Escalade des violences au Darfour : quelle situation sécuritaire au Soudan ?

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Après plus de sept mois de guerre, le conflit au Soudan connaît une recrudescence des violences interethniques alors que les Forces paramilitaires de soutien rapide continuent de prendre progressivement le contrôle sur l’ouest du pays. Quelle est la situation sécuritaire au Soudan ? Comment expliquer l’échec des négociations entamées le 26 octobre entre les deux parties ? Quel est l’impact de la guerre au Soudan sur la situation sécuritaire et sur la stabilité politique régionale ? Le point avec Jean-Marc Gravellini, chercheur associé à l’IRIS.

 

Le Darfour connait actuellement une deuxième vague de violence alors que l’armée régulière mène une contre-offensive contre les Forces paramilitaires. Pourtant, le 26 octobre, les représentants des deux parties en conflit avaient accepté d’entamer de nouvelles négociations en vue d’un cessez-le-feu. Comment expliquer cet échec des négociations et que reste-t-il des perspectives de règlement diplomatique du conflit ?

L’échec des négociations engagées fin octobre était plus que probable. En effet, il semble aujourd’hui que les Forces armées régulières soudanaises (FAS), dirigées par le général Abdel Fattah Al-Bourhane ne tiennent plus qu’un tiers du territoire soudanais, de la frontière égyptienne au nord, à la frontière éthiopienne au sud. À Khartoum, les FAS essayent de regagner du terrain en privilégiant les tirs d’artillerie et les bombardements aériens. L’armée régulière est pénalisée par les rivalités internes notamment liées à la réintégration dans ses rangs des anciens islamistes et l’insuffisance du soutien de ses alliés égyptiens et qataris. Dans le même temps, les Forces (à l’origine) paramilitaires de soutien rapide (FSR), du général Mohammed Hamdan Daglo, dit « Hemetti », tiennent 90% de la capitale. Mais surtout, elles sont aujourd’hui en position de contrôler tout l’ouest du Soudan, c’est à dire le Darfour nord, centre et ouest.

Hemetti apparaît donc en position de force pour pousser son avantage en s’appuyant sur le Darfour, sa base territoriale historique, mais aussi en ayant tissé des liens souvent baroques avec la jeunesse libérale, les anti-islamistes et les miliciens de Wagner. Il n’a donc aucun intérêt à négocier.

 

Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a soupçonné cette deuxième vague de violence d’être un « nettoyage ethnique » visant à éradiquer la tribu non arabe Masalit du Darfour. En ravivant les divisions ethniques, ce conflit s’est-il transformé en guerre civile ? Face à la catastrophe humanitaire, comment peut-on qualifier les exactions ?

Cet affrontement entre clans militaires s’appuie évidemment sur une base de confrontation ethnique historique et puissante. Les origines du conflit s’enracinent depuis l’indépendance du Soudan en 1956, dans l’oppression régulière des populations africaines non arabes du Darfour et de leurs leaders traditionnels, soucieux d’émancipation.

Des répressions extrêmes ont illustré la prise de contrôle du gouvernement allié dans les années 2000 aux milices locales arabes du général Hemetti, dites Janjawid. Ces populations arabes, généralement éleveurs nomades, constituent probablement un quart de la population du Darfour et comprennent les Rizayqats du nord et du sud-est du Darfour, les Missiriyyas et les Humrs, farouchement opposées aux populations africaines d’agriculteurs sédentaires. Dès le démarrage du conflit en avril dernier entre les généraux Al-Bourhane et Hemetti, ce dernier naturellement s’est appuyé sur son emprise territoriale et ses affiliés au Darfour. La confrontation ethnique violente redevenait donc inévitable avec de l’autre côté les protagonistes africains que sont les Furs, les Masalits et les Zaghawas – ces derniers minoritaires au Darfour, mais très liés aux Zaghawas du Tchad voisin.

 

Le conflit provoque des déplacements massifs de population vers les pays voisins de la région, notamment l’Égypte et le Tchad. Quel est l’impact de la guerre au Soudan sur la situation sécuritaire et sur la stabilité politique régionale ?

À l’est du Tchad, il faut en effet s’attendre à ce que l’afflux des réfugiés réveille et exacerbe les anciens conflits et rivalités entre les communautés, les précarités sociales, les tensions multiples dans ces vastes zones frontalières, qui ont été dans les décennies précédentes des foyers d’instabilité majeurs.

Ces tensions peuvent être la cause de conflits et d’affrontements communautaires meurtriers, dans un environnement caractérisé par la coexistence de cultures différentes et la persistance de rivalités ethniques anciennes.

Le Tchad est le pays qui a le plus à craindre du conflit au Soudan et d’une reprise de la guerre au Darfour. Il s’agit d’un foyer d’instabilité majeur qui provoque la recrudescence des mouvements de population et des trafics de toute nature. D’autant que les Tchadiens sont très proches des Zaghawas soudanais, dont certains sont même installés à N’Djamena où ils ont trouvé refuge lors des agressions passées.

Pour autant, le pays veut se montrer neutre dans le conflit soudanais et essaie de jouer un rôle de médiateur, à l’instar de l’Arabie saoudite ou des États-Unis. Cependant, le Tchad craint fortement la victoire d’Hemetti, c’est-à-dire une victoire des populations arabes qui pourraient souhaiter s’appuyer sur un nouveau gouvernement forgé autour d’Hemetti pour déstabiliser les Zaghawas, au pouvoir au Tchad.

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