Le veto hongrois vient de bloquer l’aide de 50 milliards d’euros pour l’Ukraine. Le Congrès américain bute également sur une enveloppe de 61 milliards de dollars. Qu’est-ce que ces soutiens représentent pour le pays ?

C’est un flux constant de matériel militaire qui arrive en Ukraine. On est dans une guerre d’attrition, donc la consommation de matériel, notamment de munitions, est très importante.

Joe Biden voulait faire passer des stocks très importants de matériel parce qu’il n’est pas certain de pouvoir le faire en 2024. Plus on se rapproche de la campagne électorale, plus ça va être compliqué, vis-à-vis de Trump, de maintenir ce soutien et il peut y avoir une pression pour réduire voire supprimer cette aide.

Côté européen, on a une aide qui passe régulièrement par l’augmentation de la « Facilité européenne pour la paix » (FEP). On est sur des enveloppes généralement autour de 500 millions d’euros. Les Européens voulaient plutôt qu’augmenter cette aide tous les 3 à 4 mois et avoir à systématiquement redemander la validation des pays membres, libérer une grosse enveloppe sur le long terme, pour un soutien civil et militaire.

Quelles conséquences le ralentissement de ces aides peut-il avoir sur le front pour les Ukrainiens ?

Dès que vous interrompez ce flux de matériel militaire, les Ukrainiens se retrouvent avec des ruptures sur les stocks de munition, donc ça peut rapidement leur poser problème. On a bien vu depuis le début du conflit qu’on est plutôt sur une guerre de défense que d’offensive, où effectuer une réelle percée sur le terrain est difficile. Quand vous êtes dans une configuration défensive, vous utilisez essentiellement une défense aérienne, mais il faut pouvoir quand même frapper les lignes et les pièces d’artillerie ennemies. Ce qui peut se passer si l’aide se tarit, c’est que les Ukrainiens reculent.

À partir de quand le ralentissement de cette aide se fera sentir ?

Ça se traduit rapidement sur le front. C’est une affaire de 15 jours, un mois. Il faut donc que les choses se fassent rapidement. Même si c’est l’hiver, et que donc l’offensive est difficile et ralentit, il y a un temps de réaction.

Quelle issue imaginer à ce coup d’arrêt ? Comment les négociations peuvent évoluer ?

Je pense que si les Ukrainiens reculent, les choses vont se débloquer. Les gouvernements réagissent aussi en fonction de l’opinion publique et des médias. Pour moi, Orban cherche à faire monter les enchères. C’est également une question de communication auprès de son opinion publique pour les fêtes. Si l’Ukraine se retrouve en difficulté et perd du terrain, il risque gros au niveau de l’Union européenne. Je ne vois pas la Hongrie bloquer cette aide sur le long terme.

Côté américain, il y a un désaccord entre Républicains et Démocrates, notamment autour du mur à la frontière avec le Mexique, qui peut aussi se résoudre rapidement. Ce qui est sûr, c’est que la question du soutien à l’Ukraine va s’éroder sur le long terme. Ça ne sera pas forcément le cas en Europe où il y a un vrai sentiment de persistance de la menace russe. Des Etats comme l’Allemagne, les pays baltes, scandinaves, ou encore la Pologne sont très inquiets. Ils voudront maintenir cette solidarité militaire européenne et ça passe par l’Ukraine, qui est perçue comme une zone tampon. Il faut qu’elle reste en place pour ne pas que les Européens se retrouvent en première ligne face à la Russie.

 

Propos recueillis par Sabrina El pour La Dépêche du Midi.