Pourquoi les grèves à la Deutsche Bahn se multiplient ?
Ça peut s’expliquer par deux éléments. D’abord, le taux d’inflation en Allemagne. Il avait diminué en fin d’année dernière mais est reparti à la hausse. Les différents instituts économiques et la banque allemande prévoient un taux d’inflation entre 6 et 7 %, ça reste élevé, d’où la revendication des syndicats des transports (Verdi et EVG) d’avoir une augmentation substantielle. Ils réclament 650 euros de plus par mois. La direction de la Deutsche Bahn trouve que c’est trop élevé et propose 5 % d’augmentation.
Ensuite, la gestion de la Deutsche Bahn est très critiquée. Début 2023, un rapport de la Cour des comptes allemande sur l’entreprise ferroviaire a été accablant : elle pointe une infrastructure pas suffisamment entretenue et vieillissante et surtout un endettement très important, de l’ordre de 30 milliards d’euros en 2022, contre 10 milliards en 2016. Tout cela entre en contradiction avec l’objectif du gouvernement allemand, qui aimerait doubler le nombre de voyageurs en train d’ici à 2030.
Les syndicats incitent les salariés à faire grève uniquement le matin, de 3h à 11h. Pourquoi ce fonctionnement ?
Les Allemands appellent cela une grève d’avertissement. Les syndicats font souvent ça pour donner un signal d’alarme en disant : On n’est pas d’accord mais on ne veut pas tout bloquer. Le but, c’est mettre la pression sur l’employeur, alors que des négociations sont en cours. En général, ce type de grève est comprise par l’opinion, ça fait partie des rapports sociaux. Si ça ne marche pas, alors il y aura des grèves plus poussées, comme en France.
Il y a eu des grèves dans les écoles et les hôpitaux. D’autres secteurs pourraient-ils s’inspirer des cheminots ?
Les syndicats fonctionnent beaucoup par branche. Les autres organisations ne sont pas engagées dans cette affaire. Pour l’instant, tout le monde ne se retrouve pas dans cette lutte, mais ça peut faire tache d’huile. A l’heure actuelle, mouvement limité au transport, mais il est évident qu’il y a un malaise global face à l’inflation. C’est un problème de pouvoir d’achat, et les Allemands ont toujours été historiquement craintifs au sujet de l’inflation, qui leur rappelle la sombre période des années 1920 et 1930.
La crise sociale française inspire-t-elle les syndicats allemands ?
Les médias allemands ont beaucoup parlé des protestations contre la réforme des retraites, en insistant sur la cohésion des organisations syndicales. Ça a forcément intéressé les syndicats outre-Rhin, même si le sujet n’est pas le même.
Propos recueillis par Octave Odola pour 20 minutes.