• Lukas Aubin

    Directeur de recherche à l’IRIS, responsable du Programme Sport et géopolitique

Avez-vous été surpris par la décision de dissoudre l’Assemblée ?

Oui car elle est risquée sur le plan politique et elle arrive dans un contexte géopolitique tendu avec les guerres majeures du moment en Ukraine et à Gaza. On sait que la stratégie russe est là pour diviser l’occident et potentiellement affaiblir les démocraties comme la France. Et cette décision d’Emmanuel Macron laisse penser que la France va être fragilisée au moins durant un temps, au moment où les JO se rapprochent.

Cela fait le jeu de la Russie ?

C’est clairement une opportunité pour Vladimir Poutine qui, on le sait, mène une guerre hybride contre la France. Lui considère que l’extrême droite française peut être une alliée potentielle. Cela pourrait donc rebattre les cartes. Ça ne met pas l’organisation des JO en péril mais ça fait planer une image un peu étrange avec beaucoup d’incertitude alors qu’on imaginait que la stabilité allait entourer l’événement pour éviter des dissensions.

Quel impact sur l’organisation des JO ?

Sur l’organisation en tant que telle, Paris-2024 a les choses bien en main, les grands axes ont été dessinés. En revanche, c’est l’image que le sport français va renvoyer qui peut être impactée. Un ministre des sports d’extrême droite, par exemple, renverrait au monde l’image d’une France désunie alors qu’Emmanuel Macron se voyait en grand réconciliateur de la France, voire du monde.

Et la sécurité ?

On va plus être dans la symbolique que dans le concret sur le terrain. Si l’extrême droite est majoritaire, on va avoir droit à un certain nombre de discours qui vont être axés sur la sécurité et la nécessité de verrouiller encore plus l’événement mais l’organisation, à ce stade, ne bougera pas ou très peu.

La guerre hybride de la Russie contre la France est une réalité ?

Oui, une réalité documentée avec un budget de plusieurs centaines de milliers de roubles. Elle a pour objectif de semer le trouble dans les sociétés occidentales en utilisant le cyberespace, les médias, l’espace public, pour diviser notre société. On l’a vu avec l’opération des mains rouges et les étoiles de David dans les rues, plus récemment avec l’affaire des cercueils. Cela crée un sentiment d’inquiétude et de confusion. Le fait que les athlètes russes et bélarusses participent sous bannière neutre en signant un papier contre la guerre en Ukraine et soient exclus de la cérémonie d’ouverture des JO a implanté dans la tête des dirigeants russes cette guerre comme une option de défense contre ce qu’ils appellent l’humiliation de l’occident. La difficulté du travail de chercheur et de journaliste, c’est de ne pas trop grossir la situation car cela fait le jeu du régime russe. Il ne faut pas être alarmiste.

Un boycott russe des jeux est-il encore possible ?

L’hypothèse est toujours sur la table mais de moins en moins probable à mesure que l’échéance approche. Cela avait été évoqué en début d’année au moment où leurs athlètes ont été interdits de cérémonie d’ouverture. Je pense que la décision aurait été prise à ce moment-là pour rallier d’autres pays à leur cause.

Propos recueillis par Richard Gougis pour Midi Libre.