage territorial militant, une garde rapprochée réaliste dans son appréhension du rapport de force électoral et performant dans la préparation de la candidate. Marine Le Pen a tourné la page dans sa tête mais cela ne suffit pas. Surtout si LR adoube un candidat crédible et rassembleur, auquel cas le duel Le Pen-Macron deviendra un vrai combat à trois.