Politologue, chercheur à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), Jean-Yves Camus a écrit plusieurs ouvrages sur le Front national, les nationalismes et les extrêmismes. Il analyse la vision et le discours du FN sur l’Outre-mer.
Il y a déjà eu plusieurs tentatives. La plus ancienne remonte aux années 1980. En Nouvelle-Calédonie, pendant la période de grande tension, le FN avait fait à l’assemblée territoriale un score remarqué. Aujourd’hui, il ne reste plus grand-chose. A cette époque, le FN avait essayé de s’implanter ailleurs en Outre-mer mais cela n’avait pas très bien marché. En 1987, Jean-Marie Le Pen s’était rendu à la Martinique et il avait été empêché de sortir de l’aéroport par une foule de manifestants. Même chose ensuite en Guadeloupe. Pourtant, on trouve une Martiniquaise, Huguette Fatna, dans l’entourage proche de Jean-Marie Le Pen et de sa fille Marine. A la fin des années 1980, le FN a voulu aussi s’installer à la Réunion par le biais d’un journal « 974 Ouest ». En Guyane, le parti a voulu surfer sur la problématique de l’immigration clandestine et de la sécurité. Pour des raisons évidentes, les scores restent embryonnaires. Pas plus de 5%. Personne n’oublie dans l’Outre-mer les déclarations de Jean-Marie Le Pen sur l’inégalité des races, ainsi que la tonalité xénophone du parti. C’est souvent dans un petit milieu de métropolitains expatriés que le mouvement connaît de l’audience. Lors de la présidentielle de 2002, les scores du FN en Outre-mer ont été faibles (3,81% à la Réunion), à l’exception de la Nouvelle-Calédone (10,84%) et de Saint-Pierre-et-Miquelon (13,39%).
Il y a deux cas de figure. Son père disait que l’Outre-mer est constitué de terres françaises qu’il faut garder dans le giron de la France. C’est le souvenir de l’empire colonial français. Ce qui compte, c’est l’amour de la France, le patriotisme. Au FN, il y a aussi des gens qui considèrent l’Outre-mer comme un accident de l’histoire. Ils estiment que, même si la France y est présente depuis le 17e siècle, ces territorires n’ont rien à faire dans la République française. Pour des questions éthniques. Dans cette optique, les ultra-marins ne sont pas seulement regardés comme des assistés mais comme bénéficiant d’une citoyenneté de papier.
Ceux-là retiennent l’effet d’aubaine lié pour la population mahoraise aux prestations sociales. Ainsi que la possibilité de bénéficier des avantages de la nationalité française pour les immigrés.
Il y a une stigmatisation de cette communauté qui n’est pas seulement le fait du FN ou du ministre de l’Intérieur. On a vu plusieurs reportages télévisés ces deux dernières années sur l’immigration illégale entre Les Comores et Mayotte. Au moment de la départementalisation, les questions des prestations sociales et du statut du droit religieux ont été mises en avant. Tout cela a fini par donner l’impression, au yeux de l’opinion métropolitaine, que les Mahorais étaient des Français un peu particuliers et que les Comoriens, qui leur sont associés, constituaient une communauté à problèmes.
On assiste à une évolution des catégories de population ciblées par le racisme et la xénophobie. Jusqu’à récemment était visée la population originaire du Maghreb et de l’Afrique noire. Depuis deux ans, la xénophobie à l’égard des Roms monte en puissance. C’est un phénomène européen. Et on a vu dernièrement cette mise en cause de la communauté comorienne même si, ensuite, le ministre de l’Intérieur a fait du rétropédalage en raison du tollé suscité par ses propos