Juin 2017
Présentation par Pascal Boniface
Contestations démocratiques, désordre international ?RIS N°106 - Été 2017
Près de trente ans après le démantèlement du Rideau de fer – qui a démarré à l’initiative de la Hongrie à sa frontière avec l’Autriche en mai 1988 –, il demeure de profondes divergences stratégiques entre l’Europe de l’Ouest et l’Europe de l’Est, même si tous les pays concernés sont à la fois membres de l’Union européenne (UE) et de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN).
S’il y a bien eu, dans la plupart des cas, convergence économique par le formidable développement des pays ayant adhéré dans les années 2000 à l’UE, les perceptions stratégiques et même sociétales sont encore marquées. L’Histoire a laissé des traces profondes que le temps n’a pas encore effacées.
L’attitude vis-à-vis de la guerre d’Irak de 2003 avait opposé, selon Donald Rumsfeld, la « vieille Europe », qui s’y opposait, et la « nouvelle Europe », qui la soutenait – ou du moins ne s’y opposait pas publiquement. La récente « crise des réfugiés » a également mis en lumière ces différences de perceptions. Et aujourd’hui encore, la vision qu’ont ces pays des États-Unis et de la Russie – à l’exception de la Hongrie – est encore marquée par le passé.
François Mitterrand avait été fortement critiqué quand il avait proposé, au début des années 1990, une « confédération européenne ». Cela avait été perçu comme une tentative biaisée d’empêcher les pays d’Europe de l’Est d’adhérer pleinement à l’UE. La dette morale et politique qui leur était due – pour les avoir abandonnés à la férule soviétique – rendait légitime leur adhésion la plus rapide – et la moins conditionnelle – possible à l’UE. Évidemment, les États-Unis – qui n’avaient pas plus aidé les peuples de l’Est que les Européens durant la guerre froide – plaidaient en ce sens.
Si l’on comprenait l’intérêt des futurs membres à rejoindre l’UE, ne serait-ce que d’un point de vue économique, l’on s’est du coup moins demandé quels avantages l’Union pourrait en retirer et à quelles conditions. L’élargissement paraissait un phénomène naturel que rien ne devait freiner.
Le « Brexit » a été un coup de tonnerre pour beaucoup. Pour la première fois, il n’y avait non pas augmentation, mais diminution du nombre d’États membres. Cela va-t-il pour autant affaiblir l’UE ? C’est très discutable. Peut-être cela peut-il permettre un nouveau départ. Peut-être plus n’est pas obligatoirement mieux. Peut-être un nombre plus restreint de pays, plus mobiles et déterminés, est-il préférable.
En 1998, j’avais rédigé cette note pour le Centre d’analyse et de prévision (CAP) du Quai d’Orsay. Je m’y inquiétais des conséquences stratégiques négatives pour la puissance européenne, pour ce que l’on appelait à l’époque l’« Europe puissance ». Omettant la crainte que les élargissements à venir allaient se traduire par un affaiblissement de ce projet. Je la republie aujourd’hui. Les faits me paraissent, hélas, avoir conforté les craintes que j’y exprimais.