• Marie-Cécile Naves

    Directrice de recherche à l’IRIS, directrice de l’Observatoire Genre et géopolitique

Est-ce que le vote des femmes peut faire basculer le scrutin en faveur de Kamala Harris ?

C’est le grand espoir des démocrates en effet. Tout indique une mobilisation massive de l’électorat féminin, démocrate mais aussi indépendant, et dans toutes les classes d’âge. L’inconnu, à ce stade, c’est :
1- la mobilisation des électrices républicaines ;
2- sur qui se portera leur choix ;
3- la mobilisation d’un électorat masculin primo-votant, plutôt jeune, qui est le pari de Trump notamment en ce jour J.

L’élection de Donald Trump serait-elle la piqûre de rappel, le révélateur de la nécessité absolue pour l’Europe de faire « bloc » et de résister en tant que telle ?

Lorsqu’il était président (2017-2021), ce constat avait déjà été fait et rien ne s’est passé, pour la bonne raison que les Européens sont partagés à l’égard de Donald Trump : il compte des alliés parmi les dirigeants des pays européens, à la fois sur le plan idéologique et sur la vision géopolitique, en Europe et ailleurs.

Trump a déjà commencé à « crier » à la fraude électorale alors que le dépouillement n’a pas encore commencé. En cas de victoire de Trump, est-ce que ses opposants pourraient utiliser les mêmes « arguments » et contrer l’élection ?

Trump pourrait suivre le conseil de Steve Bannon et annoncer sa victoire dès demain matin, alors qu’on aura seulement dépouillé une partie des bulletins. S’il perd, il est certain que l’élection sera contestée par son équipe et lui-même, dans certains Etats notamment. L’inverse est peu probable (que les démocrates contestent), sauf si c’est infiniment serré (comme lors de l’élection de 2000 entre Bush et Gore en Floride), et ce serait moins pour des questions de « fraude » que d’erreur technique.

Avez-vous des premières estimations ?

Concernant les sondages, ils sont tous dans la marge d’erreur dans les Etats clés, ce qui ne veut pas dire que le résultat sera serré (il le sera peut-être, mais rien n’est sûr), mais plutôt qu’il est difficile à estimer. La peur, pour les instituts, de surestimer ou de sous-estimer l’un des deux candidats et la difficulté à évaluer la mobilisation de chaque catégorie d’électeurs, en particulier ceux qui se décident au dernier moment, l’expliquent en partie. Il faut ajouter à cela le problème des sondages très partisans financés par la droite, qui ont des biais d’analyse et brouillent la moyenne des enquêtes. On avait assisté à ce phénomène en 2022, avant les élections de mi-mandat, et cela avait créé l’illusion d’une victoire massive des républicains au Congrès (ce qui n’était pas arrivé).