Oui. C’est vraiment une des conséquences de la guerre, et plus particulièrement des sept dernières années. Dans le passé, ça n’existait quasiment pas. Les moudjahidin, par exemple, ne prenaient pas les journalistes en otage, au contraire, ils les accueillaient et s’en servaient pour faire passer leurs messages. La situation est différente aujourd’hui et l’on peut distinguer trois types de preneurs d’otages. D’abord les insurgés ou les talibans, ensuite les bandes armées et enfin la petite criminalité. Au moment d’une prise d’otage, et c’est le cas de celle d’Hervé et ?de Stéphane, on ne sait pas exactement qui des insurgés ou des bandes isolées détient les otages. En Afghanistan, on parle beaucoup des insurgés mais il faut savoir que la criminalité en bande organisée y est très développée et certaines de ces bandes, liées aux grosses mafias d’Europe, constituent carrément des armées, dans le sud-ouest du pays. Depuis la guerre, ces bandes criminelles collaborent avec les talibans ou les groupes d’insurgés et leur livrent des otages pour de l’argent ou pour s’attirer les faveurs des chefs.
Ils sont certainement retenus par les combattants du parti islamique de Gulbuddin Hekmatyar, le Hezb-e-islami. Tout simplement parce que la région où ils se trouvent, entre le district de Surobi et la province de Kapisa, zone de présence française, est sous l’influence d’Hekmatyar. Le Hezb-e-islami est la deuxième force d’insurrection en Afghanistan, un des partis politique les plus importants de l’opposition afghane. Hervé Ghesquière, Stéphane Taponier et leurs accompagnateurs sont très probablement aux mains d’un parti islamique. Leurs revendications sont politiques et c’est à mon sens la raison pour laquelle les négociations durent si longtemps. Le Hezb-e-islami mène ses activités insurrectionnelles dans les zones contrôlées par l’armée française, ce ne sont pas des combattants isolés, c’est un vrai parti politique et Hekmatyar connaît bien la France. Il a un projet politique pour son pays. Il demande le départ échelonné de toutes les armées étrangères, la mise ?en place d’un gouvernement provisoire ?et l’organisation d’élections libres. ?Il n’est pas taliban. Il ne faut pas voir ?un taliban derrière chaque insurgé, ?c’est une erreur, la situation en Afghanistan est bien plus compliquée.
Ils ont certainement été transférés vers une zone plus sûre, plus à l’est. La géographie de l’Afghanistan permet tout à fait de cacher des hommes. C’est un pays composé aux trois quarts de hautes montagnes et donc de très profondes vallées. La Kapisa, où ils ont été capturés, est une province frontalière de Laghman, elle-même frontalière de Konan, et Konan du Pakistan. Ils sont certainement par-là. C’est un immense territoire, quasiment inaccessible à ceux qui ne connaissent pas parfaitement?le terrain. Il est très difficile de pouvoir les localiser, même avec de gros moyens militaires. Mais à cette réalité géographique, il faut ajouter les solidarités tribales, ethniques, et claniques qui sont très fortes en Afghanistan et qui permettent de cacher des hommes très longtemps. C’est un des paramètres fondamentaux en Afghanistan. ?Le pouvoir ne contrôle pas son territoire, c’est un pays miné par la corruption. ?Il y a d’immenses problèmes de sécurité, pour les étrangers qui y travaillent bien sûr, mais aussi pour les Afghans