Le président américain Joe Biden affirme que contrairement à Washington, le gouvernement israélien ne veut pas d’une solution à deux États avec les Palestiniens. Est-ce que les États-Unis sont en train d’opérer un virage à 180 degrés ?
Ce qui est évident, c’est qu’il y a un changement de ton très net de la part de l’administration américaine. Ça ne modifie pas le soutien sur le fond. On peut rappeler que le week-end dernier, Joe Biden a demandé en urgence la possibilité de financer l’envoi de 14 000 obus de 122 mm pour les chars Merkava israéliens qui opèrent dans la bande de Gaza. En revanche, sur le changement de ton, la pression manifestée à l’endroit notamment de Nétanyahou, c’est par rapport au jour d’après. Qu’est-ce qui est envisagé une fois l’opération militaire achevée ? Une opération qui doit s’achever pour les Américains le plus rapidement possible. Il y a une contrainte de temporalité. Les Américains ont dit que l’essentiel de l’opération devait être achevé au mois de janvier et pas au-delà. Et la question se pose effectivement de la gestion de l’enclave (de Gaza). Il y a des tensions. Plusieurs déclarations de membres de l’administration américaine ont évoqué les pertes civiles trop importantes et évidemment, les tensions entre Joe Biden et Nétanyahou sur la question palestinienne : la question des deux États qui est refusée de manière quasi explicite par Benyamin Nétanyahou et qui constitue le viatique américain.
Mais c’est quand même d’abord la situation humanitaire de Gaza qui justifie aujourd’hui ce revirement ?
Oui, en grande partie. Il y a des déclarations, comme celle de Kamala Harris (la vice-présidente des États-Unis), le 2 décembre, qui évoquait le fait qu’il y avait trop de Palestiniens tués. Le porte-parole du département d’État, le 5 décembre, Matthew Miller, qui considérait que l’administration surveillait de très près ce qui se passait sur le terrain, et Joe Biden en personne, qui a insisté le 7 décembre sur la nécessité absolue de protéger les civils. Tandis que son secrétaire d’État, Anthony Blinken, considérait qu’il y avait un écart trop important entre l’intention affichée de protéger les civils et les résultats concrets constatés sur le terrain. C’est dire qu’effectivement, il y a un changement de ton qui est assumé.
Mais cette pression américaine peut vraiment faire changer d’avis Israël ? On n’imagine pas que ce revirement aille jusqu’à la levée du veto américain, par exemple, au Conseil de sécurité de l’ONU ?
Non, mais j’ai évoqué la livraison des armes, par exemple, qui est une urgence pour l’armée israélienne. C’est un moyen de pression considérable. Et de toute façon, le gouvernement israélien sait qu’il ne peut pas faire l’économie de la prise en compte de ce que dit l’administration américaine.
Est-ce qu’on peut comprendre aussi ce changement de ton avec les querelles internes entre conservateurs et démocrates américains, autour de l’argent fourni à l’Ukraine et aussi à Israël ? À cause d’enjeux intérieurs aux États-Unis ?
Pas sur la question israélienne paradoxalement. Il y a un consensus républicain et démocrate. Et quand je dis démocrate, je relativise parce que la jeune génération démocrate pose un problème justement à Joe Biden. Elle n’est pas aussi ferme dans son soutien. En revanche, pour le soutien à Israël, chez les Républicains, la question ne se pose pas, contrairement au soutien à l’Ukraine où la question pourrait se poser. En l’occurrence, c’est pour Joe Biden une situation assez compliquée à gérer, notamment vis-à-vis de la communauté internationale.
Cette date butoir de janvier fixée par les États-Unis est réalisable ?
En tout cas, ça explique pour partie l’accélération, paradoxalement, des opérations militaires de la part de Tsahal dans l’enclave. Justement pour éviter que ça prenne trop de temps. Avec en contrepartie, évidemment, le risque pour les populations civiles qui est accru.
Propos recueillis par Franceinfo.