Dans un rapport intitulé "La volatilité et le niveau élevé des prix alimentaires continuent de menacer les pauvres", la Banque mondiale sonne l’alarme. La hausse vertigineuse des prix alimentaires, qui sont revenus à leur niveau de 2008, pèse sur des millions d’habitants dans les pays en développement et notamment en Afrique. Des émeutes contre la vie chère se sont d’ailleurs déjà produites en Ouganda ces derniers jours. Décryptage avec Philippe Hugon, auteur de l’ouvrage Les Suds dans la crise (éd Armand Colin, 2009) et directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).
Il y a d’abord une double croissance de la demande mondiale de produits alimentaires, avec à la fois l’augmentation de la population mondiale et la constitution de classes moyennes, aux besoins nouveaux, toujours plus importantes dans les pays en développement. Ensuite, on assiste à une instabilité de l’offre sur le marché planétaire. Les politiques agricoles à l’échelle locale, comme la Pac pour l’Union européenne, vont influer sur le niveau des stocks mondiaux. Il y a également la concurrence croissante des agrocarburants qui réduit la surface des cultures de produits alimentaires et donc la quantité de réserves disponibles. Enfin, la spéculation autour des denrées agricoles participe aussi à la hausse des tarifs.
Oui. Avec un prix du pétrole très haut et une forte spéculation autour des produits alimentaires. Il y a par exemple des pays qui bloquent l’écoulement de leur production en prévision d’une hausse de cours, comme l’avait fait les Philippines en 2008. Et comme toujours, ce sont les pays en développement qui sont les plus touchés.
Je pense que la posture du FMI et de la Banque mondiale n’est plus la même depuis 2008. Ces institutions seront plus réactives aujourd’hui qu’il y a trois ans. Plusieurs solutions s’offrent à elles. Premièrement, il existe la possibilité de contrôler les marges spéculatives sur les marchés tout en surveillant les prix des denrées alimentaires à l’exportation. Certains pays peuvent aussi vider leurs stocks et soulager le marché mondial. Enfin, en cas d’urgence il y a toujours la solution de distribuer de la nourriture aux populations scolaires des pays en difficultés. Même si ce n’est pas l’idéal.
Encore une fois c’est l’Afrique qui est le continent le plus touché. Le Niger est très exposé à la flambée des tarifs, l’Afrique subsaharienne, notamment à l’est, est concernée et en Afrique de l’ouest les tensions en Côte-d’Ivoire ont également contribué à une hausse des prix, même si des circuits économiques se sont reconstitués grâce aux pays voisins, comme le Ghana.