Les petits réacteurs modulaires (SMR) : les stratégies des puissances nucléaires

Depuis le début des années 2000, les petits réacteurs modulaires, ou « Small Modular Reactor » (SMR), se sont progressivement imposés dans les réflexions stratégiques et l’espace médiatique. Les États se mobilisent pour s’imposer sur ce marché naissant, où maitrise technologique et influence géopolitique se confondent. Les réacteurs SMR présentent plusieurs avantages : moins onéreux que les centrales classiques, capables d’alimenter des territoires isolés et donc de décarboner des industries parfois très énergivores. Plusieurs éléments limitent cependant leur déploiement massif. D’une part, une faisabilité incertaine, entre coût unitaire encore très élevé, réglementations strictes et impopularité du nucléaire ; d’autre part, le risque d’une dispersion des technologies et des matériaux sensibles pouvant entrainer un détournement à des fins militaires directes (fabrication de bombes, mais risque limité car un réacteur serait largement insuffisant pour atteindre cet objectif) ou indirectes (accès fiable et pilotable à de l’énergie sur des théâtres d’opération, sans contrôle des instances de régulation). Malgré des incertitudes persistantes, les SMR s’imposent cependant dans la réflexion stratégique des grandes puissances nucléaires. Russie, États-Unis et Chine sont les puissances leaders sur les projets SMR, tandis que l’Europe affiche encore un retard notable malgré son intérêt déclaré pour cette technologie. S’il est encore trop tôt pour affirmer que les SMR vont rentrer dans notre quotidien, il est raisonnable de penser qu’ils trouveront des applications dans les champs militaires et stratégiques.