• Sylvie Matelly

    Ancien.ne chercheur.se à l'IRIS

Qu’est-ce qu’un taux directeur ?

« Le taux directeur est fixé par la banque centrale d’un pays ou bien celle d’une entité, telle que la BCE pour la zone euro. Il est le taux indicatif de la valeur de l’argent. Le taux directeur est celui auquel les établissements bancaires vont emprunter de l’argent auprès d’une banque centrale. Par voie de conséquence, le taux directeur détermine aussi le taux auquel les banques commerciales, en retour, prêteront de l’argent aux ménages. Le taux directeur est donc l’un des deux pivots qui permet aux banques centrales de faire appliquer leur politique monétaire. Le second, c’est l’émission de monnaie.

Qu’est ce qui détermine la baisse ou la hausse de ce taux directeur ?

Lorsque les taux sont élevés, les ménages ont plus de mal à emprunter. Ils ont donc plus de mal à consommer et donc à dépenser. Inversement, lorsque les taux baissent, l’argent coûte moins cher et il devient plus facile de s’endetter. En période d’inflation, c’est-à-dire lorsque les prix partent à la hausse en raison d’une offre inférieure à la demande, la hausse des taux directeurs agit comme un moyen de régulation. Elle entraine une baisse des crédits et donc une réduction de la masse monétaire en circulation dans l’économie. La demande des ménages baisse, et l’écart par rapport à l’offre se réduit.

À l’opposé, pour stimuler l’économie en donnant plus de moyens aux consommateurs, la banque centrale a la possibilité de baisser le taux directeur pour faciliter l’emprunt.

Comment expliquer la hausse rapide et historique décidée par la BCE ?

Elle est liée à une inflation inédite en Europe. Pendant 20 ans, il n’y a pas eu d’inflation dans la zone euro. Or, on a tendance à considérer que le bon taux d’inflation pour faire tourner l’économie se situe autour de 2%. Il permet d’assurer une trésorerie aux entreprises, entre le moment où elles vont acheter des fournitures et celui où elles vont vendre le produit fini. La BCE a longtemps maintenu des taux directeurs assez bas pour tenter d’atteindre ces 2%. Mais ces dernières années, plusieurs phénomènes sont venus remettre en cause cette situation.

Les nombreux investissements liés à la transition énergétique et numérique ont fini par crée de l’inflation. À cela est venu s’ajouter la crise du covid-19, qui a bousculé les chaînes d’approvisionnement et mis un frein aux délocalisations, puis les tensions commerciales entre la Chine et les États Unis, et la guerre en Ukraine qui a généré une déstabilisation des marchés sur lesquels Kiev et la Moscou étaient des importateurs nets, notamment dans le secteur de l’énergie.

Faut-il s’attendre à de nouvelles hausses ?

Cela dépendra de l’inflation. A-t-on atteint le pic inflationniste ?  S’agit-il d’un plancher ou bien les prix vont-ils commencer à baisser ? Le FMI a tendance à dire que oui. Certes, les chaînes de production sont de nouveau stabilisées, mais il y a deux éléments qui vont continuer de peser dans la balance : l’instabilité politique mondiale et la transition énergétique. Nous avons besoin d’une rupture technologique pour passer dans le nouveau monde et cela nécessite des investissements considérables. Je pense que l’inflation, même si elle baisse, ne reviendra plus aux taux avoisinant les 2% que nous avons connu pendant des années. »

 

Propos recueillis par Romain David pour Public Sénat.