Avec la démission d’Hosni Moubarak, une page se tourne en Egypte. Mais la démocratie a-t-elle une chance, alors que l’armée a désormais le pouvoir? Réponse avec Didier Billion, directeur des publications de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), rédacteur en chef de La revue internationale et stratégique, spécialiste du Moyen-Orient.
Ce n’est pas un changement de régime pour le moment, mais c’est un véritable changement politique. C’est considérable. Moubarak était le symbole sur lequel se cristallisaient toutes les revendications des manifestants depuis quinze jours. Désormais, une nouvelle séquence politique s’ouvre. Mais cela ne signifie pas pour autant que le régime va s’écrouler. L’armée ne fait que se séparer d’une «branche morte».
Il ne pourra pas y avoir de retour en arrière à court ou à moyen terme. Les Egyptiens sont de plus en plus mobilisés, de plus en plus radicalisés. Ils n’accepteront pas de se faire voler leur victoire. L’armée va être obligée de jouer le jeu, d’organiser des élections. Bien sûr, les modalités sont à discuter, cela ne va pas se faire en deux jours, il ne faut pas être impatient. Imaginer que ces élections pourront se tenir avant l’été prochain, c’est déjà formidable.
Je suis pas sûr que Souleimane va rester très longtemps en poste maintenant. Il a été nommé par Moubarak et n’est pas considéré comme l’interlocuteur le plus fiable dans le jeu de négociations réelles. Je pense que l’armée va passer aux manettes, sous une forme qui n’est pas encore très précise à ce stade. Le chef d’Etat major, Sami Enan, a la réputation d’un homme intègre, et pourrait gérer le pays. Dans une phase transitoire, le rôle de l’armée va rester très important au sein du régime. D’autant plus que sa popularité s’esst renforcée ces deux dernières semaines: elle a refusé de tirer sur les manifestants et a très tôt considéré comme légitimes leurs revendications.