• Interview de [Karim Pakzad->http://www.iris-france.org/cv.php?fichier=cv/cv&nom=pakzad], chercheur associé à l’IRIS, par Manuella Esvant

Au sommet du G8 puis de l’Otan, du 18 au 21 mai, François Hollande est attendu sur le dossier afghan. Son intention de retirer les « troupes combattantes » françaises d’ici fin 2012, deux ans avant le calendrier fixé par l’Otan, est-elle dure à défendre?

Je ne pense pas que ce soit sur ce point que le nouveau président français rencontre des difficultés importantes. Déjà François Hollande ne s’est pas engagé lui-même, comme Nicolas Sarkozy auprès de George W. Bush, puis de Barack Obama. Il sait que l’opinion publique est de plus en plus hostile à la présence française en Afghanistan, comme d’ailleurs dans tous les pays de la coalition, et considère que la mission initiale – chasser les talibans et aider au maintien de l’ordre à Kaboul – est terminée. Nicolas Sarkozy lui-même a envisagé un retrait anticipé pour 2013. Les Pays Bas ont déjà retiré leur troupe en 2010, le Canada en 2011… On oublie aussi que les États-Unis vont retirer cet été 23.000 soldats. Même en Allemagne, l’opposition et certains membres de la coalition du gouvernement d’Angela Merkel souhaitent un retrait anticipé. Le président socialiste renoue avec la tradition "gaullo-miterrandienne "de circonspection vis-à-vis de l’Otan.

Sur le terrain, sur le plan militaire, quelles seraient les conséquences d’un retrait avancé des troupes françaises?

La France, avec ses 3.400 soldats et 150 gendarmes, représente à peine 3% des forces de coalition (130.000 soldats au total). Elle a fait ce qu’elle a pu, 83 soldats sont morts, mais elle ne pèse pas tant que ça. De plus, depuis les attentats contre les soldats français sur la base de Kapisa – 7 soldats français tués par un soldat afghan – les forces françaises ne sont plus engagées dans des opérations directes avec les talibans. Donc, le retrait des troupes combattantes d’ici la fin de l’année ne changerait pas fondamentalement, sur le plan militaire, les données sur le terrain. D’autant qu’a priori, quelques centaines d’instructeurs resteront sur place pour aider à la formation de l’armée afghane.

Pour l’Afghanistan, quel impact pourrait avoir ce retrait à marche forcée de la coalition?

Les États-Unis préparent leur départ, tout en comptant garder une présence militaire après 2014. Il y a des tentatives de négociations pour arriver à une solution politique. Les États-Unis ont accepté que les talibans ouvrent un bureau de liaison au Qatar, ils ont libéré d’importants présumés talibans de la base de Guantanamo pour faciliter les négociations. Ils espèrent convaincre les talibans de s’associer au pouvoir… Donc préparent le retour des talibans au pouvoir, sous une autre forme…

C’est un aveu d’échec?

Un échec militaire d’abord : quelques milliers de talibans "aux pieds nus" ont mis en échec la plus grosse coalition de militaires depuis la Seconde Guerre mondiale; un échec politique aussi, puisqu’on en est à négocier avec les talibans, ceux-là même qu’on est allé chasser…

Quel solution pour l’Afghanistan?

La solution est interafghane. Il faut rechercher la paix entre les différentes factions afghanes, car il n’y a pas que le gouvernement de Karzai et les talibans. Il faudrait aussi associer les pays voisins. Sans l’aide de l’Iran et du Pakistan, il n’y aura pas de paix.