Jamais, depuis la reconnaissance en 1964 par le général de Gaulle de la République populaire de Chine, une déclaration présidentielle française sur ce pays et a fortiori sur Taïwan n’avait déclenché de telles polémiques. De quoi sont-elles le nom ?
Au-delà de la guerre en Ukraine, sur laquelle Emmanuel Macron ne nourrissait aucune illusion à l’égard de Pékin quant à son rôle de faiseur de paix, le poids exercé par la Chine dans tous les domaines est systémique. Créancière auprès de 60 États, premier pollueur de la planète, pays clé sur les énergies renouvelables, troisième partenaire commercial pour la France, la Chine est incontournable. C’est de surcroît une dictature dont le pouvoir de nuisance est grand et qui ne peut nous laisser indifférents.
De Pékin à Canton, le tête-à-tête entre Emmanuel Macron et Xi Jinping aura duré plus de six heures. Leurs rencontres auront été précédées, cinq heures avant le départ du chef de l’État français à destination de la capitale chinoise, d’un entretien soigneusement préparé avec Joe Biden. Le narratif français vis-à-vis des Américains au sujet de la Chine n’a jamais changé : nous partageons les mêmes valeurs démocratiques mais n’avons pas les mêmes intérêts. Le traumatisme ressenti par la France concernant la dénonciation de la vente des sous-marins par l’Australie sous la pression des États-Unis en 2021 reste vif ; et si le découplage avec la Chine est à l’ordre du jour à Washington, il ne l’est pas à Paris. Dont acte : la France aura vendu à Pékin 150 Airbus, 50 hélicoptères, et augmenté de 15 % ses exportations dans le secteur de l’agroalimentaire.
Sur le volet stratégique, la France va à rebours du postulat américain selon lequel une guerre menée par la Chine contre Taïwan est inéluctable. Puissance de l’Indopacifique, attachée à la politique d’une seule Chine et au maintien du statu quo dans le détroit, la France est cependant, de tous les pays européens, le plus engagé avec l’île, dans le domaine de la défense notamment. Sans faire le jeu des Chinois, force est de reconnaître qu’il n’y a pas d’unité européenne au sujet de Taïwan et qu’il n’existe pas de symétrie de situation entre l’Ukraine et Taïwan.
En revanche, la France rappelle à ses voisins européens l’urgence de se distancier des positions américaines de confrontation avec la Chine sous peine de ne jamais atteindre l’“autonomie stratégique” que le président français appelle de ses vœux. Sur ce point, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, qui faisait pour la première fois le déplacement au côté du chef de l’État français, partage ses analyses même s’il est très probable que, au G7 à venir à Hiroshima, un consensus antichinois vienne à se former. S’il convient de défendre une certaine idée de la Chine, c’est bien celle de la culture, et certainement pas son régime. Emmanuel Macron l’aura compris ainsi. Sur la Chine et Taïwan, il a dit vrai, bien que tout ce qui est vrai n’ait pas pour autant vocation à être dit…