A peine nommé à la succession de son père, Kim Jong-un promet des représailles à la Corée du Sud. Faut-il y voir une menace sérieuse ? Éclairage de Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l’Iris, spécialiste des problèmes stratégiques en Asie.
Le reproche formulé actuellement par Pyongyang concerne la restriction des visites de condoléance à Séoul aux obsèques de Kim Jong-il par la Corée du Sud. En effet, seules deux délégations sud-coréennes ont été autorisées à se rendre de l’autre côté de la frontière.
Combien sont-ils à vouloir assister aux funérailles du Cher leader ? Pas si peu que ça. On doit pouvoir compter en centaines de personnes. Il existe toujours des liens familiaux qui unissent Coréens du Sud et Coréens du Nord. On évoque rarement la diaspora nord-coréenne, elle existe pourtant. On trouve par exemple une grosse colonie au Japon.
Beaucoup de gens ont quitté la Corée du Nord, notamment au moment de la "Sunshine Policy" (2000-2008). On estime donc qu’il y a 1 million de Coréens du Nord en Corée du Sud, mais la plupart sont arrivés au moment de la guerre. Il y a aussi un certain nombre de Sud-Coréens qui travaillent en Corée du Nord.
Pour autant, il n’y a pas vraiment de relations entre les deux Corée. Après la réunification de l’Allemagne, la Corée du Sud a calculé le coût de l’opération. Or, la Corée du Sud, qui n’est pas un pays aussi riche qu’on le croit souvent (moins de 20.000 $ par habitant) pense qu’il n’est pas possible d’intégrer la Corée du Nord qui est encore plus mal en point que l’Allemagne de l’Est à l’époque. De plus, la guerre étant finie depuis plus de 60 ans, les liens familiaux se sont distendus. Mais aujourd’hui on en est à la troisième génération… et l’intérêt pour une réunification des deux Corée a beaucoup baissé.
Les menaces que Kim Jong-un adresse sont probablement à destination interne. C’est un discours que la population doit entendre tous les jours et qu’elle a sans doute intégré depuis longtemps. L’objectif pour le pouvoir en place est d’ostraciser la Corée du Sud dans un premier temps, puis, la régence pourra s’imposer.
La Corée du Nord a perdu son père. Contrairement à ce qu’on peut croire, le peuple qui pleure, ce n’est pas une mise en scène. Dans ce monde coupé des informations extérieures, les Nord-Coréens imaginent que les conditions de vie sont horribles ailleurs. Ils pensent par exemple qu’en Occident, on tire sur les grévistes. Le peuple se sentait protégé par Kim Jong-il et estime que tout son malheur provient de l’extérieur.
Marionnette ou pas, il appartient donc à Kim Jong-un de s’imposer. Il faut qu’il se fasse une image afin que les Coréens puissent cultiver un culte de la personnalité. Une fois que cette première étape sera passée, qu’il sera devenu le Cher leader à son tour, il pourra perpétuer la politique envers la Chine et le Japon.
La Corée du Sud n’a cependant probablement pas grand-chose à craindre dans l’immédiat. On peut attendre une politique de harcèlement envers les gens qui travaillent en Corée du Nord, mais on est loin du torpillage de bateaux, comme c’est arrivé en 2010.
L’armement nucléaire est considéré comme la principale arme de la Corée du Nord. Or, il n’est absolument pas certain qu’ils la possèdent. Leur premier essai, si c’en était bien un, a été totalement raté. Ils pourraient avoir simplement utilisé de l’explosif classique. Le deuxième essai était vraisemblablement un vrai essai nucléaire, mais pas une arme opérationnelle. Il a produit une explosion d’une puissance similaire à cella causée par la catastrophe AZF à Toulouse. Ce n’est cependant pas du tout la même chose de fabriquer une arme nucléaire opérationnelle et de produire une explosion nucléaire.
Mais la Corée du Nord est un pays dont on doit gérer l’imprévisibilité. Ils vivent du chantage. En réalité, une bonne partie de l’alimentation et l’énergie qu’ils possèdent proviennent de l’aide de la Chine et du Japon. L’Europe aussi a aidé la Corée du Nord à vivre pendant un certain temps.