Les prix du pétrole à la pompe ne cessent d’augmenter depuis plusieurs mois. Est-on sur une tendance durable ?

Personne ne peut prévoir les prix du pétrole. C’est la réponse la plus honnête que je puisse donner. Les tarifs sont déterminés par un ensemble de facteurs géopolitiques, économiques et énergétiques. Néanmoins, en cette fin d’année 2023, nous sommes dans une situation où les phénomènes haussiers dominent le marché du pétrole.

Quels sont ces facteurs ?

L’année 2023 sera marquée par un record de consommation mondiale de pétrole. C’est historique, la demande est extrêmement forte. La pression de la consommation a tendance à faire monter les prix. Ajoutée à ce phénomène, la baisse de production des pays de l’OPEP+ vient mettre une pièce de plus dans la tendance haussière des prix du pétrole. Le regroupement des 23 pays producteurs a décidé en octobre 2022 de réduire l’offre. De plus, l’Arabie Saoudite annonçait en juin limiter sa production d’un million de barils par jour. La décision durera jusqu’à la fin de l’année, vient de préciser le ministre de l’Énergie du pays. Idem du côté de la Russie. Moscou a décidé d’aller au-delà des réductions de production décidées au sein de l’OPEP+. Nous sommes donc dans une situation où la demande est forte et la production descend. Cela nous amène au troisième facteur haussier : l’offre de pétrole est inférieure à la demande. Un quatrième indicateur de hausse des prix vient s’ajouter : les stocks pétroliers s’affaiblissent depuis plusieurs semaines. Résultats : les tendances sont majoritairement à la hausse.

Existe-t-il des facteurs qui pourraient conduire à une baisse des prix ?

Oui, il en existe plusieurs. Pour le moment, ils n’arrivent pas à renverser les facteurs haussiers. L’un des deux principaux concerne l’état de l’économie chinoise, dont les derniers indices sont décevants. Or, ce n’est pas négligeable, car la Chine est le deuxième pays consommateur de pétrole au monde et le premier importateur. À partir du moment où l’économie se traine, c’est plutôt un facteur de baisse. La même chose se produit au niveau mondial. Certains économistes craignaient une récession en 2023. Même si on sait que cela ne sera pas le cas, la croissance demeurera légère, autour de 3%. Parallèlement, l’inflation galope et pousse les banques centrales à relever leurs taux d’intérêts, ce qui ralentit la croissance. Moins celle-ci est importante, moins les pays consomment de pétrole. Malgré tout, ni le ralentissement de la Chine, ni celle au niveau mondial ne suffisent pour renverser les facteurs haussiers.

Capital : La perception de ces indicateurs pourrait-elle changer ?

Francis Perrin : Début 2023, ces deux indicateurs baissiers étaient ressentis plus fortement par les professionnels. Les prix du pétrole augmentaient moins. Puis, ça a basculé, les opérateurs de marché et traders sont devenus plus sensibles à la baisse des stocks, de l’offre et à la forte demande. La tendance haussière ou baissière dépend des paramètres auxquels la priorité est donnée. Idem, il y a un an et demi, la guerre en Ukraine entraînait une tendance à la hausse. Depuis l’automne 2022, ce n’est plus le cas. Le risque de pénurie de pétrole a été évité. Il ne faut pas oublier que derrière ces décisions, il y a des humains et la psychologie est très importante en économie. De plus, les marchés sont dirigés par des logiques courtes termistes, d’où l’influence importante des dernières informations et indicateurs.

À trop faire monter les prix, les pays de l’OPEP+ ne risquent-ils pas d’encourager une baisse de la demande en raison de tarifs du baril trop élevés ?

Pour les pays de l’OPEP+, dont l’Arabie Saoudite est un des leaders, un prix au-dessus de 80 dollars le baril est bon. Ce mercredi matin, très tôt, le coût du pétrole Brent (qui sert d’indicateur en Europe, ndlr) s’affichait à environ 90 dollars. Le baril du célèbre baril américain West Texas Intermediate plafonnait à 86 dollars ce midi. Les pays producteurs et exportateurs ne souhaitent pas non plus que les prix flambent, car il y a effectivement un risque de baisse de la consommation. Ils ont besoin de vendre, surtout que leurs économies sont souvent très dépendantes de la matière première. Si les tarifs montent trop et vite, ils peuvent revoir leurs pratiques et relever la production. Cependant, ils n’ont pas intérêt à dévoiler leur limite, raison de plus pour laquelle il est difficile de savoir jusqu’où les prix peuvent monter. Néanmoins, à mon sens, avec un prix du baril entre 80 et 90 dollars, nous sommes dans le haut de la fourchette !

 

Propos recueillis par Pauline Guibert pour Capital.