• Pascal Boniface

Quel pourrait être le monde de demain avec un Donald Trump de nouveau élu à la Maison-Blanche fin 2024 ?

Si Trump revenait à la Maison-Blanche, ce serait bien sûr un électrochoc mondial, avec à la clé l’inquiétude pour une majorité d’alliés européens et asiatiques des Etats-Unis tandis que quelques dirigeants tels que Benjamin Netanyahou, en Israël, et Vladimir Poutine, en Russie, s’en réjouiraient. Plus largement, l’élection de Trump signifierait le retour à une relation économiquement brutale entre les États-Unis et le reste du monde, y compris pour les pays voisins comme le Canada et le Mexique. Trump, en effet n’est pas isolationniste, il est unilatéraliste : il prend des décisions qui ne tiennent aucun compte de son environnement international.

Il n’y aurait donc pas d’évolution entre le Trump de 2016 et celui de 2024, notamment face à Poutine, Kim Jong-un ou Xi Jinping ?

Je pense qu’il ne serait pas très éloigné de celui qu’on a connu lors du premier mandat. Cependant, il serait sans doute plus agressif parce qu’il a une envie de vengeance, plutôt destiné à Biden et aux Démocrates, certes, mais peut être aussi aux alliés européens qui se sont réjouis de la victoire de Biden en 2020. Quoi qu’il en soit, sur le plan intérieur, il va toujours plus accentuer les clivages de la société américaine et s’il perd… On a vu comment cela s’était traduit le 6 janvier 2021 : par la tentative de prise d’assaut du Capitole. En 2024, son alternative est désormais la Maison-Blanche ou la prison. L’enjeu est donc encore plus important qu’en 2020, le risque de déstabilisation général aussi.

Sexe, mensonges, fraude fiscale, tentative de putsch… Quel est l’impact d’un tel candidat sur l’image des États-Unis ?

Quels que soient les événements, on sait désormais que ses partisans seront toujours convaincus qu’il est dans son bon droit. Ses adversaires continueront, eux, à penser le pire de lui. Maintenant, à l’étranger ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que le modèle d’un pays vertueux qui fait la leçon aux autres est très largement compromis et qu’effectivement, le fait d’avoir quelqu’un qui est considéré comme menteur et malhonnête ne peut pas servir l’image des États-Unis. Leur popularité dans le monde s’était déjà très fortement dégradée avec son premier mandat, un deuxième ne pourra qu’aggraver ce discrédit de la « première démocratie du monde ».

Peut-il vraiment lâcher l’Ukraine ?

Au Congrès, les Républicains refusent déjà d’accorder l’aide promise. On peut faire beaucoup de reproches à Trump mais généralement, il tient ses promesses. Cela correspond d’ailleurs à la volonté de ses électeurs qui estiment que le vrai danger est à la frontière mexicaine et pas du tout à la frontière entre la Russie et l’Ukraine…

Paradoxalement, son retour pourrait-il être l’opportunité de construire une « Europe puissance » ?

Les Européens sont comme des jeunes gens que les parents émancipent un peu contre leur gré. Dans ces cas-là, soit on se désespère, soit on se dit il faut se prendre en charge. Vous avez donc des Européens qui vont dire : « Il faut en faire un peu plus pour plaire à notre patron américain » et d’autres qui se diront « la coupe est pleine, il est vraiment temps de penser à travailler sur notre autonomie ». Quant à savoir qui l’emportera…

Quel avenir pour l’Otan avec Trump en chef des armées américaines ?

En novembre 2019, Emmanuel Macron disait que l’Otan était « en état de mort cérébrale » et c’était le cas sous le mandat de Trump. Quand le chef du principal allié dit au maître de l’Alliance dit qu’il ne croit plus dans l’Alliance, celle-ci est mal en point… Mais aujourd’hui, avec la guerre en Ukraine, c’est l’autonomie stratégique européenne qui en état de mort cérébrale. Le retour de Trump redonnerait des doutes sur la crédibilité de l’Otan et de l’engagement américain auprès de l’Alliance. Or sans l’engagement américain, l’Otan n’est plus l’Otan.

 

Propos recueillis par Pierre Challier pour La Dépêche.