L’élection présidentielle américaine du 5 novembre n’est pas qu’un épisode de la vie politique américaine. C’est un événement planétaire suivi avec intérêt, voire passion, dans le monde entier. Que l’on vive dans une démocratie ou dans un régime autoritaire, que l’on soit un allié ou un rival des États-Unis, dirigeants et populations scrutent minutieusement les aléas de la campagne et attendent fébrilement son dénouement. Les États-Unis restent la première puissance mondiale, et les décisions qui sont prises à Washington ont un impact dans le monde entier.

On pourrait presque dire que l’élection du président des États-Unis est une élection mondiale au suffrage censitaire. Tout le monde est concerné, mais seuls, évidemment, les citoyens américains ont un pouvoir de décision. Il y a un autre paradoxe. On sait que si les États-Unis s’enrhument, c’est le monde entier qui peut éternuer.

Mais les électeurs américains ne prennent généralement pas en compte les questions internationales en priorité pour effectuer leur choix. Les États-Unis comptent énormément dans le monde, mais le monde extérieur compte relativement peu dans le processus électoral. D’ailleurs, 50 % des élus au Congrès américain n’ont pas de passeport, parce qu’ils ne voient pas l’utilité de voyager en dehors des États-Unis.

La peur des alliés européens

Les alliés européens et asiatiques des États-Unis craignent le retour de Donald Trump au pouvoir. Pour lui, la notion d’alliance est obsolète. Il est dans une relation transactionnelle permanente. Il a signifié à plusieurs reprises aux Européens qu’il ne fallait pas compter sur les États-Unis pour les défendre contre la menace russe, et que c’était à eux de se prendre en charge.

Si certains Européens se disent que cela peut constituer un signal d’alarme bienvenu qui pourrait enfin les faire bouger sur ce sujet, d’autres sont tétanisés. Ces derniers sont prêts à accepter les exigences les plus absolues de Donald Trump pour conserver la protection américaine, et donc à renforcer la dépendance européenne à l’égard de Washington.

Mais si Joe Biden a été un allié stratégique plus fiable que Donald Trump, sur le plan économique, sa présidence a également affecté l’Europe. L’Inflation Reduction Act, le plan de verdissement de l’économie américaine, s’il est bon pour la planète, est extrêmement dommageable aux industries européennes. Nombre de ces dernières, attirées par les subventions américaines, ferment leurs usines en Europe pour en bâtir outre-Atlantique. Joe Biden se dit plus à l’écoute des Européens, mais l’alliance diplomatique n’empêche pas une rivalité économique impitoyable.

Désengagement américain

Tokyo et Séoul partagent, elles aussi, la crainte d’un désengagement américain en cas d’élection de Donald Trump, face aux menaces chinoise et nord-coréenne. Les pays africains ont de leur côté en mémoire d’avoir été traités de « pays de m… » par Donald Trump. Ils n’ont donc guère envie de le voir de retour à la Maison-Blanche. Il en va de même pour les pays latino-américains, à l’exception de l’Argentine de Javier Milei.

Tous craignent les coups de boutoir que Donald Trump ne manquera pas de lancer contre le système multilatéral, pourtant déjà mal en point. Donald Trump s’efforcera d’affaiblir l’ONU – déjà peu vaillante – et l’ensemble des organisations internationales. Ils craignent aussi, en cas de victoire de Kamala Harris, que Donald Trump et ses partisans n’acceptent pas sa défaite et qu’il y ait une répétition, peut-être en pire, des événements du 6 janvier 2021, à savoir la prise d’assaut du Capitole par des partisans du candidat républicain.

L’aide militaire à l’Ukraine pourrait être remise en question

Mais tous les dirigeants n’éprouvent pas cette même angoisse. En Israël, Benyamin Netanyahou essaye de tenir à la tête du gouvernement jusqu’au 5 novembre. Il sait qu’il pourra compter sur un soutien réellement inconditionnel en cas de retour de Donald Trump aux affaires.

Il en va de même en Russie, où Vladimir Poutine a déclaré publiquement que l’élection de Donald Trump ou de Kamala Harris ne changeait rien. Mais il sait très bien que Donald Trump arrêterait l’aide militaire américaine à l’Ukraine quasi immédiatement, et que les Européens auront du mal à continuer seuls.

Quant à Xi Jinping, au-delà des diatribes antichinoises du candidat républicain, il ne pourrait que se réjouir de le voir revenir à la Maison-Blanche. Tout d’abord parce que Donald Trump donnerait d’importantes responsabilités à Elon Musk, qui a des intérêts économiques majeurs en Chine et qui est très accommodant avec Pékin. Ensuite, parce qu’il estime que le candidat républicain est dysfonctionnel, et que sa présidence ne pourrait que conduire à un affaiblissement des États-Unis, ce qui faciliterait la montée en puissance relative de la Chine.

 

Tribune par Pascal Boniface publiée par La Croix.