« Tout le monde savait », mais cela a rarement été évoqué ouvertement. Cette phrase souvent citée lors de l’affaire DSK s’applique aux intellectuels qui n’hésitent pas à recourir aux mensonges et aux contre-vérités pour étayer leurs thèses. Il ne s’agit pas des erreurs que chacun peut faire, encore que certains le font plus fréquemment que d’autres, mais de mauvaise foi volontaire et assumée. Des experts recourent à des arguments auxquels ils ne croient pas eux-mêmes pour mieux convaincre l’opinion. Ils le font en toute impunité et continuent d’être encensés par les médias, alors qu’ils ont été pris à de nombreuses reprises en flagrant délit de mensonge. C’est une nouvelle « trahison des clercs », puisque au lieu de mettre leur savoir au service de l’information du public, ils le trompent. L’honnêteté intellectuelle n’est pas un critère qui conditionne l’exposition médiatique. On pourrait croire qu’en démocratie le souci de vérité devrait être sacré. Il n’en est rien. Le parler bien est préféré au parler vrai à condition bien sûr d’aller dans le sens des préjugés dominants. Récemment, la stigmatisation de l’islam fut l’un des plus puissants. La dénonciation du terrorisme s’est, elle, souvent accompagnée d’amalgames douteux et de libertés prises avec la rigueur intellectuelle. La percée d’un concept aussi creux que « islamo-fascisme » (qui alterne avec l’islamo-gauchisme) rappelle l’hitléro-trotskisme d’antan. La justesse des causes ne devrait pas excuser la déloyauté des moyens. Lorsque les élites mentent, lorsque la connivence de certains médias protège leurs mensonges, il ne faut pas s’étonner que le public, qui n’est pas dupe, s’en détourne. Les faussaires alimentent donc le populisme, qu’ils disent pourtant combattre.