• Par [Pascal Boniface->http://www.iris-france.org/cv.php?fichier=cv/cv&nom=boniface], directeur de l’IRIS

Aux urnes, le monde ! La France, les États-Unis, la Russie, l’Iran, le Venezuela… vont renouveler leurs instances dirigeantes. Pascal Boniface dresse la liste des scrutins à forts enjeux.

Pascal Boniface, qui dirige l’Iris, l’Institut de relations internationales et stratégiques, est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la géopolitique mondiale, dont le dernier en date, Atlas de la France (Armand Colin), a été coécrit avec Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères. Pascal Boniface évoque pour Le Point.fr les scrutins qui suscitent l’espoir, tour du monde atypique de ces élections qui vont marquer la géopolitique mondiale.

1 – Novembre, élections présidentielles américaines : "On en viendrait presque à regretter George Bush"

Il y a une incertitude importante autour de ces élections, bien plus grande qu’en Russie, par exemple. Il est en effet difficile de dire si Barack Obama va entamer, en novembre prochain, un nouveau mandat à la Maison-Blanche. Et l’Amérique garde un poids considérable dans les relations internationales. Compte tenu des programmes développés par les candidats républicains à l’investiture, ce serait, en cas de victoire, un changement total par rapport à la politique d’Obama. On en viendrait presque à regretter George Bush ! Le problème des républicains, ce n’est pas la division actuelle, qui n’est que la raison classique des primaires, mais leur radicalisme. Ils ne semblent pas hésiter à faire usage de la force militaire. C’est une réaction de crispation et de négation, sans aucune remise en cause de leurs erreurs passées. Ils veulent se permettre ce qu’ils faisaient dans les années 1970, sans avoir pris conscience que le monde a changé. On ne peut qu’espérer qu’ils fassent peur à leurs propres électeurs.

2 – Mars, élections présidentielles en Russie : "L’attitude de Poutine est la grande inconnue"

Il est incontestable, au vu de l’évolution de la situation le mois dernier, que les choses bougent : l’opinion publique, que l’on sentait anesthésiée, s’est réveillée. Néanmoins, je pense que Vladimir Poutine passera, les candidats qui sont face à lui, dont Edward Limonov et Mikhaïl Prokhorov, n’offrent pas d’option vraiment différente ou un avenir propre. En revanche, la réelle interrogation est de savoir si Poutine, une nouvelle fois au pouvoir, prendra ou non un nouveau départ. Il pourrait écouter les attentes de la population, notamment sur la lutte contre la corruption. Pour l’instant, il s’est surtout montré ironique face aux protestations. Son attitude par rapport à eux, à l’avenir, est la grande inconnue : soit il reste autoritaire, comme au début des années 2000, ce qui était légitime au vu du développement de la Russie, soit il prend en compte une société qui a changé. Nul doute que cette élection est à suivre avec attention, la Russie ayant repris un poids important sur la scène internationale depuis une dizaine d’années.

3 – Les multiples élections présidentielles en Afrique : "La confirmation de la démocratisation ?"

L’an dernier, il y a eu des scrutins qui ont débouché sur une satisfaction, je pense à la Côte d’Ivoire, et d’autres sur des désillusions, comme au Congo, où l’élection n’était ni sincère, ni ouverte. Globalement, il est quand même intéressant de souligner qu’il y a des progrès récents vers la démocratisation sur le continent. Il y a eu dans ce domaine plus d’avancées en dix ans que sur les quarante années précédentes ! Cette année, ce sera, très vraisemblablement, une confirmation de l’organisation d’élections ouvertes au Mali en avril et au Ghana en décembre. Au Kenya, là aussi en décembre, ce sera l’occasion d’effacer les plaies des violences qui ont suivi l’élection en 2008. Mais, paradoxalement, ces violences faisaient suite à un scrutin serré, lié à la démocratisation, comme jamais le pays ne l’avait connu. Cette année sera l’occasion de confirmer ces avancées. Enfin, au Sénégal, pourtant pays-phare de la démocratie en Afrique, la tentation d’un accaparement du pouvoir par une famille marque le retour de l’inquiétude.

4 – Mars, élections législatives en Iran : "Jusqu’où ira le pouvoir ?"

Les dernières élections présidentielles, en juin 2009, ont créé de nombreux remous dans le pays avec la Révolution verte autour de la candidature d’Hossein Moussavi. Vu que le pouvoir est contesté, il est possible qu’il accroisse la répression. Est-ce que ce sera une nouvelle possibilité de manifester ? Le mécontentement a, il faut le rappeler, été atténué par le fait que le régime joue sur la peur de la crise et menace de faire peur à l’opposition. Les difficultés économiques et l’isolement croissant de l’Iran poussent le pouvoir à des réponses variées. Jusqu’où ira-t-il ? Il faut, de plus, souligner que les Iraniens ont vu, dans le monde, que des régimes contestés ont cédé le pouvoir. La question est de savoir jusqu’à quel point le peuple aura la volonté de se réapproprier sa démocratie.

5 – Mai, élections présidentielles en France : "Les choix de politique internationale peuvent faire la différence"

En 2007, la politique étrangère n’avait presque pas donné lieu à des débats durant la présidentielle. D’un côté, Nicolas Sarkozy n’avait pas intérêt à développer ses thèses atlantistes, alors que Ségolène Royal ne se sentait pas à l’aise dans ce domaine. Il y a eu de grandes évolutions dans le monde, ces dernières années, et connaître le regard des candidats sur les grandes lignes adoptées en matière internationale est intéressant. Car, si on dit que les affaires étrangères ne font jamais gagner une élection, sauf en temps de guerre, c’est un domaine qui peut faire la différence en cas de duel serré. Il y a beaucoup de gens en France très soucieux du regard, négatif ou positif, porté par les autres pays sur l’Hexagone.

6 – Octobre, élections présidentielles au Venezuela : "L’état de santé de Chávez sera déterminant"

Il y a une grande incertitude dans cette échéance électorale : l’état de santé de Hugo Chávez. Son rétablissement, à la suite de son opération liée à une tumeur dans la région pelvienne, est l’interrogation principale de ce scrutin. D’autant que Hugo Chávez, arrivé au pouvoir en 1999, n’a pas de successeur désigné. Il incarne tellement "sa" révolution, "son" système politique, qu’on a beaucoup de mal à concevoir qu’un autre puisse lui succéder. D’ailleurs, il n’a pas fait émerger de personnalité susceptible de pouvoir prendre la suite de sa mandature. Tout repose donc en grande partie sur la forme du président actuel de la république bolivarienne.