Les pays voisins de la Russie et de l’Ukraine se sentent-ils plus menacés aujourd’hui ?
Ils se sentent globalement menacés depuis le début du conflit. Pour eux, aujourd’hui, il y a une double crainte : la crainte de l’offensive russe, d’un retournement, sachant que la contre-offensive ukrainienne n’a pas donné les résultats escomptés. Et la crainte d’une diminution de l’aide américaine qui risque de se préciser au fur et à mesure qu’on se rapprochera de l’élection présidentielle. L’inquiétude est d’autant plus forte qu’on est proche de la ligne de front.
Est-ce plus compliqué pour eux de s’armer dans le contexte actuel, notamment à cause de la guerre entre Israël et le Hamas ?
Le conflit peut changer pour la fourniture d’armes israéliennes, c’est vrai. Si le conflit perdure, ça peut en effet freiner fortement les livraisons de matériel aux Occidentaux. Il faut savoir qu’Israël est un fournisseur assez significatif. Mais il y a d’autres fournisseurs, la Pologne s’est par exemple tournée vers la Corée-du-Sud.
Et est-ce que selon vous la menace russe est réelle pour ces pays ?
On voit mal les Russes attaquer les pays baltes ou la Pologne. Mais peut-il y avoir des risques de tentatives de déstabilisation par le fait des communautés russes dans ces pays, comme en Estonie ? Certainement. Il y a des craintes assez fortes de ce côté-là. Et il y a la crainte de ceux qui se disent : « ils l’ont fait une fois, ils le referont ». C’est ce qui explique aussi que ces pays-là souhaitent absolument qu’on ne cède rien à la Russie. Si on cède une partie du territoire ukrainien à Poutine, il aura gagné et sera tenté de recommencer. C’est ce qui explique que ces pays sont extrêmement favorables à une entrée de l’Ukraine dans l’Otan.
Qu’attendent ces pays proches de l’Ukraine de l’Otan et de l’Union européenne ?
On voit qu’ils pèsent sur les sommets de l’Otan, comme à Vilnius. Du côté de l’Union européenne, il y a des initiatives comme celle de la Commission européenne destinée à financer la remontée en puissance de l’industrie munitionnaire européenne par des crédits européens. Il y a quand même des aides qui sont votées.
Vladimir Poutine a-t-il des ambitions sur des pays comme la Moldavie ou la Géorgie?
La technique utilisée en Ukraine, je ne suis pas sûr qu’elle soit réutilisée, ça coûte quand même très cher en nombre de morts. En revanche, je pense qu’il fera tout pour déstabiliser ces pays-là. Cela passe notamment par les « fake news » : on répand de fausses informations sur les communautés russes de ces pays, disant qu’elles ne sont pas respectées, pas prises en compte… Tout ce qui est action d’influence est mis en action, c’est certain.
Le but est donc que la révolte vienne de l’intérieur?
Oui c’est ça, la Russie veut créer des tensions à l’intérieur, de manière à ce que ça puisse remettre en cause la situation existante. La Moldavie et la Géorgie sont des pays où Moscou est à l’œuvre, dans les pays baltes également, bien qu’ils s’agissent de pays membres de l’Otan.
Propos recueillis par Anne-Laure de Chalup pour La Dépêche.