La chercheur à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris) revient sur l’accord signé au terme du sommet sur le climat.
Effectivement. Mais Cancun a permis de sauver le processus au lendemain d’un sommet de Copenhague particulièrement décevant, et lors duquel on a constaté des fractures très fortes. On a restauré la confiance.
Globalement, on a plutôt travaillé sur le volet adaptation avec la création d’un fonds climat. Concernant le mécanisme Redd + (sur la réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts, ndlr), un consensus se dessine et dans une certaine mesure cela participe à une atténuation des gaz à effet de serre (GES).
Sur certains dossiers, on ne fait que reporter les points chauds. Je pense en particulier au Protocole de Kyoto. Le climat n’a pas été sauvé car les négociations sur le volet atténuation/engagement de réduction des GES n’ont pas du tout progressé. On n’a pas encore les garanties d’une action suffisante pour éviter ces émissions. Il n’y a pas de mesures concrètes, si ce n’est, entre les lignes, l’acceptation par les pays en développement et émergents du fait qu’à un moment donné, eux aussi devront contribuer à cette baisse.
Il y a des avancées intéressantes. Je pense notamment à la création d’un fonds vert qui sera chapeauté par la Banque mondiale avec la réaffirmation de Copenhague de réunir 100 milliards de dollars par an d’ici 2020.
Des dispositions initiées par l’accord de Copenhague sont inscrites beaucoup plus formellement dans l’accord de Cancun. Il s’agit d’un texte adopté dans un cadre politique beaucoup plus apaisé. Certes, il a été adopté à l’arrachée, comme à Copenhague, mais il y a beaucoup moins de critiques qui s’élèvent contre ce processus à l’exception de la Bolivie.
Ce sommet a montré que nous étions dans une nouvelle dynamique. Des pays émergents prennent les devants. Ils ont clairement pris les choses en main et accepté quelques compromis de formulation, comme par exemple l’Inde, la Chine ou le Brésil. Ces pays se positionnent en leaders et on peut espérer un tempo politique plus favorable l’an prochain.
Mais les problèmes de fonds demeurent. Ce qui sera déterminant pour le sommet de Durban en 2011, c’est que les pays industrialisés –le Japon, le Canada, la Russie, les Etats-Unis entre autres– fassent les concessions qu’ils n’ont pas voulu faire à Cancun.
On va retrouver ces lignes de fracture tout au long des rencontres régulières et sans doute à Durban. Il va sans doute y avoir d’importantes offensives diplomatiques et politiques en marge du processus pour faire revenir ces pays, et obtenir un compromis.
A Cancun, il y avait manifestement un blocage très fort sur ce dossier. Des pays se sont montrés vraiment fermes. Il fallait mettre en sursis cette question-là.
Mais il ne faut pas oublier l’urgence climatique. L’objectif consistant à limiter le réchauffement climatique à 2°C ne sera jamais respecté si les niveaux actuels d’émissions de GES se poursuivent. Plus on recule et plus on sautera. Malheureusement, dans un processus de négociations politiques, les choses prennent du temps.
Oui, c’est la méthode des petits pas. Mais le problème c’est que par rapport au diagnostic scientifique, les petits pas sont insuffisants. Depuis Copenhague, on était parti sur cette méthode, il n’est plus question à court terme d’un « accord juridiquement contraignant », mot tabou à Cancun. L’ambassadeur chargé des négociations internationales sur le changement climatique, Brice Lalonde, parlait de « chapitres ». On est plus dans cette idée d’avancer un domaine après l’autre pour aboutir, plus tard, à un accord global.