L’armée israélienne aurait tiré sur une foule rassemblée près de camions d’aide humanitaire. Le bilan humain est incertain. Selon les autorités de santé gazaouies, la barre des 30 000 morts depuis le début du conflit dans la bande de Gaza aurait été franchie. Que dire de la situation ? 

Il faut garder à l’esprit que ce chiffre de 30 000 morts provient du ministère de la santé du Hamas, qui ne fait pas la différence entre les civils et les activistes du Hamas. En tout état de cause, ce chiffre traduit dans son ordre de grandeur une situation humanitaire catastrophique dans la bande de Gaza, où un quart de la population est désormais exposé à un risque avéré de famine selon l’ONU et la quasi-totalité de la population dépend d’une aide humanitaire d’urgence.

 

La ville de Rafah est sous la menace d’une offensive israélienne. Un plan d’évacuation des civils a été annoncé par Benyamin Netanyahou. Qu’en sait-on ?

Cela demeure flou dans l’annonce dudit plan par Benjamin Netanyahou, et se pose la question de la fiabilité de ce plan d’évacuation. Le gouvernement israélien n’a pas apporté de précisions sur la manière dont il entendait relocaliser les quelques 1,5 million de déplacés palestiniens aujourd’hui confinés à Rafah au Sud depuis qu’ils ont été sommés de quitter le Nord au début des représailles à l’attaque du 7 octobre. Une zone littorale d’un kilomètre de large et d’une quinzaine de kilomètres de long – dite safe zone d’al Mawasi – accueille déjà de nombreux déplacés, dans des conditions très incertaines. Peut-elle en accueillir davantage ou d’autres localisations sont-elles prévues ? La question demeure posée.

 

Les efforts diplomatiques se poursuivent en vue d’une nouvelle trêve humanitaire à Gaza. Quelles sont les chances d’un cessez-le-feu ?

Elles avaient augmenté, après que les exigences maximalistes des uns et des autres avaient été revues à la baisse. Mais il suffit d’un grain de sable pour faire dérailler le processus. Le Hamas exigeait une trêve définitive et un retrait total des troupes israéliennes avant d’entrer dans une logique transactionnelle, ce qui était qualifié de conditions « délirantes » par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, et d’ « irréalistes » pas le Secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken. A la demande semble-t-il du Hezbollah, qui redoute l’ouverture d’un deuxième front avec Tsahal au Nord, le Hamas a accepté de revoir ses exigences à la baisse pour ouvrir la voie à la négociation d’un accord.

 

Quels en seraient les contours ?

Selon des éléments transmis à Reuters par une source proche des discussions, un plan en deux phases aurait été plus ou moins formalisé lors du récent passage à Paris de David Barnea, le patron du Mossad, pour un round de négociations avec le directeur de la CIA, William Burns, le chef des services de renseignement égyptiens, Abbas Kamel, et le Premier ministre qatarien, Cheikh Mohammed bin Abdulrahman Al Thani. Ce plan prévoirait une trêve de quarante jours, avec une cessation totale des opérations armées de part et d’autre – ce qui couvrirait notamment la période du Ramadan. Il est aussi question de l’arrêt, huit heures par jour, des opérations de reconnaissance aérienne sur la bande Gaza, notamment par les drones israéliens qui survolent Gaza vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

 

Vient ensuite la question des otages.

Celle-ci demeure floue, dans la mesure où on ignore exactement combien sont toujours en vie parmi les 130 otages encore estimés aux mains du Hamas. Et si tous les otages, y compris les militaires masculins, ont vocation à être libérés à terme. L’accord concernerait en priorité les femmes, les jeunes de moins de dix-neuf ans, les personnes âgées de plus de cinquante ans et les malades. En échange des quarante otages listés dans la catégorie humanitaire, environ 400 prisonniers palestiniens seraient libérés, selon le ratio de dix prisonniers pour un otage. Ce ratio acté d’un otage israélien contre dix prisonniers palestiniens signifierait dans la logique transactionnelle cynique du Hamas que le « prix » des otages a manifestement augmenté, puisque le ratio était de trois pour un lors du premier cessez-le-feu. Il reste par ailleurs à déterminer le profil des prisonniers palestiniens libérables : l’accord peut-il inclure comme le demande le Hamas des condamnés pour crimes de sang, voire purgeant des peines à la perpétuité ?

 

Et sur le plan humanitaire ?

Une clause de l’accord, notamment défendue par les Etats-Unis, aurait pour objectif le retour des déplacés depuis le Sud vers le Nord de la bande de Gaza, d’où ils ont été sommés de partir au début des représailles à l’attaque du 7 octobre. Mais ce retour ne concernerait pas les hommes en âge de se battre, pour éviter la fuite de combattants du Hamas. Il est aussi question que Tsahal se repositionne loin des zones densément peuplées, et qu’Israël s’engage à laisser entrer 500 camions d’aide humanitaire par jour à Gaza et à fournir 200 000 tentes et 60 000 caravanes à la population de Gaza. L’accord permettrait également la réhabilitation des hôpitaux et des boulangeries de Gaza, notamment en autorisant immédiatement l’entrée des cargaisons de carburant indispensables à leur fonctionnement. Enfin Israël accepterait l’entrée de machines et d’équipements lourds pour enlever les décombres. Le Hamas pour sa part s’engagerait à ne pas utiliser ces machines et équipements pour menacer Israël.

 

Quant à la deuxième phase de ce plan ?

L’objet de la négociation resterait à définir ultérieurement, on n’en sait donc rien à ce stade.

 

Quel rôle joue le Qatar dans les négociations ?

Le même rôle que depuis le départ, à savoir celui d’un go-between. Le Qatar est le seul acteur en mesure de parler directement à tout le monde. Au point d’être parfois accusé de duplicité par Benyamin Netanyahou. Mais il reste incontournable.

 

Propos recueillis par Fabien Recker pour Public Sénat.