• Entretien de [Pascal Boniface->http://www.iris-france.org/cv.php?fichier=cv/cv&nom=boniface], directeur de l’IRIS avec Clémentine Vaysse

Bonjour et bienvenu, est-ce la première fois  que vous venez au Brésil ? Quelles sont vos premières impressions ?

Non, la quatrième fois mais c’est la première fois que je viens à São Paulo. Il est difficile de donner ses impressions au bout de vingt-quatre heures mais il y a le double aspect d’une ville du Sud qui a été construite sans réel plan d’urbanisme et en même temps une ville assez industrielle, très active. On voit bien à São Paulo les deux aspects du Brésil, à la fois les racines d’un pays du Sud et le devenir d’un pays moderne.

Quelle est, selon vous, le poids d’une langue sur le plan géopolitique ?

C’est un élément important parce que de plus en plus les questions stratégiques ne peuvent être réduites aux seules questions militaires ou de puissance pure comme auparavant. Le culturel, les influences prennent une importance qui est beaucoup plus forte. La défense et la promotion de la francophonie est un élément culturel crucial pour tous les pays qui se réclament de cette langue. Je pense surtout que la francophonie a changé d’aspect. Dans le passé, elle avait un caractère un peu défensif pour ne pas dire ringard. Elle se résumait souvent à l’interdiction de parler anglais. Ce qui ne mène pas très loin, il faut savoir accepter la suprématie de la langue anglaise.

Je pense que la francophonie représente autre chose donc il n’est pas question de revenir au temps antérieur au Traité de Versailles où le français était la seule langue diplomatique mais de défendre la diversité culturelle. On défend bien la diversité biologique, je pense que l’on peut également défense la diversité culturelle. Cela ne concerne d’ailleurs pas que les Français, mais de nombreux pays. Il faut avoir une vision ouverte, moderne, offensive de la francophonie et non pas la voir comme un repli.

Quelle est la place de l’Afrique francophone dans la francophonie, n’est-ce pas finalement encore un concept franco-français ?

Je ne réduirais pas la francophonie au fait d’être fier d’être Français. C’est vouloir défendre une langue, une pratique et des habitudes culturelles. Faire en sorte que la mondialisation ne se traduise pas par un rouleau compresseur culturel, que tout le monde pense pareil, dise la même chose. La francophonie c’est accepter la diversité et faire en sorte que celle ci ne produise pas une négation de l’identité française et francophone. La France est évidemment une grande puissance dans la francophonie et en même temps il faut se méfier de cela. Ne pas avoir la tentation, comme cela a pu exister, de résumer la francophonie à la France. Cette erreur a été faite lorsque l’on a voulu faire la réforme de TV5 Monde de façon purement franco-française. Il est important de reconnaître l’apport des autres partenaires, qu’ils soient européens, nord-américains, africains ou asiatiques. Le président de l’Organisation Internationale de la Francophonie ce n’est pas un français, c’est Abdou Diouf qui est sénégalais. Il y a encore de vieux réflexes de franco-français mais cela a déjà changé. Ce n’est plus la chasse aux langues étrangères, c’est fini depuis longtemps.

Comment voyez-vous le Brésil dans dix ans ?

Ce que l’on peut raisonnablement prévoir comme scénario, c’est que la montée en puissance du Brésil qui dure depuis une dizaine d’années, va se poursuivre. Le Brésil a quand même des atouts, il est riche en matières premières mais pas seulement. C’est aussi un pays industriel, dont la diplomatie s’affirme et dont le poids diplomatique internationale est de plus en plus important. Les fondamentaux de son économie sont sains et la lutte contre la pauvreté qu’il a entamé est un modèle pour de nombreux pays du Sud.

C’est un pays qui monte en puissance sans apeurer. Le Brésil est une puissance sympathique, son ascension n’a pas le caractère anxiogène que peut présenter pour certains la montée en puissance de la Chine ou d’autres pays. Le Brésil a un soft power extrêmement important, de part son mode de vie, sa culture, la lutte contre la pauvreté et ses icônes sportives. Le fait de recevoir aussi deux grands événements sportifs est un signe de reconnaissance. À cela s’ajoute la diplomatie brésilienne qui passe souvent pour un courtier honnête dans les grands conflits. Le Brésil a donc énormément d’atouts. Le Brésil est un pays qui représente un espoir d’un Monde qui peut s’améliorer dans les années qui viennent.

Vous avez écrit sur le football, que représente le Brésil pour vous en la matière ?

C’est 98 mais aussi 86, 2011, le 9 février, etc… J’ai longtemps dit que le monde du Football n’était pas multipolaire, qu’il y avait une superpuissance : le Brésil et des puissances moyennes. Aujourd’hui le monde du football s’est multipolarisé. Pendant très longtemps, le Brésil était un nain diplomatique, la France un géant et en football c’était l’inverse. Mais cela s’est rééquilibré. Le Brésil  est le seul pays contre qui la France n’est pas triste de perdre. Qu’est ce qui a changé ? Le football avec la samba étaient les seuls produits d’exportations du Brésil. Le Brésil incarne encore le football et reste la référence absolue en la matière mais ce n’est plus le seul domaine d’excellence pour le pays. D’ailleurs, avant ma prochaine conférence je vais visiter le Musée du Football !